A cheval!

S’il y a une unité qui paraît parfaitement anachronique dans l’univers de Warhammer 40K, c’est bien la cavalerie. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est sans doute ce décalage qui me la rend terriblement sympathique, quelque chose qui a à voir avec les troupes montées accompagnant les brigades mécanisées soviétiques pendant la seconde guerre mondiale… Des chevaux et des chars!

Du point de vue tactique par contre, la cavalerie est une arme qui présente beaucoup d’intérêt dans l’ordre de bataille de la Garde Impériale, pour quelqu’un qui joue comme moi contre des Space Marines équipés de Drop Pods ou des Nobz ork insensibles à la douleur et bourrés de points de vie comme de bière de Squig. Quelques cavaliers armés de lances de chasse représentent la meilleure troupe de contre attaque possible contre des unités surgissant derrière les lignes pour s’en prendre aux véhicules d’artillerie à grand coup de bombes à fusion et autres vacheries. Placés en réserve, ils ont de bonnes chances d’intervenir juste à temps. Cette tactique se révèle souvent efficace, même si le hasard des jets de réserve la rend un peu aléatoire : quand ils entrent à contre temps, loin du front, mes pauvres hussards se font généralement hacher avant d’avoir pu jouer leur rôle. Cela leur donne un aspect de troupe à usage unique qui doit tenir pour une part à mes faibles compétences tactiques dans le jeu. Quel que soit leur destin, il reste toujours l’aspect esthétique : un escadron de cavalier c’est toujours splendide sur la table de jeu.

Restait à intégrer ces braves gens et leur monture dans l’aspect général de mon régiment et cela rendait difficile l’utilisation pure et simple des quelques modèles existants, les cavaliers de Tallarn ou les Attiliens, trop typés et trop éloignés de l’inspiration cadienne de mon armée. L’idée a donc été de mettre des cadiens à cheval, conversion assez simple finalement, mais comme toujours la définition exacte de l’esthétique de l’unité devait répondre à quelque chose dans l’historique de la campagne de Teth VI. Il a fallu creuser un peu la question et en fait l’apparition d’unités de cavaleries relativement nombreuses sur Teth VI s’explique par deux raisons principales.

La première tient au fait que dans les coutumes de Sélénia, monde d’origine du régiment, les fréries les plus aristocratiques pratiquaient très souvent les sports équestres en souvenir d’une époque où le cheval était à la fois instrument de prestige social et arme de guerre. La conversion progressive des forces armées de Sélénia au modèle d’organisation cadien eut naturellement pour effet de reléguer les chevaux au rang d’antiquité tactique, mais la plupart des officiers qui en possédaient conservèrent jalousement  leur chevaux au cantonnement, au moins tant qu’ils restaient stationnés sur leur propre planète, pour bien rappeler leur origine sociale. Par un effet assez compréhensible d’imitation, leurs cadets prirent l’habitude de les imiter, si bien que monter à cheval devint progressivement un élément majeur de tradition dans le corps des officiers, particulièrement dans les troupes mécanisées que l’on continua à désigner comme troupes de cavalerie et qui prirent grand soin de perpétuer le souvenir des brillants régiment du passé…

La seconde raison est directement liée à la situation matérielle désespérée dans laquelle se trouva le régiment au début de la campagne de TethVI. Isolés dans un espace immense, coupés de tout soutien humain et matériel,  les Séléniens durent faire flèche de tout bois pour compenser leur dénuement et conserver une certaine efficacité opérationnelle. Comme les chevaux (sans doute importés par les premiers colons) étaient nombreux dans les steppes de Teth VI où s’étaient réfugiés les débris du Deuxième Sélénia, il était assez logique que l’idée de recréer des troupes montées soit immédiatement venue à l’esprit du colonel Bargonzoli, grand cavalier lui-même, et vite convaincu que le cheval pouvait constituer un vrai avantage tactique dans la campagne qu’il avait à mener.

De fait, le cheval montra rapidement des qualités qui semblaient répondre presque miraculeusement à la plupart des manques dont souffraient les troupes. Raisonnablement rapide, il permettait à l’infanterie privée de transports de concerver une mobilité tactique raisonnable. Agile, il permettait d’agir pratiquement sur tous les types de terrain. Se contentant de l’herbe de la steppe pour se nourrir, il permettait une grande autonomie et permettait aux supports logistiques, tendus à l’extrême, de se concentrer sur les autres unités.

Il apparu aussi par la suite que ces unités se révélaient particulièrement difficiles à détecter pour les différents adversaires du régiment. Curieusement, les senseurs et autres radars ultra sophistiqués, sont en général conçus et programmés pour rechercher des véhicules, des artéfacts technologiques, des émissions de chaleur ou d’ondes spécifiques. A distance suffisante, une unité de cavalerie légère ne se distingue finalement guère d’un troupeau de chevaux sauvage et elle ne produit guère de signature susceptible d’être détectée facilement.


 Il s’en suivit que les détachements à cheval devinrent par définition des unités d’exploration, de raid ou de harcèlement, si bien que les hommes qui les composaient prirent l’habitude de s’aventurer loin dans le désert et d’y vivre pour de très longues périodes, pratiquement sans ravitaillement. Leurs officiers, volontaires pour la plupart et choisis pour leur indépendance et leur initiative, prirent l’habitude d’agir seul, guidés seulement par des ordres génériques, et insufflèrent rapidement à leurs hommes le sentiment qu’il possédaient d’appartenir à une élite.

Tout cela conféra bientôt aux unités montées une allure particulière : les hommes conservèrent le gilet pare-éclats, le casque et les protections d’épaules règlementaires, mais, comme les vétérans et pour les mêmes raisons, ils adoptèrent l’épais manteau de laine brune des peuples de la steppe, mieux adapté au climat que leur uniforme. De l’infanterie, leur corps d’origine, ils conservèrent par contre l’habitude du fusil laser ce qui est naturellement tout à fait contraire au règlement. Mais ils empruntèrent aussi beaucoup aux gens des steppes, délaissant la tente règlementaire pour la yourte de feutre et prenant l’habitude de faire porter leurs impedimenta par des colonnes de mulets ou d’ânes qui firent vite ressembler les unités à des caravanes nomades.

Il faut reconnaître enfin que la durée de la campagne et l’isolement conduisirent les hommes à s’intégrer plus qu’il n’aurait été souhaitable dans les populations locales : au bout de quatre ou cinq ans sur Teth, beaucoup d’entre eux avaient fini par se trouver de nouvelles compagnes et par fonder des familles d’abord clandestines puis bien vite tout à fait officielles. Cette dérive, quand elle fut repérée fut débattue au plus haut niveau de l’état-major, en particulier entre le colonel Bargonzolli et le commissaire Vincenze. S’il est évident que tous les règlements s’opposent très justement à ce genre de contact entre les troupes et la population civile, dans le cas particulier de la campagne, il semble que cette intégration progressive ait permis de limiter les effets démoralisants de l’isolement que connut le régiment et de maintenir sa combativité en donnant aux troupes la motivation d’unités défendant leurs foyers.

Il est évident que semblable dérive aurait sans doute conduit à de très sévères sanctions à l’encontre des hommes et de leurs officiers si le régiment avait du être un jour redéployé sur d’autres planètes, mais dans la mesure où la Flotte, en accord avec l’Inquisition, décida de définitivement isoler les hommes du deuxième Sélénia sur Teth, certains esprits cyniques allèrent même jusqu’à estimer que ces liens déplorables avaient probablement évité une mutinerie du régiment lors de l’annonce de son confinement, et économisé les efforts et les frais nécessaires à une remise au pas.