Challenge Flash n°7 – Estée R.
Piégée
Tout n’était que chaos et désolation. Elle ne se retournerait pas sur le monde d’où elle s’échappait. Elle le laissait aux maudites créatures qui l’avaient envahi et se repaissaient à présent des restes qu’elle abandonnait derrière elle.
Blessée et désorientée, elle essayait de garder le cap. Réussirait-elle à rejoindre les siens ? Elle était perdue, épuisée, et lorsque le territoire vierge apparut au loin, elle se dirigea vers lui, emplie d’espoir.
*
Alors qu’elle posait le premier membre sur le sol de ce désert jaunâtre, elle comprit qu’elle était condamnée et son cri se perdit dans l’immensité.
*
L’angoisse fut telle qu’elle se retrouva empêtré des membres inférieurs en un rien de temps. Si elle ne se calmait pas, elle ne pourrait bientôt plus bouger, et alors son agonie ne serait que plus terrible.
Elle se modéra donc. Forçant son instinct de survie primitif à suivre celui, plus posé, de la raison. Certes, au bout du compte, cela ne changerait pas la donne. Mais une voix au fond de son être lui susurrait qu’il fallait qu’elle se batte jusqu’au bout. Qu’elle garde espoir. Qu’elle reste en vie le plus longtemps possible.
Elle commença donc par cesser tout mouvement intempestif. Et se servit de ses sens pour appréhender le nouveau monde sur lequel elle avait atterri, son tombeau, son linceul…
Elle n’arrivait pas à identifier l’odeur. Ni vraiment sucrée, ni vraiment acide. Un truc nouveau, qui n’avait pas de nom précis, qui ne lui rappelait rien de connu, mais masquait les autres senteurs qui ne manquaient jamais de l’assaillir et de la renseigner d’habitude.
Quant au bruit, elle n’était pas certaine non plus que cela lui serve à quelque chose. Tout n’était que bourdonnement sourd.
Il ne lui restait donc que les yeux, puisque le toucher était exclu. Mais là encore, rien. Il n’y avait rien d’autre à perte de vue que cette couleur fadasse, et ce sol lisse, doté de loin en loin de quelques ondulations pouvant à peine être nommées collines et derrière lesquelles se cachaient peut-être quelque cité opulente ou quelque oasis salvateur.
Bien sûr, elle n’en saurait jamais rien. Elle n’aurait pas le loisir de visiter l’éden convoité, de se régaler à la corne d’abondance promise par ses pairs. On le lui avait bien dit pourtant, elle devait se méfier de ce genre de piège, sous peine d’y crever immanquablement ! Elle devait éviter cette zone. Alors quoi ? Comment avait-elle fait pour se retrouver dans cette situation ? Pouvait-on imputer sa déconfiture au vent ? À sa propre bêtise ? À l’attaque surprise ou à la simple malchance ?
Il lui restait encore une certaine marge de manœuvre. Bien que coincée et forcée de rester là pour toujours, elle pouvait encore tourner la tête, et le thorax. Alors, elle le vit, le cadavre d’une des siennes, à demi enseveli dans la substance orangée, desséchée déjà, morte depuis quelques jours. Les yeux immenses scrutant le vide pour l’éternité, les membres racornis.
C’était une étrange façon de mourir, il fallait en convenir. Et qui n’avait rien de glorieux. Combien de temps durerait son calvaire ? Serait-ce la faim en premier qui la terrasserait ? Ou l’angoisse ? Ou la dégénérescence de ses organes, englués dans ce substrat néfaste qui semblait déjà en train de la digérer, petit à petit, à la manière d’une plante carnivore ? Certes, ce sujet de réflexion n’était pas des plus agréables pour passer le temps, mais au moins lui occupait-il l’esprit et lui évitait-il de devenir folle !
Maintenant qu’elle y faisait plus attention, elle remarqua que l’air était devenu suffocant dans les parages, la lumière aveuglante. Elle ne brulait pas, certes, mais avait l’impression de cramer à petit feu. Elle avait déjà frôlé la carbonisation, lors d’un précédent voyage, toujours attirée qu’elle était par la lumière. Elle avait même échappé de peu à la congélation ! C’est que nombreux étaient les dangers dans son univers, car même s’il en allait de sa survie, elle était une exploratrice bien trop téméraire. Curieuse de nature, têtue, toujours en quête de nouvelles découvertes et de nouveaux mondes à visiter. Il lui fallait partir ou mourir.
Mourir, manifestement, il en était question aujourd’hui. La chaleur cumulée à l’éclat de ce soleil étranger, dirigé droit sur elle, en témoignait. Elle ne pouvait s’abriter. Son propre dessèchement était en marche, à n’en pas douter !
Elle eut une pensée pour les siens, restés à l’écart, à l’ombre d’un havre qui ne serait bientôt plus suffisant à les nourrir tous.
Son échec, était cuisant, sans mauvais jeu de mots. Ici s’achevait sa vie, sans qu’elle ne soit entrée dans la légende. Personne ne saurait jamais ce qu’elle était devenue, comme cet anonyme au loin qu’elle ne pouvait reconnaitre.
*
Ainsi meurent les mouches sur le papier collant.
Note finale : 2/5
Ils ont commenté :
Si la chute est rigolote, le reste est compliqué à lire. Il faut revoir les accords sur les temps absolument.
Et puis le Chaos et la désolation originels à ce texte ne sont pas du tout expliqués.
Bien pensé, bien ficelé ! On se doute que le protagoniste n’est pas humain dès la première apparition du mot « membre », mais on cherche si on est dans la SF, avant de penser à une araignée, puis un insecte dans une plante carnivore jusqu’à l’évocation de la plante en métaphore. Sympa !
Une idée originale assez sympa. Cependant, certains passages me paraissent tirées par les cheveux : en quoi « tout n’est que chaos et désolation » ? Et quel rapport avec la chaleur ? J’ai cru un moment qu’il s’agissait d’un moustique pris dans une bougie.