Challenge Flash n°7 – Métatron
Tout n’était que chaos et désolation…
Les rayons du soleil d’été se heurtaient à un impressionnant nuage brunâtre.
La poussière tourbillonnait en volutes acres qui masquaient pudiquement la scène aux hélicoptères de la gendarmerie.
De loin en loin, on découvrait des habits déchirés, l’éclat d’un ceinturon, un visage hagard mangé par une barbe hirsute…
La foule prudente avait regagné les hauteurs, fuyant le carnage, sans pour autant parvenir à détourner le regard.
Quentin, quatorze ans, était aux premières loges.
Ses oreilles résonnaient encore du fracas des minutes précédentes. Le silence n’en était que plus tonitruant.
Et pourtant, il y a quelques heures à peine, sa vie d’adolescent suivait un cours placide.
***
Le petit déjeuner du dimanche matin était un moment de paix, comme un entracte dans le tourbillon de la semaine.
Maman lisait des magasines au lit, avec un mug de café et une pile de toasts grillés. La maison paraissait engourdie ; la matinée s’écoulait à un rythme indolent que rien ne venait perturber.
Pourtant, aujourd’hui, Quentin avait d’autres plans que l’habituelle lecture de White dwarf.
A peine avait-il fini de faire griller les toasts familiaux qu’il se précipita dans sa chambre pour enfiler sa tenue de combat. Treillis et ranjo de récup, un bombers épais qui donnait une fausse carrure à son corps adolescent.
Un coup d’œil dans la glace… mouai, avec une moue boudeuse, ça passait.
Il descendit à pas de loup dans l’escalier et gagna la porte.
« Je vais chez Jérémie ! fit-il avec une voix qu’il essaya de ne pas faire trembler. Je reviens pour le diner. »
« D’accord, fit une voix enjouée depuis l’étage. Passe une bonne journée ! » Sur qu’elle serait bonne. Maman, trop contente d’avoir sa journée libre, y trouvait son compte. Quant à Quentin…
Avec une légère boule d’anxiété, il courut jusqu’au bout de la rue pour monter dans le car stationné aux vitres tintées.
Le véhicule s’ébranla pour s’élancer au travers de la campagne vendéenne. Plus ils roulaient, plus les petits groupes de pèlerins se faisaient nombreux. D’où sortaient tous ces types ? On les croisait parfois en ville, par petits groupes inquiétants. Jamais en aussi grand nombre. La meute sortait de l’ombre où elle avait passée l’hiver. Dégénérés, psychotiques, nazillons, anars, … autant de noms crachés à leur face, traçant une fascinante ligne jaune qui hantait les nuits de l’ado.
Au collège, Loïc avait franchi le pas. Un week-end de juin, il avait disparu trois jours entiers dans la campagne, en réponse à un appel muet. Qu’y avait-il fait ? Qu’avait-il vu ? Mystère. Mais en cours, son regard se faisait parfois ironique, comme s’il avait été initié à quelques mystérieux secrets.
Cet appel, Quentin l’avait entendu à son tour.
Une heure de trajet lui permit d’atteindre les grilles, où gendarmes et CRS scrutaient la foule qui convergeait en rangs serrés. On s’apostrophait, on échangeait des accolades entre amis… Quentin se sentit soudain bien seul.
« Reste derrière moi. »
La voix était celle d’un affranchi couvert de tatouage, épais comme un tronc.
«Et celui là, il est avec vous ? » interpela un policier en désignant Quentin.
Le mastard lorgna l’ado de sa large face étirée d’un bouc tressé.
« Ouai, c’est mon petit frère. »
Quentin rougit, en proie à une soudaine bouffée d’orgueil. Adoubé, on lui donnait les clés d’un nouveau monde. Mais à peine franchi les grilles, le type disparut dans la foule sans un regard en arrière. Le message était clair : personne n’était là pour le materner.
Il carra les épaules et prit la route de la Warzone. Visage fermé, mains dans les poches, tout pour paraître celui qu’il n’était pas : un briscard des pits.
C’est là que tout bascula. Plus il avançait, plus il se sentait entrainé par la marée humaine. Ça poussait, ça bousculait… Comme s’il avait été happé par un puissant tourbillon.
Déséquilibré, il lui fallut précipiter ses pas pour éviter la chute. Il perdait le contrôle. C’est à peine s’il parvint à capter les images autour de lui. Corps agglutinés, filles aux yeux révulsées, écrasées par des mastards en sueur, malheureux qui trébuchaient pour disparaître sous la marée humaine…
Jusqu’à ce que tout s’écroule, dans une clameur où la surprise se mêlait à la douleur.
Choqué, effrayé, Quentin se dégagea de sous un énorme noir qui riait convulsivement. Ses genoux le brulaient, là où il avait heurté la terre durcie par le soleil.
Hagard, il se remit debout. Quelqu’un appelait à l’aide à sa droite. Il l’ignora. La foule étalée par terre lui laissait une vue dégagée sur la scène. Une jeune femme au visage tordu par la colère s’élança pour se jucher sur un mur d’ampli. De sa voix tonitruante, elle rompit le silence :
« I Wanna see the biggest Circle Pit ever ! »
Le regard de la jeune chanteuse accrocha un instant celui de Quentin. Son intensité le secoua comme s’il avait saisi un câble électrique à pleine main. Un riff de guitare prit le relais dans un fracas d’apocalypse, martelant un rythme puissant qui secouait les entrailles.
Comme un seul homme, la foule se releva dans une clameur. La chanteuse reprit sa harangue d’une voix écorchée :
« Circle pit ! Circle Pit ! »
Un sourire illumina le visage de Quentin. Il y était, au cœur des mêlées torrides du Hellfest. Et il n’était pas là pour faire de la figuration. Avec un rugissement libérateur, il s’élança à la suite des métalleux qui reprenaient leur folle course en avant.
Tout n’était plus que chaos et jubilation.
Note finale : 3/5
Ils ont commenté :
Je n’ai pas retrouvé le chaos et la désolation du début du texte à sa conclusion. Même si j’imagine qu’un tel rassemblement de métalleux amène tout cela.
Et puis ça manque d’un peu de punch dans les descriptions avant d’arriver à la révélation, trop de mystère pour finalement pas grand chose je dirai.
Bonne ambiance, avec des questions habilement amenées et une conclusion très habile !