Nam Prioris

DUSTOFF

Sans grande conviction, Huey Dustoff faisait rouler du bout de sa fourchette les derniers petits pois au fonand de sa gamelle quand retentit soudain l’alarme. Fin du dîner ! Ni une, ni deux, il se précipite laissant tout en plan. Dans son dos, quelqu’un balance l’inévitable plaisanterie éculée :

– Dis, si tu ne reviens pas, je peux avoir ton pudding ?

Dustoff, qui dans l’immédiat s’en tamponne les amygdales, se contente d’un geste de la main évasif que le blagueur choisit d’interpréter comme un accord.

Au pas de course, Huey rejoint le tarmac éclairé par de gros projecteurs. Les membres de sa fine équipe s’affairent autour du Land Speeder Medevac en l’attendant. Il y a d’abord son copilote Longhorn, puis Hockenbury l’infirmier et enfin Bowman, en charge des exfiltrations.

Le lent sifflement de la turbine de l’antigrav se fait déjà entendre lorsque Dustoff grimpe à son bord. Le holster de son pistolet-laser posé entre les jambes afin de ne pas perdre une seconde au cas où ; sa présence à quelques centimètres de ses bijous de famille est réconfortante. Il range son ordre de mission ainsi que les précisions topographiques attrapés en coup de vent au poste de commandement dans la poche de sa chemise. Machinalement, il attache sa ceinture de sécurité, boucle sa sangle d’épaule, fixe son gilet pare-balles et enfile son casque.

Comme toujours, l’équipage est assis sur des coussins à l’épreuve des balles, le dos appuyé contre les sièges blindés pour bénéficier de la meilleure protection possible. Dès que le moteur atteint son régime de décollage et après une rapide check-list des instruments de bord, Huey s’assure via la radio que tout le monde s’est bien arnarché.

– Quatrième sortie aujourd’hui les enfants, on est tous crevés mais c’est pas une raison pour faiblir.Y’a des capellans qui comptent sur nous.

Rituellement, Longhorn caresse les deux gros dés rouges et duveteux accrochés au plafonnier pour se porter chance et contacte ensuite la tour de contrôle pour annoncer leur départ et les coordonnées de l’évacuation sanitaire. Il s’assure dans la foulée des axes de tir afin de ne pas se prendre un obus par inadvertance.

Dustoff joue sur les pédales et tire sensiblement sur le manche, le Medevac quitte le sol. Ça y est, les voilà en l’air. Huey aime cette sensation de liberté sans nul autre pareil ; il adore aussi son boulot où il tutoie le danger en permanence. Il n’échangerait sa place pour rien au monde.

Néanmoins, son groupe et lui-même restent très calmes et n’échangent que peu de mots, ils savent tous en effet ce qu’ils ont à faire et écoutent donc d’une oreille distraite les renseignements de l’artillerie qui parviennent dans leur casque.

Pourtant, arrivés au-dessus de la zone après un bref vol sans anicroche, ils comprennent que les choses ne vont pas bien : le combat se poursuit et des Speeder lourdement armés tentent de neutraliser les tirs namiens. Les balles traçantes et les laser fusent de toutes parts. La nuit est illuminée de nombreux flash verts et jaunes.

Le chef de l’unité à secourir annonce entre deux grésillements intempestifs qu’il a trois gars au tapis à évacuer ; l’un d’eux est dans un sale état. Se voulant le plus rassurant possible, Dustoff demande à l’officier de faire marcher sa lampe clignotante pour mieux identifier la zone où atterrir. Cette dernière se trouve dans un cratère de bombe, à flanc de colline, parmi quelques arbres défoliés. Impossible de se poser dans ces conditions.

L’approche est délicate : l’antigrav est obligé de stationner à moins de deux mètres du plancher des vaches, le châssis de l’antigrav frôlant les cimes. Malgré la couverture des autres Speeder et de l’escouade en-dessous, ils risquent d’être pris pour cible à tout moment et ils ne sont même pas équipés pour éventuellement riposter : ni le temps, ni la place à bord pour ça.

Non sans mal, Hockenbury et Bowman tentent de récupérer les trois soldats à l’aide du treuil électrique. Ça remue, ça braille, ça s’y reprend à plusieurs fois car le cable se raccroche parfois aux branches. Les minutes passent aussi vite que des siècles. Finalement, les blessés sont embarqués.

– Okay, cassons-nous d’là.

Sans demander son reste, le Medevac reprend aussitôt de l’altitude afin de mettre fissa les bouts. C’est alors qu’un namien tire une rafale de mitrailleuse lourde dans leur direction. L’une des balles traverse le fuselage et percute le siège blindé de Huey, projetant des éclats de métal dans le bras de celui-ci, l’empêchant de contrôler les gaz. Sans délai, l’énergie du moteur décline et la sirène d’alerte retentit.

– Merde ! Je suis touché ! Je suis touché !

Mu par une poussée d’adrénaline, Longhorn reprend précipitamment les commandes de l’appareil qui commence à chuter comme une pierre et tente de redresser avec toutes les peines du monde.

– Vérole ! Cette fois ça y est : on va se viander !

Les deux pilotes ont les yeux fixés avec inquiétude sur la ligne de crête alors que les passagers beuglent à l’arrière. Mais l’Esprit de la Machine ne l’entend finalement pas ainsi et le moteur revient heureusement à la vie. Le Speeder aux mains de Longhorn grimpe à nouveau et vire alors de bord, cap sur sur l’hôpital de campagne le plus proche.

La situation présentant moins de risques maintenant, l’infirmier et le responsable d’exfiltrations s’occupe de réduire les fractures, bander les blessures, poser des garrots et des perfs. Tout semble aller pour le mieux à présent, Dustoff s’autorise donc à s’évanouir.

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