Nam Prioris

14

– Sauvé par le gong on dirait !
– Tu perds rien pour attendre Stingy, on se retrouvera.

“Stingy” ça, c’est ce qu’on appelle le mot de trop, vlan je lui colle un nouveau gros coup de boule, quoi c’est pas permis !

– Ça, c’était de la part de Gus !
Et je laisse le Clebs sur le sol à pisser son sang et cracher une ou deux dents.

Bon, on arrête de jouer il y a quand même une alerte, qu’est-ce qu’ils nous veulent ces Namiens, c’est la guerre, mais quand même, ils ne vont quand même pas venir nous attaquer, d’ailleurs j’entends rien de ce qui ressemble à un quelconque bombardement.

Je me précipite dehors à la suite de tout le monde, j’entends quelqu’un pousser sa gueulante, ça ressemble à du Van Haussmann, pas bon.

Je passe la porte en trombe et j’ai juste le temps de voir les gars en train de se mettre en rang que quelque chose me chope le pied d’appui. Je finis ma sortie en vol plané, nez dans la gadoue puis petite glissade sur deux mètres avant de pouvoir me relever. Je cherche du regard le responsable de mon atterrissage et je vois cet enfoiré de Rippert avec un sourire grand comme ça. Je m’apprête à lui faire savoir comment j’apprécie sa remise à zéro des compteurs quand la grosse voix du Lieutenant tinte à mes oreilles.

– Sergent Stingray, évidemment, dernier et pas foutu de se tenir debout.

Quelques gloussements dans l’assemblée de troufions, je vois que mes gars ont bien noté les noms, braves petits.

– Dans les rangs, avec les autres !

J’y vais tranquillement, dégoulinant de boue mais digne. La pluie aura bientôt rincé mon uniforme de toute façon.

– Soldats, je vois que vous n’êtes qu’un ramassis de bons à rien, de planqués et ça m’étonnerait pas que la nuit il y en ait qui appellent encore leur mère. Votre mère, c’est moi maintenant, et je ne vais pas vous câliner, je vais reprendre en main votre éducation, vous allez en baver mes mignons.

Et c’est parti pour le discours fleuve type, c’est au moins la dixième fois que je l’entends celui-là, ils ne se sont pas beaucoup renouvelé à l’école d’officiers. Ou alors c’est Van Haussmann qui n’a pas d’imagination ; possible aussi. Le discours tire à sa fin, on va enfin savoir où il veut en venir, et ça manque pas.

– Et c’est pour cela que je vais mener moi-même les prochaines patrouilles, le Sergent Stingray et son escouade seront les premiers à y passer.

Mais c’est pas vrai, qu’est-ce que j’ai fait à l’Empereur moi, on en vient, on a failli y rester et il faudrait qu’on y retourne, bordel ! Je sens que des gars d’autres escouades sont dégoûtés. Merci de votre soutien moral mais ça nous fera une belle jambe quand on se trimballera avec cet officier de mes deux en pleine cambrousse sous le feu des Namiens.

Ah tiens, c’est à moi de répondre il me semble. Allez, phrase rituelle :
– Oui mon Lieutenant, à vos ordres mon Lieutenant !

J’ai pas du y mettre tout l’enthousiasme attendu car “mon Lieutenant” fait une drôle de tête, il doit croire que je me fiche de lui, s’il savait combien il a raison. Il s’approche de moi en faisant son gros dur, bouh j’ai peur, et me hurle en plein visage ces ordres.

– Vous avez deux heures pour me préparer votre escouade Sergent, matériel de campagne pour trois jours. Au pas de gymnastique et que ça saute !

Vache d’haleine de Grox, je suis pas un exemple, mais là je sais pas ce qu’il a bouffé, mais ça refoule grave. A nouveau je lui confirme mon accord par un virulent :

– Oui mon Lieutenant, à vos ordres mon Lieutenant ! Dead Kings, à moi !

Du coup il se recule presque, surpris par la force que j’ai pu mettre dans ma voix, et on part au petit trot vers nos quartiers refaire nos paquetages. Je me demande pourquoi on les défait d’ailleurs.

La pluie nous arrose copieusement jusqu’à notre baraquement. Foutue lune, je suis sûr qu’il va me pousser des nageoires avant qu’on ne la quitte.

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