Nam Prioris

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A peine arrivé au sec, j’organise les festivités. – Okay les enfants, z’avez entendu le Lieut’nant et, comme vous, ça m’enchante pas plus que ça. J’vous donne une heure pour préparer vot’attirail et je ne veux que le strict minimum. Val’, Bishop, montrez à vos cadets comment faire.

Là-dessus, sitôt une bonne douche, j’les abandonne faire des courses à l’armurerie pour tout ce beau monde. On a pris l’habitude de se chahuter un peu, histoire d’se vider la tête avant la prochaine nouba dans la cambrousse, mais ça m’dit vraiment rien aujourd’hui, j’ai eu ma dose, merci.

Il ne tombe plus que quelques gouttes et d’ici peu, on va crever de chaud. Tout en sifflotant, je profite donc de cette fraîcheur et de ce calme en me rendant aux stocks où règne en maître Lovells, l’intendant.

Que je vous raconte un peu le gars : y a pas un trafic dont il ne soit au courant, c’est même souvent lui qu’est derrière. Vous voulez une bonne boutanche ? Des rations supplémentaires ? C’est à lui qu’il faut s’adresser. Ne me demandez pas comment il se procure tout ça, j’en sais foutre rien et j’m’en bats l’aile. Le p’tit gros peut vous fournir n’importe quoi, de l’oreiller aux devises, du moment que vous raquez car il a une calculatrice dans le cerveau et un tiroir-caisse à la place du cœur comme on dit de par chez nous.

– Ah, Corax ! On m’a mis au parfum que tu passerais me rendre visite. Alors ? Il paraît que tu vas déhotter avec Van Haussmann ?
– M’en parle pas. J’ai les joyeuses qui remontent jusqu’à la gorge rien qu’d’y penser. Ça va être coton.
– J’me doute… Ce couillon a essayé de mettre le nez dans ma compta. C’est pas demain la veille qu’il m’la mettra profond.
– Pour sûr, t’es un caïd. Le business fonctionne bien ?
– Au poil, mon vieux, au poil. Ton matos est déjà prêt, deux d’mes gonzes vont t’aider. Il te faut autre chose de moins officielle ?
– Met-moi une boîte de cigare d’algues de côté, pour mon retour.

Il saisit le crayon calé derrière son oreille, lèche la mine et commence à griffonner sur un calepin. Emballé c’est pesé !

J’m’en retourne donc, sous un soleil de plomb, jusqu’au blockhaus pour trouver mes zigues tous avachis dans leur pageot. J’peux pas leur en vouloir, faut bien qu’ils rechargent. Mais c’est le Sergent qui doit parler et s’assurer qu’ils soient bien remonter à bloc.

– Levez donc vos sales derches de là ! Si la cerise débarquait maintenant, il nous passerait un savon des familles !

Tout le monde réagit au quart de tour, sans protester. Je passe de suite à la vitesse supérieure et improvise une ch’tite inspection surprise. Je me dirige direct sur Doky.

– Tes affaires sont prêtes ?
– Un peu mon neveu.
– Debout. Fissa.

Je saisis sa tête entre mes pognes, pose mes pouces sous ses paupières et inspecte ses gobilles. Il est clean. Je chope alors son barda et la trousse de secours que je vide sur son plumard. J’avais dis le strict minimum…

Je fais le tri dans tout ce fatras et vire le superflus, notamment des mignonnettes de Torboyo, des petits sachets d’herbe médicinale et une revue cochonne, “Namiennes vicieuses”, dont le sous-titre est des plus évocateurs : “Il n’y a pas que la jungle qui soit chaude et humide.” Je réquisitionne le mag’ et le glisse dans ma poche-revolver. Je m’assurerai à l’occasion qu’il ne contient pas de messages séditieux, évidemment…

– Bon. J’vais pas y aller pas quat’chemins : Van Haussmann est le dernier des cons. On l’aime pas et il nous l’rend bien, va donc falloir se tenir à carreau. Au moindre écart, il se fera un malin plaisir à nous clouer au pilori. Alors, munissez-vous de votre dico gothique-connard/connard-gothique et pas un pet de travers, je compte sur vous.

Je crois que le message est bien passé, du moins je l’espère. Je suis persuadé, je sais que je peux leur faire confiance en cas de coup dur, tous.

Murdock s’était posté au seuil du bunker pour griller une tige.
– V’là le Lieut’nant qui s’amène. Et il est pas tout seul

Showtime !

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