Idris IV

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Les secrets sont éternels.
Les secrets sont faits pour être découverts
– Le pion noir contre l’Empereur blanc –

Le rédempteur est arrivé,
Il avance brandissant la justice et la paix.
Son pas est assuré, sa main est implacable.
Sa vie, futile.

Accompagné du sergent détaché par l’intendant, Krigh se dirigeait vers le lieu où devait se trouver le registre de la base. Généralement gardés dans des coffres blindés près des centres de commandement de la base, les registres pouvaient également être conservés dans les chapelles de recueillement que l’on trouvait régulièrement tous les trois ou quatre étages de ces structures spatiales. Il semblait que ce soit ce cas de figure sur DBX-17-67, Idris IV comme il était d’usage de dire ici apparemment.

Trois niveaux en dessous des ponts de commandement l’univers n’était déjà plus le même, ici pas de couloirs propres et bien entretenus comme ceux du quartier de l’intendant. Rien de flagrant, mais un certain laisser-aller semblait prendre le dessus. Quelques inscriptions gravées sur les murs, quelques déchets sur le sol, autant d’indices révélant ces menus manquements. Ils ne croisèrent que quelques rares personnes en chemin, uniquement des habitants de la base, le dernier transport était parti depuis deux jours et le prochain n’arriverait que lorsque l’inquisiteur aurait décidé de libérer l’accès à la base.

La chapelle se réduisait à un petit local pouvant contenir une vingtaine de personnes. Un autel rudimentaire trônait en son centre. Il devait y avoir bien longtemps que personne n’était venu y rendre hommage à l’Empereur. Les lieux semblaient à l’abandon, des caisses de marchandises éventrées gisaient dans la poussière et les immondices divers.

Krigh fit une moue de dégoût en voyant l’état de ce qui aurait dû être un sanctuaire à Sa grandeur et tenta de redonner un peu de dignité à l’autel en retirant les débris laissés là. Le sergent ne semblait pas avoir remarqué le mécontentement de l’acolyte et se dirigeait vers le fond du local en déblayant le passage.

“C’est ici.” Indiqua-t-il à Krigh en montrant une vielle tenture cachant une petite porte dans le mur.

On avait tenté de forcer cette porte, mais sans succès. Krigh sorti la clé inquisitoriale que lui avait confié Atorgalis et la plaqua à l’endroit prévu. Le mécanisme rechigna un instant puis finit par obtempérer et la petite porte s’ouvrit.

A l’intérieur Krigh trouva le registre et s’en saisi cérémonieusement en prononçant les Saintes Paroles du Don, il referma la cache et sortit de la chapelle pour ramener le précieux volume à son seigneur.

Le registre était lourd et encombrant, il contenait toutes les informations dont un inquisiteur avait besoin pour pouvoir rendre des jugements sur les habitants de la base en cas de besoin lors de son passage. Le serrant contre sa poitrine, Krigh se demandait quels secrets il pouvait bien détenir. Bien qu’en passe de devenir inquisiteurs sous peu, il ne connaissait pas encore tous les codes nécessaires pour déchiffrer les écrits cachés de ses prédécesseurs. Peut-être son maître lui accordera-t-il suffisamment de confiance aujourd’hui pour partager de nouveaux secrets avec lui. Mais il se reprit aussitôt d’avoir eu de telles pensées, il ne devait pas être impatient, la sagesse du seigneur Atorgalis ne devait pas être mise en doute.

Sortant avec son fardeau, il fut surpris de l’affluence soudaine devant la chapelle, une dizaine de personnes semblaient attendre sa sortie.

“Faites-place, dégagez!” Aboya le sergent.

La petite foule se dispersa mollement, un homme resta cependant un instant à observer l’acolyte avant de reprendre son chemin. Krigh fut troublé par ce personnage, par son regard. Il ne se différenciait en rien des autres, maigre, les bras noueux mais qui semblaient pouvoir soulever n’importe quoi. Un porteur se dit Krigh. Seul son regard était différent de celui de ces congénères, il avait regardé l’acolyte droit dans les yeux sans ciller, avec une sorte de défi moqueur.

Krigh serra plus fort le registre dont le poids le réconforta, l’homme avait disparu avec la foule avant qu’il puisse ordonner au sergent d’intercepter l’individu.

“Ils ne savent pas quoi faire alors ils viennent voir tout ce qui est nouveau, ne faites pas attention monsieur.” Le rassura le sergent.

Malgré lui, Krigh pressa le pas afin de retrouver la sécurité des ponts supérieurs.

Passant devant l’intendant et ses conseillers qui attendaient de savoir à quelle sauce ils allaient être dévorés, il entra dans le bureau réquisitionné par l’inquisiteur. Il le retrouva attablé devant une petite collation délicatement offerte par l’intendant, confortablement installé dans le fauteuil de ce dernier. Il avait auparavant laissé tomber son armure de cérémonie pour ne revêtir que son “costume de travail”, un surcot de cuir rouge sombre et une cape noire. Quelques serviteurs avaient également investi le local, prêts à répondre à la moindre sollicitation de leur maître. “Voici le registre Seigneur, les sceaux sont intacts. Puis-je vous aider dans vos recherches?

– Ca ira Krigh, je préfèrerais que vous furetiez un peu partout dans la base, je n’aurai guère le temps de me promener, allez et soyez mes yeux et mes oreilles. Prenez un serviteur de combat avec vous si vous voulez, il serait intéressant de voir les réactions que tout cela pourra produire sur la population.”

Krigh s’inclina cachant mal sa frustration et sortit laissant son maître défaire les sceaux et ouvrir le précieux registre.

Au passage l’acolyte donna un ordre à un des serviteurs de combat en faction devant le sas, Prel-4 selon ses souvenirs, un combattant des plus redoutables en cas de corps à corps. Le serviteur se mit au service de l’acolyte sans laisser passer aucune émotion particulière, et le sergent qui se retrouva à nouveau réquisitionné pour une autre promenade.

Tout en ouvrant le registre de la base, Atorgalis regarda partir son acolyte. L’attitude générale de ce dernier montrait bien sa frustration de ne pouvoir consulter les pages avec son maître.

“Plus tard Krigh, tu n’es pas encore prêt à partager tous les secrets de l’ordre, se dit l’inquisiteur, ton tour viendra bientôt, très bientôt.”

Il commença à consulter les pages du registre rapidement, la dernière mention du passage d’un inquisiteur en mission officielle remontait à une quinzaine d’années, suffisamment long pour que de nombreuses personnes ne figurent plus sur le registre, suffisamment court pour que certaines informations clés soient encore exploitables. Il griffonna quelques signes secrets à la suite de son confrère, ainsi le prochain saurait.

Passant les premiers chapitres depuis longtemps caduques, il focalisa son attention sur les dernières pages. Ecrites par le conseiller recenseur, elles remontaient à plus de 3 ans, ce fonctionnaire impérial avait négligé ses fonctions depuis trop longtemps, il allait devoir s’en expliquer. Passant de pages en pages, il collecta dans sa mémoire quelques indices utiles pour la poursuite de ses recherches avant de les transmettre à son analyste..

Au bout de plusieurs heures de recherche et de compilation il fit signe à son serviteur resté immobile et en attente depuis tout ce temps.

“Demande d’analyse des interactions de ce passage en corrélation avec celui-ci, celui-ci et celui-là, puis analyse d’impact de cette phrase en prenant en compte le temps écoulé depuis cette dernière action.”

Pendant qu’il énumérait les taches à accomplir à son serviteur, un léger chuintement pneumatique injectait à l’homme-machine des drogues qui allaitent décupler ses capacités d’analyse. Les données demandées par l’inquisiteur seraient disponibles d’ici une à deux heures.

Atorgalis se leva du siège en étirant ses muscles durcis par une trop longue immobilité et se dirigea vers la sortie, il avait à discuter avec un certain conseiller, un serviteur de combat resterait dans la pièce afin de s’assurer que personne n’interfère avec le travail du serviteur analyste.

L’ouverture du sas du bureau où se tenait l’inquisiteur avait visiblement stoppé net les discussions de l’intendant général et de ses conseillers. Ils se tenaient tous mal à l’aise, dansant d’un pied sur l’autre certains auraient préféré se retrouver loin d’ici.

“Intendant ?! La voix claqua comme un coup de foudre.

– Oui Seigneur ?

– Vous avez des conseillers qui sont des plus négligents.”

Un froid mortel figea le petit groupe d’homme dans l’attente de la sentence qui, forcement, allait tomber sur l’un d’eux.

“Cependant comme vous me semblez être de bonne volonté, je suis prêt à vous pardonner.”

Un rayon de soleil fictif commença à faire revivre quelques conseillers.

“Tout le monde n’aura pas cette mansuétude pourtant, il est des manquements graves que rien ne saurait excuser.”

Un conseiller parmi ceux du dernier rang se sentit mal et s’écroula de manière peu digne au regard de son statut, ses compagnons n’osant pas le relever ni même s’assurer s’il vivait encore.

“Il s’agit de votre conseiller en recensement je présume intendant ?

– Oui effectivement je …

– Remettez-le sur pied et envoyez-le moi dans vos appartements.”

Atorgalis se retourna pour repartir vers le logement privé de l’intendant. Il stoppa sa marche et tournant la tête vers le groupe d’homme il ajouta d’un ton presque guilleret :

“Ce sera tout messieurs.
Pour le moment.”

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