Nam Prioris

11

Ma petite troupe est prête. Les sacs ont été faits comme dans le manuel, les gars ont pris tout ce qu’il faut pour le feu d’artifice de ce soir, et on poireaute. On attend les derniers ordres de Tuomas, il doit me les transmettre au dernier moment. Mais ça fait déjà vingt minutes qu’on se fait saucer copieusement et toujours pas de Major à l’horizon.

Nounou râle, comme d’hab’. Il m’a dit qu’il s’est débarrassé de son sale rat, mais encore une fois, il se fout de moi : on voit la queue de son bestiau dépasser de son barda de temps en temps. Au moins il est au sec lui. Ce qui me fait marrer, c’est qu’il doit s’empiffrer des rations de not’ Nounou. La tronche qu’il va faire.

Josh est avec les nouveaux, il leur parle depuis un petit moment, ‘semblent faire un bon trio ceux-là.

Gambit a pas bougé d’un poil depuis qu’il s’est posé dans un coin, son long-las planqué sous sa toile imperméable.

Le Major se pointe enfin.
– Debout les gars, ayez l’air de soldats pour une fois !

Les bleus se lèvent aussi sec sous le regard narquois de certains dont je préfère taire le nom.

– Stingray, venez là. Commence Tuomas.
– Oui Major. Que je réponds en avançant.
– Changement d’ordres Corax, vous laissez tomber le sabotage, il y a plus urgent.
– On retourne se coucher ?
– Des nèfles, les Namiens semblent vouloir changer de tactiques, ils nous envoient des escouades d’infiltration. Vous me les trouvez et vous me réglez le compte de ces sales mouchards. On est en pleine préparation d’une surprise pour nos amis d’en face et l’état-major trouve malvenu qu’ils s’intéressent de trop près à nos petites affaires.
– Quel genre de surprise ?
– J’en sais rien et je veux pas le savoir.
– Compris, c’est du lourd quoi !
– On s’en fout, occupez-vous des indiscrets, c’est tout ce qui vous regarde.
– A vos ordres Major, on va s’en occuper façon Dead Kings.
– J’y compte bien. Il doit y avoir 2-3 groupes qui rôdent dans le coin, pas la peine de revenir avant de les avoir éliminé tous.
– Compris, ce sera fait. On vous rapporte un souvenir ?
– Arrêtez avec vos conneries Sergent, au boulot un point c’est tout. C’est du sérieux Corax, me faite pas faux bond sur ce coup.

Et voila notre Major qui part remettre ses fesses au sec. Moi je retourne voir ma bande qui se demande quand est ce qu’on part et quand est ce qu’on rentre, ‘vont pas être déçus.

– Changement de plan les gars, vous me lâchez vos pétards et vous vous chargez en munitions et provisions, on est pas rentré tout de suite. Nounou tu me poseras ta cracheuse aussi et tu me prendras du matos plus discret.
– On part sur quoi Corax ? Me demande Murdock.
– Messieurs, ce soir les Dead Kings sont de sortie. On se fait une beauté et on va chasser le cafard.

A l’évocation de se faire une beauté, les anciens de l’escouade me font leur plus beau sourire carnassier.

– On a carte blanche pour le matos ? S’informe Vallenciaga.
– Ouaip, sur ordre du Major en plus, on se retrouve ici dans 20 minutes.

Et voila mes bonshommes en train de se disperser en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Seul Gambit reste là.

– T’as besoin de rien d’autre Gambit ?
– Non, j’ai tout ce qu’il me faut. Me répond-il en ajustant son fusil sur son dos.

Nous sortons notre nécessaire et commençons à nous “faire une beauté”.

Pour qui n’a jamais vu les Dead Kings en sortie, l’expression “faire une beauté” n’évoque rien de particulier, pour nous il veut tout dire. C’est bien gentil de partir au combat avec les autres escouades de la compagnie et de charger baïonnette au canon, mais nous ce qu’on préfère c’est la chasse aux cafards et c’est exactement ce que la Major nous a refilé comme mission. Et dans ces grandes occasions, on se fait une beauté. Au lieu du camouflage standard du manuel, chaque Dead King se peint un crâne noir sur le visage, le crâne de la mort qui va emporter nos ennemis. Effet garanti.

Les jeunes sont de retour les premiers. Ils sont un moment un peu surpris par notre tronche à Gambit et moi, leur camo réglementaire a l’air ridicule. On s’occupe de leur refaire façon Dead Kings. Le temps de les finir et le reste de l’escouade est de retour. Une vraie bande de tueurs que j’aimerai pas croiser, ils me foutraient presque les jetons, ce qui me rassure c’est que je dois pas avoir l’air plus sociable.

On se met en route et histoire de s’échauffer doucement, on va surprendre nos propres sentinelles en sortant sans se faire voir. Facile, il pleut, il fait noir, pas un temps à mettre un troufion dehors. C’est l’escouade de Rippert qui est de corvée, pas les plus mauvais, on va tester nos bleus.

Bishop, Wedge et Biggs sont partis devant, au bout de quelques pas on ne les voit plus tellement l’averse est forte. Bishop doit être derrière, il teste les nouveaux pour voir qui pourrait faire un bon éclaireur.

Le camp est traversé en moins de deux, personne ne semble nous remarquer. Faut dire que pas grand monde traîne dehors. J’ai tout de même l’impression qu’on nous regarde mais je vois ni n’entends personne à portée de vue ou d’ouïe. J’deviens parano ou quoi. Peut-être les derniers mots du Major qui me reviennent, ”…me faites pas faux bond sur ce coup…”, il aurait misé sa dernière chemise sèche qu’il serait pas plus nerveux le Major. Ça lui ressemble pas d’être aussi nerveux. Bon on va tacher de pas le décevoir, d’autant que ça me donne l’impression qu’on a pas le droit de merder. Bah, on verra bien.

On arrive en vue du poste de garde. Josh et moi avançons pour rejoindre Bishop et compagnie, les autres vont franchir le périmètre de sécurité pour nous attendre un peu plus loin, ils ont rien à prouver. Nous retrouvons Bishop. Wedge et Biggs sont tout sourire, ils viennent de foutre une trouille mémorable aux plantons devant le poste de Rippert. Solidement bâillonnés, ils trempent leur futal au milieu d’une jolie flaque bien grasse. Bande de gamins va. Au moins, ils ont assuré me fait comprendre par signes Bishop. Dernière étape, on entre dans le poste. Rippert est bien là, tout couillon de se retrouver avec le canon du fusil de Joshua sur sa nuque.

– Salut Rippert.
– Bordel Corax, ça t’amuse ?
– Un peu oui, et puis tu nous connais, on pouvait pas passer par-là sans te faire un coucou amical.
– Tu fais chier, pour une fois qu’on était tranquille. Mais dis donc, vous êtes de sortie ?

Perspicace le bonhomme, il vient de voir notre visage en se retournant.

– Ouaip, ça faisait un moment, hein ?
– Va pas falloir lambiner dehors si les Dead Kings sont de sortie. Bonne chasse les gars.
– Merci Rippert.

Et on sort.
– Au fait, tu récupéreras tes gus avant qu’il leur pousse des nageoires.

Le reste des paroles de ce bon vieux Rippert ne peut être rapportées ici, ma sensibilité d’artiste ne supporterait pas la teneur de ses propos un peu crus.

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