le major Fegolli transmit un ordre bref dans son com, puis tourna ses jumelles vers la position occupée par son unité. Malgré sa taille, à six cents mètres de distance, un leman russ pouvait disparaître presque totalement dans l’espèce de bush épineux où ils avaient pris position avant l’aube, Le brigadier Campanello, jaune 3, était maître dans l’art d’utiliser le terrain et d’aménager des redans efficaces, rien ne trahissait l’emplacement de son char. Les trois autres véhicules étaient plus visibles, mais l’un dans l’autre, le travail de camouflage avait été mené dans les règles : les équipages avaient payé assez cher les mois précédents pour que la leçon soit retenue!H moins cinq minutes.
Le major comptait mentalement les secondes. Ses cinq chars étaient en veille pour un nouveau bond, et s’ils parvenaient à franchir les deux mille mètres qui les séparaient de la crête de la mesa de l’autre côté, il aurait rempli sa mission : sécuriser la piste qui serpentait le long du wadi pierreux en dessous de lui. Vingt klicks au nord, les hommes du capitaine Illescu avaient un pressant besoin de ravitaillement, sans eau ni munitions ils ne pouvaient espérer résister longtemps à la pression de l’ennemi, il fallait donc contrôler contrôler coûte que coûte le plateau au-delà des rochers.
Sans même prendre en compte les ordres qu’il avait reçu et qu’il comptait bien exécuter, Fegolli était décidé à s’engager à fond dans la manoeuvre. Il connaissait personnellement Illescu, avait participé aux mêmes campagnes et gravi les échelons de la hiérarchie avec lui. Le major appréciait l’humour désabusé du capitaine, et savait qu’il n’aurait pas demandé du secours sans raison.
Il n’en restait pas moins qu’il n’avait que cinq chars…
Plus nerveusement qu’il ne l’aurait voulu il examina le ciel sans nuage : en dépit de tous les efforts, les exos conservaient la maîtrise du ciel : leurs antigravs étaient difficiles à détecter et plus encore à abattre, leurs missiles étaient d’une précision diabolique.
Moins deux.
Il fallait oublier la colère, les effectifs squelettiques qui fondaient comme neige au soleil, les appareils qu’il fallait réparer avec les moyens du bord, les moteurs essoufflés. Il fallait compter sur Pritti et ses deux Hydres de fortune pour le protéger, et avant tout se concentrer sur le terrain.
– En avant!
Zara, son pilote, était un vétéran : il emballa les moteurs au top même, et le char se dégagea en grinçant du lacis de ronces qui l’avait dissimulé pour basculer sur la contre pente, à peine en marche il commença des zig zag brutaux qui faisait grincer les transmissions usées mais soulevait autour du blindé des torrents de poussière jaune qui contribueraient, peut-être, à le protéger. Le long de la ligne, Fegolli voyait les appareils de son peloton s’ébranler les uns après les autres, chacun avait visiblement étudié sa route, et tous paraissaient avoir saisit la consigne : marcher vite. Sa propre machine semblait lui transmettre cette urgence : elle tanguait sur le versant défoncé du wadi arrachant la pierraille et les buissons d’épineux. A cette allure, chaque cahot semblait se répercuter directement dans vos membres et toute observation directe devenait difficile. Fegolli ressera son harnais. Si l’on s’en référait au manuel, il aurait du diriger le combat sur ses coms, de l’intérieur de son char, mais dans les circonstances difficiles il ne pouvait s’y résoudre : rien ne remplaçait l’observation directe du terrain.
Les heurts se firent plus brutaux quand ils atteignirent le fond du tallweg, mais comme pour justifier le risque qu’il prenait, il distingua la fine trainée de vapeur sur son secteur gauche avant même que le détecteur d’alerte ne retentisse. Missile!
– Jaune 3, esquive!
Au moment même, des nuages tourmentés parurent éclore sur sa ligne : pris sous le feu, les chars avaient lâché leurs fumigènes, trop tôt probablement, les missiles tirés à longue portée pouvaient souvent être trompés, mais les pilotes ne voulaient pas prendre de risques inutiles. Deux, trois, cinq projectiles firent long feu. Celui qui cherchait le char de Campanello trouva une cible : un éclair bleu malsain raya l’horizon et les crépitements du statique saturèrent la radio à l’instant même où l’onde de choc parvenait au major, le rejetant contre le volet de la tourelle. Le bruit de l’explosion se confondit avec celui de son propre canon qui tirait sur la crête en face.
Impossible de rien voir!
-Jaune 4, feu à deux heures, couverture! Jaune 2 et jaune 5 mouvement! Jaune 3, rapport!
Les obus s’abattirent à sur la crête, pulvérisant la pierraille : même s’ils ne touchaient pas les exos, ils les forceraient au moins à baisser la tête.
Jaune 4 avec moi! Jaune 2 et 5 couverture: trois clicks sur la gauche! Jaune 3 rapport!
Les deux chars de tête avaient à présent commencé à gravir la pente sur l’autre versant du wadi, ils n’étaient plus très loin de l’abri relatif de l’escarpement, les autres en appui étaient invisibles dans les nuages de poussière soulevés par les tirs et les explosions. Le saccato des bolters lourds vint ajouter au vacarme : ses propres tireurs ouvraient le feu sur la crête tandis que Zara rétrogradait pour aborder la montée. Jaune 4, son binôme était deux cents mètres derrière, un peu sur la droite. Il tirait aussi : les bolts ne sont pas cher. Le crête parut se précipiter vers lui.
– Stop!
Le Leman Russ pivota avec une souplesse inattendue pour sa masse : Zara avait joué de la pente pour faire déraper la machine juste avant le sommet au risque de partir en glissade. Le blindage latéral grinça contre la roche fracturée mais l’appareil s’immobilisa à l’endroit exact où il le fallait : juste à défilement de tourelle. Dans cette position, un Leman Russ était presque indestructible! Fegolli fit pivoter sont tourelleau pour inspecter rapidement le plateau devant lui : une étendue grise semée de pierres éparses. Une structure inidentifiable brûlait à trois cent mètres, à part cela rien. Le major jura : il n’y avait jamais rien, les exos refusaient systématiquement le combat quand ils se savaient en infériorité numérique. Ils esquivaient, ils feignaient la faiblesse en cherchant à entraîner leur adversaire dans une poursuite qui les conduisait tout droit dans un guet apens.
C’est parce qu’il avait compris cela depuis longtemps que Fegolli était toujours en vie.
Jaune 2 et jaune 4, position de veille arrière. A tous, moteurs coupés, rapport d’avaries. – Jaune 3, rapport!
Le com se reveilla.
– Jaune 3, rapport d’avarie : chenille droite coupée, deux galets endommagés, brigadier pointeur Pallazzo légèrement blessé.
Fegolli se détendit : apparemment il avait rempli sa mission sans perte.
– Missile?
– Rocher! Ils ont pulverisé le rocher sur ma droite!
– Réparable?
– Deux heures!
– Bien reçu, prévenez l’Echelon…
Fegolli entendit soudain l’écho de détonations loin au nord, des reflets de laser zébrèrent un instant le ciel, et il se permit une pensée égoïste : aujourd’hui les antigravs avaient eu affaire ailleurs.
Par un hasard malheureux, le IIème Sélénia n’engagea que peu de chars durant la première campagne de Teth IV. Lors du débarquement du régiment, le 36ème bataillon, son unité blindée rattachée, fut détourné pour faire face à une menace de sédition apparue sur Ceracuse, si bien que seuls l’escadron de commandement (escadron jaune) ainsi que deux compagnies de soutien et d’approvisionnement, débarqués avec la première vague, purent effectivement soutenir l’unité durant les trois premières années de la campagne, avant que la ligne logistique avec la Flotte Impériale ne soit enfin rétablie. Pendant des mois, les techs durent faire des prodiges pour réparer des appareils qu’il aurait fallu réformer ou convertir en engins de guerre de simples chenillettes de ravitaillement. Si les Séléniens isolés ne furent jamais oubliés par leur planète d’origine qui fit tout pour leur fournir de l’aide en dépit de moyens industriels très médiocres, cet abandon pesa lourd et, des années après, les Séléniens gardaient encore rancune au gouverneur de Céracuse d’avoir exigé des moyens qui leur auraient sans doute évité bien des pertes!
Comme mes Chimères, les Leman Russ de mon armée sont donc des vétérans déployés loin de toute logistique, ils portent par conséquent les stigmates de nombreux combats et de bien des cannibalisations. Ce projet initial, plutôt lié à l’esthétique et à une certaine volonté de rendre le modèle d’origine plus « rationnel » techniquement, a évolué avec les années pour tenir davantage compte de l’évolution et du développement rapide de mon historique de TethVI et de la campagne de Céracuse si bien qu’ils sont présenter à présent des caractères spécifiques qui témoignent des différents moments de la campagne…
Leman Russ modèle Sélénia (modèle de 1ère série)
Les Léman Russ déployés sur Teth ont en général été assemblés sur sélénia avec des pièces importées de Cadia, en particulier dans l’arsenal de Bennett spécialisé dans les chars lourds. Lors de l’assemblage, il on reçu un certain nombre de modifications destinées à les adapter aux conditions locales. si aucune de ces modifications n’altère réellement les caractéristiques du char, elle en modifient assez sensiblement la silhouette, ce qui permet de les différencier assez facilement des modèles ultérieurs.
Première altération notable, le poste de conduite est inversé par rapport à la disposition initiale et modifié par l’ajout d’une grande trappe frontale qui favorise l’observation directe tout en permettant une évacuation plus facile des appareils touchés, problème notoirement négligé sur le modèle d’origine. Le surblindage est généralement ajouté (il est absent ici) et renforcé encore par l’installation à demeure de la lame bulldozer. Cet ajout est rendu possible grâce à un système hydraulique de rétraction développé sur Sélénia.
Le système de ventilation du moteur est modifié de manière à limiter les entrées de poussière par l’emploi de couvercles blindés, efficaces aussi contre les liquides enflammés ou les produits corrosifs. Rendu impératif par les conditions d’engagement des chars, le dispositif n’est toutefois pas totalement satisfaisant par très forte chaleur, aggravant même dans certaines conditions les problèmes de refroidissement récurrents sur le Léman Russ et de nombreux chars verront les capots blindés remplacés par une simple grille.
Moins visible mais plus essentiel, le train de roulement a été surbaissé de manière à réduire la hauteur globale de l’engin, élément essentiel de discrétion dans des régions plates sans couvert végétal. Cela s’accompagne d’un déplacement de la chenille qui vient, comme sur la Chimère, courir directement sur le blindage latéral. L’espace gagné permet aussi d’installer un garde-boue au dessus de la chenille pour protéger la tourelle des projections de pierres et de poussière.
Les combats dans le désert se faisant à longue distance et souvent à défilement de tourelle, les appareils reçoivent un surblindage spécifiques destiné à réduire les effets des projectiles guidés et des charges creuses : une plaque d’acier est fixée par des pattes métalliques tout autour de la tourelle. Un surblindage a aussi été étudié pour le masque du canon, mais il est rarement monté en opération, les équipages jugeant, malgré les études faites par les techniciens, qu’il déséquilibre le canon et réduit ainsi sa précision comme sa vitesse de tir.
La silhouette caractéristique du Leman Russ reste bien identifiable malgré les transformations. Les Chars du 36ème bataillon portent normalement un code de couleur correspondant au régiment auquel ils sont attachés (jaune pour le IIème régiment) mais les chiffres tactiques normalement associés ont assez rapidement disparu sur les appareils engagés en début de campagne, la poussière omniprésente les rendant presque indiscernables à distance… Il réapparaîtront par la suite à mesure que s’effectuera la réorganisation tactique du régiment.
LR1bis modèle Sélénia : un char de transition
Au contraire de son prédécesseur somme toute très classique, LR1bis est un char exceptionnel puisqu’il s’éloigne radicalement des SCS utilisés par l’Impérium. Une enquête a d’ailleurs été ouverte à ce sujet par l’Inquisition et les représentants de l’Adeptus Mechanicus, même si l’évidente mauvaise volonté des autorités de Sélénia semble vouloir la ralentir.
Du point de vue esthétique, le projet est né de l’idée de faire coller au plus près un Leman Russ avec le char emblématique de l’armée française de 1940, le Renault B1bis. Comme souvent, le côté radical de la conversion m’a donné envie de travailler sur les justifications historiques de la présence d’un engin aussi différent de mes autres chars sur une table de jeu. Le LR1Bis résulte donc d’une tentative des arsenaux de Sélénia pour procurer au contingent bloqué sur TethVI ainsi qu’aux troupes locales, un char de remplacement dans la période d’interruption des livraisons cadiennes. Faute de moyens industriels suffisants sur Sélénia, les LR1bis (ainsi que les LR1 et LR2 plus anecdotiques) ne sont en fait qu’une caisse de Leman Russ classique, lourdement modifiée pour recevoir une nouvelle motorisation ainsi qu’une tourelle de conception locale.
Ces modifications ont entraîné une modification drastique de la caisse du char avec en particulier une allongement du châssis et un déplacement du barbotin rendu inévitable par l’emploi d’une transmission volumineuse. La grande grille de ventilation du moteur, militairement peu satisfaisante, témoigne de la difficulté de l’installation du nouveau groupe moteur.
La plage arrière très spacieuse reçoit plusieurs trappes d’aération blindées ainsi qu’une trappe de visite de la transmission. Les pots d’échappement ont été déplacés pour limiter la longueur du véhicule.
La dernière particularité du LR1bis est d’avoir le canon obusier placé en position fixe à l’avant de la caisse. Ce choix, hérité d’un prototype de Thunderer avorté, s’explique par l’incapacité des ingénieurs de Sélénia à produire une tourelle assez résistante pour emporter un armement aussi lourd. L’armement secondaire prend place en tourelle et se limité à un canon laser. Inconvénient tactique majeur, le char ne peut pas porter d’armement latéral.
Relativement peu de LR1bis ont été livrés au IIème Sélénia sur TethVI, il l’ont aussi été à un moment où le régiment, isolé, expérimentait des systèmes de marquages spécifiques et un schéma de camouflage tricolore original à base de bandes horizontales ou de verticales qui a surtout été utilisé sur les engins de servitude et les véhicules d’appui. Sur cet exemplaire on peut observer les signes tactiques caractéristiques de l’époque : une lettre pour le groupe tactique et un numéro individuel (souvent les deux derniers chiffres de l’immatriculation d’usine) identifiant le char.
le Leman Russ modèle Teth (modèle tardif)
Avec la reprise de liaison régulières entre le régiment et la flotte, le ravitaillement des troupes est devenu plus régulier, si bien que des chars neufs ont pu être livrés aux différentes unités. Ces véhicules se distinguent des vétérans des premières années de la campagne par certains détails : un blindage frontal simplifié, l’ajout de coffres de rangement sur les garde-boue et une grille de ventilation plus importante à l’arrière. la tourelle correspond au dernier modèle des arsenaux de Cadia.
Sur ces nouveaux engins, le camouflage multicolore, jugé inefficace, est redevenu exceptionnel, par contre le système de codes tactique est parvenu à maturité. Chaque véhicule porte son immatriculation d’usine (à l’arrière ou sur les flancs), Un numéro individuel à trois chiffres dont le premier est spécifique au régiment et au type d’unité(6/7/8 pour le IIème Sélénia, le 6 identifiant les chars de combat) et un code identifiant le groupement opérationnel souvent réalisé avec de simples autocollants pour tenir compte des changements fréquents d’affectation des engins.
A l’heure actuelle, le IIème Sélénia peut donc déployer un escadron de Leman Russ complet de trois chars, avec au besoin une variante d’appui spécialisé, même s’il lui faut toujours combler les tableaux d’effectifs avec de vieux LR1bis à bout de souffle…