Nam Prioris

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Aaah ! Les joies du crapahutage ! A peine avons-nous franchi le dernier avant-poste et pénétré dans la jungle que l’atmosphère a déjà changé. J’vous ai déjà dit que je n’aimais pas le climat, hein ? Et ben dans la jungle, c’est pire. L’air y est encore plus chaud et épais car c’est une énorme voûte végétale qui maintient l’humidité ambiante et qui filtre la plupart du temps les rayons du soleil.

Pendant un temps interminable, nous avançons, nous peinons plutôt, en file indienne, toujours à l’affût. Gravir une colline, descendre une colline, gravir une autre colline, descendre une autre colline. Un gars qui passerait par-là, par hasard ou par manque de bol, nous prendrait certainement pour des zombies. Hagards, sales et puants. A force, nos bardas brûlent nos épaules couvertes de sueur et d’ampoules. On trébuche, on grogne, on se prend une branche en pleine poire. Que du bonheur quoi !

C’est Bishop qui ouvre la marche, se taillant un chemin à coups de machette. Machette aussi longue que son bras, p’têt même plus. Suivent derrière, à six mètres d’intervalle, Vallenciaga et Gambit. Viennent ensuite les deux inséparables, Doky et Murdock. Puis, soufflant comme un bœuf, Nounou et sa “cracheuse de mort”, son bébé, une énorme mitrailleuse, qui à défaut d’être précise provoque habituellement un carnage. En queue de peloton, le bleu et votre serviteur.

J’vous vois déjà venir. Vous croyez p’têt que je me planque à l’arrière. Mais c’est loin d’être une position privilégiée, oh non. Croyez le ou non, l’ennemi a cette fâcheuse tendance à ne pas vouloir nous attaquer de front. Allez savoir pourquoi.

Le Sergent Gustavo, quant à lui, fait le va-et-vient le long de la colonne, distribuant les instructions et les ordres, et s’arrête parfois avec Bishop pour faire le point sur la situation à l’aide d’une holocarte incomplète, évidemment.

A chaque arrêt, j’en profite pour rencarder Josh sur les dangers que peut receler le coin.

Y’a tout d’abord le bouffe-pied. Un champignon ressemblant à un mollard d’Ogryn, aussi gros mais plus noir. Si t’as le malheur de marcher dessus lorsqu’il est arrivé à maturité, ça explose et, en général, ta jambe aussi.

Et puis y’a le vampire, un arbre très particulier qui sécrète une odeur qui attire les petits animaux d’après ce que m’a expliqué Doky, ses lianes les agrippent alors et les vident de leurs fluides vitaux. Pour sûr, à moins d’être aveugle ou totalement abruti, ça s’évite facile.

A part deux-trois bestiaux genre prédateurs aux dents longues, on trouve le buffle de jungle, aussi idiot que son cousin des rizières, mais tout autant dangereux si l’envie lui prend de te charger.

Voilà pour les “risques naturels”. S’ajoutent à cela les pochettes-surprises laissées gentiment par nos amis les autochtones. D’ordinaire, ils utilisent un principe tout con : un tube avec un gros ressort et une grenade dégoupillée dedans. Le tout retenu par un fil de soie, presque invisible. Si tu le touches, bye bye ! Le ressort se détend, éjecte la grenade en libérant sa culasse et ça saute à hauteur de poitrine.

Tout un programme…

C’est seulement après avoir traversé un plan d’eau marécageux que je me souviens que j’ai oublié autre chose. Les sang-sues.

Ni une, ni deux, j’informe le gosse de l’existence de ces nuisibles en alliant le geste à la parole : je lui retire l’une de ces vilaines bébêtes du cou. Je lui fais enlever sa chemise. Il en a déjà une dizaine dans le dos et sur le torse. Une par une, je les ôte proprement.

– C’est okay ? T’en as encore quelque part ?

Le gamin me regarde livide, l’air hébété. Il plonge prudemment la main dans son falzar et la ressort couverte de sang. Je ne sais pas si vous le savez, mais à la vue de leur propre sang, la plupart des gens tourne de l’œil. Le petiot ne fait pas exception.

Vite fait, je desserre son ceinturon et descends son futal jusqu’aux chevilles. Que l’Empereur me tripote ! Il a une de ces saloperies plantée dans l’outillage !

Avec d’infinies précautions, je le débarrasse de son nouveau copain que j’écrase ensuite sous mon talon.

– Et ben, Sting’. Pris en flag’ ! T’as pas honte de faire ça à un mioche ?

C’est la Nourrice, tout content de sa vanne. En signe de mon indéfectible amitié, je lui montre mon majeur tendu et mon plus beau sourire. Que voulez-vous, je suis un séducteur.

Revenu à lui, Josh me regarde béatement. Je lui mets une claque amicale derrière le crâne et l’aide à se relever. Je file ensuite une claque moins amicale à Nounou qu’arrête pas de se marrer.

– La ferme ! nous balance Gustavo d’une voix étouffée. On n’est plus tout seul !

Je regarde en avant et vois Bishop à l’arrêt, le poing levé. Aïe ! Les ennuis, les vrais, commencent…

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