Infiltration

La pièce de trois mètre par trois est recouverte du sol au plafond d’un carrelage gris qui a dû être blanc à une époque. Une table et deux chaises en sont le seul mobilier. Et encore, la table a été fixée au sol par des rivets anti-arrachement.

Une pâle lumière tombe d’un néon faiblard pour éclairer un homme assis sur une des chaises. L’autre est vide pour le moment. Son teint est blafard, il croise et décroise les doigts nerveusement, ses mains sont moites, il transpire. Il est là depuis longtemps et il ne sait toujours pas pourquoi.

Il a beau repasser les évènements de ces derniers jours, rien ne vient l’aiguiller sur sa situation actuelle, rien qui puisse justifier de se retrouver dans les locaux de l’Arbites de Manchis IV. Encore moins dans une salle d’interrogatoire car il n’a plus de doute, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Lorsque la petite porte s’efface dans un chuintement pneumatique poussif et laisse entrer un homme, il jaillit de son siège comme un ressort que la tension à compressé à son maximum. Il pousse cependant un soupir de soulagement, c’est Tal ; le caporal Talexi ; ils servent ensemble dans la même brigade au sein des forces de défense planétaire.
La porte se referme.

« Salut Karl.
– Caporal. Alors toi aussi … ?
– Comment ça ? Ah, non, on m’a juste demandé de venir te parler.
– Mais de quoi ?
– J’en sais rien, j’ai pas bien compris, une histoire de rapport.
– C’est quoi encore, cette histoire est close, non ?
– J’en sais pas plus que toi Karl, mais apparemment, tu n’aurais pas fait le même rapport que moi.
– Tu rigoles là ! On a bien vu et fait la même chose, comment nos rapports pourraient être différents ?
– C’est ce que j’ai dit au départ, mais ils m’ont montré le tien Karl. Je ne comprends pas pourquoi tu as écris ça.
– Arrête tes salades caporal, le contrôle de tir aérien est tombé en rade, j’ai réparé aussi vite que possible et ça s’arrête là.
– Oui Karl et c’est ce qu’on a dit au début parce que c’est ce qui m’avait paru le plus logique mais quand j’ai du faire mon rapport, je pense que je n’ai pas revu les choses de la même manière.
– Foutaise, Tal, t’es qu’un …
– Le prends pas comme ça Karl, on va bien trouver une explication.
– Ta gueule, j’ai plus rien à te dire. »

Un silence pesant s’installe entre les deux hommes.
Le caporal Talexi est visiblement embêté par la situation, il ne sait pas quoi dire et se sent fautif.
Karl, quant à lui, ne pense qu’à une chose : éclater la tête de Tal sur la table.

Après quelques minutes, visiblement à bout, il lance :

« Je ne sais pas ce qui me retient de … », mais il ne peut finir sa phrase : la porte laisse entrer un représentant de l’autorité locale, un Arbites.

La lourde veste noire et la casquette vissée sur le crâne lui donnent un air sévère et une prestance impressionnante, les deux hommes qui se sont levés de concert n’osent plus se s’asseoir, ils n’osent plus bouger du tout. Sa plaque officielle et le gros pistolet bolter lui confèrent toute l’autorité nécessaire et la toute-puissance sur les deux soldats des forces de défense planétaire.

Le lieutenant Fork, comme le désigne sa plaque, jette deux dossiers sur la table. Des feuilles en sortent partiellement sous la force de l’impact. Ce sont les rapports que les deux hommes ont rédigé sur l’incident du silo n°18, celui qui n’a pas craché son contenu mortel lors de la dernière incursion Xénos, il y a plus d’un mois de cela.

« Soldats, nous sommes face à un petit souci de paperasserie que je souhaiterai élucider avant la prochaine heure. Nous avons ici deux rapports, les vôtres, concernant le même incident de tir qui a eu lieu au même endroit et au même instant. Avez-vous une explication à me fournir concernant le fait que ces deux rapports ne concordent pas ? »

Les deux suspects se jaugent un instant du regard, se défiant de parler le premier. Mais aucun ne bronche, ils savent que le premier qui parlera sera contré par l’autre et que cela sera préjudiciable aux deux. Ne rien dire semble être encore la meilleure défense. Le silence dure. L’Arbites scrute les visages. Impassible, il attend une réaction qui ne vient pas. Ces hommes ne manquent pas de sang froid. Il est temps de passer à la phase suivante :

« Je constate que vous êtes comme moi, incrédules. Je ne vois donc qu’une explication : ces foutus scribes se sont encore emmêlés les pinces et ont confondus des rapports en les classant. Typique de l’Administratum ça. »

Les deux hommes n’en croient pas leurs oreilles. Une erreur. Ils marinent ici pour une simple erreur. Incroyable, absurde, mais pourtant tellement évident.

« Je vais donc vous relâcher et vous laisser rejoindre vos postes. Dégagez de ma zone soldats ! leur lance le lieutenant avant de poursuivre d’une voix basse à peine audible, Tok Nah, Sinsh !
– Nah Tok, Sinsh »

La détonation du pistolet bolter résonne dans la pièce et le corps du caporal Talexi s’écroule sur le sol, un bolt lui a explosé la moitié de la tête à peine ses dernières paroles prononcées.
Karl, les mains à moitié levées, regarde abasourdi le corps à ses pieds se vider de son sang.

« Nous savions que l’un de vous était un sale cultiste, désolé d’avoir eu recours à ce stratagème pour le découvrir soldat, votre aide sera notée dans les annales de la planète. »

Une seconde détonation claque dans la pièce.

« Mais il ne peut y avoir de témoins à tout ceci. »

Commentaires des votants

  • Que pénaliser lorsqu’on ne comprend pas la fin d’un texte ? L’écriture ou l’originalité ? Je n’ai pas pigé cette histoire de “Nah Tok, Sinsh”. Du coup, la chute est un peu gâchée. Dommage, car la narration au présent est justement originale. La mise en scène de départ irait mieux dans une pièce de théâtre, mais une fois l’histoire lancée, c’est très efficace.
  • Pas toujours facile d’utiliser le présent pour ce type d’exercice, mais c’est réussi. Quelques fautes facilement Évitables. le “Nah Tok, Sinsh” aurait mérité une explication.
  • Un registre de langue accessible, une description brève. Le tout se lit facilement sans accroche. Une certaine prévisibilité peut-être par la redondance des événements. On ne voit pas comment l’Arbite a résolu l’énigme, à moins qu’il n’y soit pas arrivé.
  • Bon style pour un thème relativement classique. La chute me gène un peu car on n’y voit pas vraiment la subtilité de l’opération. De plus, si les deux doivent mourir, on voit moins l’intérêt de tout ceci (il y en a un évidemment mais j’aurai vu un petit mot de développement). La tension est là. Un peu plus de rythme dans le dialogue peut-être…?
  • J’ai bien aimé mais il me semble qu’il y ait quelques efforts à faire sur la partie “discours” du texte et les répliques sonnent souvent fausses, il ne manquerait pas grand chose pourtant.
  • Idée intéressante et bien utilisée, le tout assorti d’une sorte de “double chute” réussie.

Mon commentaire

Le premier texte avec lequel je ne suis pas sur le podium. Forcément un peu déçu du résultat mais je dois reconnaitre qu’une fois retravaillé, ce texte peut être plutôt bon. Les idées sont là, les personnages aussi et la chute est bien faite. Il manque un peu de liant et d’action peut-être au tout.

Rien qu’une bonne relecture n’aurait pas vu.


Texte écrit pour le challenge d’écriture n°19

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