Challenge Flash n°5 – Anthony

Vite ouvert, vite fermé

Lentement, il ouvrit le grand livre et ferma les yeux, comme pour retarder l’instant où ses pupilles se poseraient sur les premières lettres. Il inspira, lentement, humant l’odeur si particulière des vieux ouvrages, aux pages légèrement humides. Il parcourut du doigt le feuillet, légèrement gondolé, se demandant combien de regards avaient déjà parcourus ces lignes, puis il souleva le coin des pages et les laissa retomber. Puis il ouvrit les yeux. Le papier était jauni, mais d’une couleur sage, loin de la teinte sale qu’affichaient des documents mal conservés. Quand il aurait fini sa lecture, il lui faudrait conserver avec précaution le livre pour ne pas qu’il s’abîme plus, faire attention à la température, l’humidité. Il sentait, sans savoir pourquoi, que ce grand bouquin était précieux. Il essaya de se remémorer dans quelles conditions il l’avait obtenu, sans succès. Lui avait-on offert ? L’avait-il trouvé chez un bouquiniste ? Peu lui importait sur le moment que ce souvenir lui échappe, tout comme il ne s’attarda pas sur le fait qu’il ne se rappelait plus ce qu’il avait pris au petit-déjeuner ce matin. Ni même s’il en avait pris un. Seul ce livre, cette rencontre entre un auteur absent, peut-être mort depuis des années, des siècles, et le lecteur qu’il était, bien assis dans cette grande pièce noire, sans mur, pourvue en tout et pour tout d’une ampoule au-dessus de sa tête, lui importait.

Mon abysme, une autobiographie… tel était le titre qui l’attirait étrangement. Les mots en eux-mêmes n’avaient rien d’exceptionnel, à part l’orthographe peut-être, mais ils résonnaient en lui.

— Mon abysme, une autobiographie, dit-il en détachant chaque syllabe. Mon abysme…

Les mots semblaient prendre forme au-dessus de lui et tourner autour de sa tête. Les ténèbres fluaient, se rapprochaient comme pour entendre la lecture qui allait être donnée. La lumière, en réponse, se fit plus intense.

Il tourna la page, savourant le froissement du papier contre le papier, la feuille, fragile mais résistante entre ses doigts. Il la tourna complètement. Il ne la laissa pas retomber, mais la déposa sur le dos de la couverture, avec lenteur, puis fit de même avec les deux pages blanches qui suivirent, jusqu’à arriver à un rappel du titre. Il n’y avait là aucun nom d’auteur, pas plus de nom d’éditeur, d’imprimeur, aucune information, aucun texte supplémentaire. Seulement ce titre hypnotisant.

A nouveau, il ferma les yeux et respira, puis il passa au feuillet suivant pour entamer sa lecture. Les lignes et les caractères étaient serrés, il n’y avait pas de paragraphe. Juste un bloc noir sur fond jaune, dense et dansant devant ses yeux. L’histoire commençait abruptement. Au bout de deux pages, elle ne nommait toujours pas la personne dont elle traçait la vie, et ne débutait pas à la naissance de ladite personne. C’était là deux éléments qu’il s’attendait à trouver très vite pourtant, dans une autobiographie, et cela lui fit hisser un sourcil. Le récit contait pour l’instant un vague vide évènementiel, et parlait d’un homme lisant une autobiographie dans une pièce dont il ne percevait pas les limites. Au bout de deux pages de la même teneur, durant lesquelles le protagoniste ne faisait que lire, décrire la frustration qu’il ressentait, l’autobiographie étant vide de sens, de contexte et d’intérêt, le lecteur secoua la tête. Ce qu’il avait sous les yeux, loin du chef d’œuvre qu’il espérait, était un torchon qui lui serait tombé des mains s’il n’avait pas été posé sur la table. Il continua deux pages de plus et la coupe fut pleine. Le protagoniste de l’autobiographie était tout aussi énervé que lui l’était à présent et il décida de refermer le livre, d’un geste sec et colérique.

Il ne vit pas la couverture, lourde, rigide, s’abattre sur son crâne et réduire son corps en une pulpe noire d’encre.

Note finale : 3/5 ?????

Une réponse le “Challenge Flash n°5 – Anthony

  1. Ils ont commenté :


    Difficile d’entrer complètement dans l’ambiance car il y a trop de flou aussi bien au niveau du personnage central qui ne sait lui-même comment le livre lui est tombé dans les bras.
    Quelques répétitions malvenues au début mais une bonne lecture tout de même.


    Un texte rapide mais efficace, malgré quelques répétions au début.


    Une écriture parfois un peu lourde (puis il souleva le coin des pages… Puis il ouvrit les yeux).
    L’avant dernier paragraphe mériterait d’être retravaillé car même si on comprend qu’il n’y a rien d’intéressant à lire dans le livre, il faut quand même que le lecteur de ton texte trouve lui des choses qui le captive !
    En revanche, j’ai adoré la chute.
    J’ai beaucoup aimé aussi le titre du livre, avec ce mot intrigant « Abysme ». C’est joli et mystérieux.
    Le rythme inégal du texte lui donne aussi une certaine saveur. De tous les textes, c’est celui où le mystère derrière le livre est le plus palpitant.
    Bref, je donne un coup de cœur !