Nam Prioris

17

Au bout d’à peine une borne de marche, j’en peux déjà plus du Lieutenant. Cette espèce de trou de bite est toujours en train de jacter, à poser des questions plus connes les unes que les autres ou à balancer des réflexions.

Je trouve finalement la parade : au moindre geste anodin d’un des hommes, je m’arrête et regarde autour de moi d’un air méfiant. Illico, Van Haussmann ferme son claque-merde et, en bon petit soldat, m’imite.

Vallenciaga refait son lacet, je me bloque. Joshua boit à sa gourde, je me bloque. Doky se gratte le cul, je me bloque.

Faut pas longtemps aux copains pour capter mon manège et à en jouer, même Kim Cue qui grimpe aussitôt d’un cran sur mon échelle de sympathie (en même temps, c’est pas bien dur : il part de zéro).

Mais, lorsque tout à l’avant de la file, Bishop lève le poing, je r’deviens sérieux. D’un geste, j’intime l’ordre à tous de mettre un genou à terre et d’être prêt à l’action. J’interroge du regard l’éclaireur qui me répond par signes : une clairière droit devant, probable base ennemie, personne en vue.

J’explique la situation au Lieutenant qui n’avait évidemment rien entravé à notre échange silencieux et nous partons alors tous les deux y voir de plus près, alors que les Dead Kings prennent position pour nous couvrir.

Nous découvrons huit ou neuf huttes en bambou avec des toits de feuillages. Pas d’hostiles dans le coin, mais l’odeur de fumée me fait frissonner les narines. Elle provient de feux éteints à la hâte avec de l’eau ; les cendres sont encore chaudes. L’ennemi n’est pas loin, peut-être même en train de nous observer.

Nous rebroussons chemin en prenant soin d’effacer les traces de notre passage (enfin c’est surtout moi qui efface les traces laissées par la cerise) et rejoignons les autres.

D’après Kim Cue, on est sur la bonne piste. On vient sûrement de dégoter l’un des relais pour les Namiens infiltrés. Reste à savoir quelle direction prendre. Bishop et Wedge vont donc inspecter les environs et nous reviennent rapidement avec de bonnes nouvelles. Ils ont trouvé plein sud une douzaine d’empreintes fraîches. Les quelques marques laissées prouvent que l’ennemi voyage sans chargement et qu’il progresse à une vitesse normale. En forçant l’allure, on pourrait être sur leurs arrières en fin d’après-midi. Je m’apprête à donner le signal de départ quant je me rend compte qu’il manque quelqu’un à l’appel.

– Bordel à queue ! Où est la Nounou ?
– Ici.

Il ressort tranquillement d’un fourré tout en se débattant avec sa braguette coincée dans le pan de sa chemise.

– Parce que tu crois que c’est vraiment le moment d’aller couler un bronze ?
– Ben quoi ? J’avais la taupe au guichet, j’pouvais plus attendre…

Je jette un coup d’oeil discret sur Van Haussmann. Il n’a rien remarqué. Ouf !

– Okay. Ça passe pour cette fois. Mais tu me fais un noeud à ton gros intestin et tu disparais plus comme ça sinon…
– Sinon quoi ?
– Depuis l’temps que tout l’monde t’appelle Nounou, j’devrais leur dire quel est ton prénom…

À son regard meurtrier, j’constate que le message est bien passé. Tant mieux. On peut donc lever le camp maintenant. Et vivre la journée la plus foireuse de toute ma chienne de vie.

Comments are disabled for this post