Il était une fois

Il était une fois une petite planète, toute ronde perdue dans l’infini du cosmos. Une planète comme il en existe des dizaines, des centaines, des milliers.
Il était une fois une petite planète toute fière d’être la seule de son système à ne pas être une boule de pierre brulante, ni une boule de glace ni une bulle de gaz.
Il était une fois une petite planète pleine de vie et de couleurs ou faune et flore jouissaient d’un environnement idéal pour s’épanouir, croitre et prospérer.
Il était une fois une petite planète, il était une fois moi. Je n’ai pas de nom à vous donner, je n’en ai pas besoin, je suis juste moi.
Je file à toute allure dans l’infini du cosmos glacé, réchauffé par notre soleil, ce qui ressemble le plus à un ami. J’ai bien mes sept sœurs mais elles ne me parlent pas. Je crois qu’elles sont jalouses de moi qui suis la seule à porter la vie sur ma surface. C’est ainsi, et toutes mes cousines qui sont dans mon cas vous le diront, porter la vie c’est se retrouver à l’écart de sa famille. Comme si j’avais eu le choix.

Notre petit coin spatial est très calme, il y a bien la vieille comète qui vient nous rendre visite régulièrement mais c’est bien tout. Chacun de ses passages sont d’ailleurs l’occasion de grandes discussions ; on prend des nouvelles des cousines, on raconte les derniers potins du coin … La vieille comète a toujours des tas d’histoires à nous raconter, j’aime bien quand elle arrive car c’est la promesse de nouveautés et au moins elle, elle me parle. Quand elle repart, je retombe dans le silence face à l’indifférence de mes sœurs. Ce n’est pas que ça me pèse de ne pas discuter, je ne suis pas une grande bavarde non plus remarquez, mais tout de même, des fois j’aimerai bien qu’elles fassent plus attention à moi. Il y a bien le soleil, mais il est toujours très agité et sa conversation est vite barbante.

Il fut un temps pourtant, où ce silence me pesait moins, un temps qui remonte à de nombreux passage de la vieille comète. Je m’en souviens encore comme si c’était maintenant. Laissez-moi vous raconter cette histoire :

Ils sont arrivés dans leurs graines de métal poussés par les vents cosmiques, nous avons toutes été très excitées, enfin un peu de nouveauté, enfin un peu de changement.
Les grains de métal sont entrés dans notre système et ont commencé à aller au voisinage de chacune d’entre nous, ils sont même allés jusqu’à se poser sur plusieurs de mes sœurs, passant de l’une à l’autre en les frôlant, les piquant, mais c’est finalement sur ma surface qu’ils ont choisi de se poser, de s’installer.
Au début j’étais toute contente et, comme d’habitude, mes sœurs l’ont mal pris. Remarquez encore la mauvaise foi, ce n’est pas moi qui ai demandé aux grains de métal de venir à ma surface.

Comme je le disais donc, au début j’étais toute contente mais j’ai vite déchanté.
Les petits grains de métal renfermaient une forme de vie que je ne connaissais que par les récits de la vieille comète. J’avais toujours cru qu’elle exagérait certains de ces récits mais je m’aperçus vite qu’elle avait eu raison sur beaucoup de points.
Les formes de vie n’étaient pas bien solides et peu durables, des éphémères en quelque sorte, mais rudement laborieuses et avec un cycle de reproduction hallucinant.
Ils se répandirent donc à ma surface en un rien de temps, s’octroyant des espaces incroyables pour leur bien-être, chassant d’autres formes de vies qui avaient toujours vécues là, mais leur convoitise était sans limite et les poussait à s’accaparer toute la surface. Si j’aurais toléré pu leur implantation un peu sauvage, je ne pouvais supporter leur attitude vis-à vis de la faune originelle. Mais que faire.
Pire, ils commencèrent à forer ma surface pour pomper mes ressources et mes richesses, ils brulèrent mes forêts et déplacèrent mes montagnes. Je ne devins pour eux qu’une boule sans autre intérêt que de leur fournir abri, nourriture et matériaux.
Mais le pire, ce fut les bruits que toutes leurs activités provoquaient. Les sons se propageaient sur toute la surface de manière permanente et constante en une cacophonie qui devint vite insupportable.

De tout cela, mes sœurs étaient bien consciente et finalement heureuse de n’avoir pas été choisie, elles n’en continuèrent pas moins à m’ignorer et à parler entre elles comme si je n’étais pas là.
Heureusement, cette situation ne dura pas trop longtemps. Les éphémères avaient vidé toutes mes ressources en surface et la plupart de celles enfouies dans mes strates. J’étais comme groggy, assommée, vidée. Rien ne m’avait préparée à un tel assaut, une telle saignée. En quelques révolutions ils avaient quitté ma surface à bord de nouveaux grains de métal plus gros encore que ceux avec lesquels ils étaient arrivé. Où ils allèrent, ce qu’ils y firent je ne le sus jamais et ne m’en suis jamais inquiétée, bien trop contente de les voir partir enfin.

Il me fallut un long moment pour me remettre et je n’ai toujours pas réussi à me rétablir complètement. Mais le silence est revenu, calme, serein, reposant, réparateur.
Comparés à ce qui m’est arrivé, les sarcasmes et les reproches de mes sœurs me sont finalement devenus indifférents.

***

La vieille comète est revenue avec dans son sillage, une nouvelle extraordinaire.

Un astéroïde récemment parti de chez lui arriverait dans notre petit coin de l’espace. Il paraitrait même que selon son profil actuel il serait en configuration de rencontre.
Nul besoin de vous dire que notre petit système est en effervescence. Toutes mes sœurs sont très excitées à son approche. Chacune raconte la manière dont elle voit une possible rencontre.
Ces discussions finissent par devenir insupportables également, ces pépiements incessants me fatiguent et j’essaye d’en faire abstraction, d’autant que je suis toujours exclue.
Moi aussi j’y pense et, j’ose le dire, j’espère. J’espère cette rencontre et tout ce qui pourrait en découler. Nos vie de planète sont finalement assez mornes et n’y a finalement que les rencontres qui peuvent nous amener une réelle nouveauté. Trop rares ; ils sont le fruit du hasard le plus complet et ne donnent pas toujours les résultats attendus.

Mais le voilà qui arrive enfin. Il se présente comme la vieille comète nous l’avait annoncé. Toute nous retenons nos émissions. Il est inutile d’en faire trop, de toutes les manières il a surement déjà choisi sa promise.

***

Il était une fois une petite planète toute ronde perdue dans l’infini du cosmos. Une planète unique en son genre.
Il était une fois une petite planète qui rencontra un bel astéroïde par le hasard d’une merveilleuse rencontre.
Il était une fois une rencontre qui, dans le silence infini de l’espace a donné naissance à une petite lune toute ronde.
Il était une fois une petite planète qui ne sera plus jamais seule.

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