Challenge Flash n°2 – Rendar

Highway to…

Le hurlement de l’avertisseur lui déchira les tympans. Instinctivement elle eut un mouvement de recul qui lui sauva la vie. Une voiture lancée à plus de 100 km/h la frôla, et l’envoya tournoyer à terre par la seule force du vent déplacé.

Comme un bruit de tonnerre qui s’éteint progressivement, le son du Klaxon qui semblait si fort il y a quelques instants se délita au fur et à mesure que le véhicule s’éloignait. Mais déjà d’autres halos de lumière faisaient leur apparition. La jeune fille se recroquevilla au bord de la route, regardant le flot incessant des phares qui dessinaient une toile luminescente sur le noir de la nuit désormais tombée. Le spectacle aurait pu être beau s’il n’y avait ce bruit assourdissant et ces odeurs désagréables accompagnants le bal lumineux.

La petite pleurait à chaudes larmes. Pas pour avoir frôlé la mort quelques minutes plus tôt, non. Elle pleurait car de l’autre côté de l’asphalte, le lapin blanc avait disparu. Un hoquet de colère entrecoupa deux sanglots, elle était en rage contre elle-même d’avoir laissé échapper le joli petit animal au comportement si curieux. Elle avait envie de faire demi-tour, de retrouver ses parents sur le sentier de gravier et de se blottir dans leurs bras.

Seulement, elle n’avait aucune idée du chemin à emprunter pour revenir sur ses pas. Elle était complètement perdue. Son père avait dit une fois : ‘Il ne sert à rien de regarder en arrière, c’est devant toi que tes pas te portent’. Sur le moment, elle n’avait pas vraiment compris ce qu’il voulait dire mais cela prenait tout son sens aujourd’hui. Elle devait continuer !

Elle observa le ballet des voitures et des camions, toujours blottie sur le bord de la route. Elle se rendit vite compte que les véhicules étaient comme la mer quand elle allait en vacances l’été à la plage. Ils arrivaient par vagues espacées de plusieurs secondes et, plus les phares étaient gros, plus ils mettaient du temps à atteindre sa position. S’armant de courage suite à sa première tentative désastreuse, elle se releva doucement après s’être trainée à quatre pattes jusqu’à la bande blanche marquant le passage de la forêt à la route.

Elle attendit longtemps qu’au loin, il n’y ait plus que très peu de petits phares de voitures et un seul très gros phare indiquant un camion, plus lent. Elle s’élança sur ses maigres jambes de fillette, courant à perdre haleine. Elle se dit qu’elle devait offrir un bien piètre spectacle avec ses vêtements déchirés, son visage et ses mains couverts de terre et des feuilles dans les cheveux. Une vrai sauvageonne.

Cette pensée la fit sourire, sa mère aimait à l’appeler comme ça quand elle faisait des bêtises et là, elle en avait parfaitement conscience, elle en faisait une énorme.

Elle arriva au terre-plein central au même moment où le semi-remorque, pleins phares clignotants frénétiquement et corne de brume rugissante, passait à l’endroit où elle s’était tenue quelques instants plus tôt. Les flashs lumineux lui avaient probablement sauvé la vie car cela avait fait ralentir une grosse berline arrivant sur la bande de gauche, bien au-delà de la vitesse autorisée. Le conducteur pensait sans doutes à un radar mobile et ne se rendit compte qu’à la dernière seconde qu’il avait failli percuter une petite fille.

Sans hésiter, elle escalada la première des deux barrières de métal séparant les portions de route. L’acier était sale et coupant, elle récolta de belles et profondes entailles sur les mains et les jambes. Mais, au moins, elle était à l’abri des voitures pour le moment.

Elle avait atterri dans une flaque d’eau croupie et le simple fait de sentir ses pieds patauger lui rappela qu’elle n’avait rien bu depuis des heures et qu’elle mourait de soif. Elle avait faim aussi. Fronçant les sourcils et avec une petite moue de dégoût devant la couleur peu engageant de l’eau, elle lapa quand même quelques gorgées de liquide pour calmer la sècheresse de son gosier. L’eau avait un goût cuivré désagréable mais cela lui fit du bien. Son estomac gargouillait mais elle n’avait rien dans ses poches, pourtant souvent remplies de petits gâteaux secs ou de biscuits. Le cadavre d’un chat, moins chanceux qu’elle dans sa traversée, gisait à ses pieds et ne lui donnait finalement vraiment pas envie de chercher quelque chose à manger. Que du contraire.

Jetant un œil de l’autre côté de la route, son cœur fit un bon de joie dans sa poitrine. Il était là ! Le petit lapin blanc avait réapparu, sa fourrure pâle se détachant distinctement des ombres peuplant la lisière du bois. Il ne lui restait plus que deux bandes de béton à traverser et, elle n’en doutait pas, ils pourraient jouer ensemble.

Répétant le même mode opératoire que lors de sa précédente traversée, elle eut le soin de rajouter à sa prévision le temps qu’il lui faudrait pour escalader la deuxième barrière acérée.

Elle attendit le moment propice et reprit sa course effrénée.

Il ne lui restait plus qu’une paire de mètres à parcourir quand un crissement assourdissant emplit l’atmosphère. La fillette, tournant la tête, eut à peine le temps de se rendre compte qu’une vieille voiture tous feux éteints et qui n’était pas censée être là lui fonçait dessus.

Le coup de frein désespéré du conducteur ne fut pas suffisant et le choc terrible. Pourtant la fillette ne sentit presque rien. Elle eut juste l’impression de s’envoler et de contempler d’en haut le véhicule qui l’avait heurtée se mettre à faire des tonneaux à une vitesse folle.

Elle retomba bien vite au sol. Lourdement. Là, elle se dit qu’elle aurait vraiment préféré continuer de voler. Ce fut comme si on lui écrasait la cage thoracique avec une enclume et qu’on lui enfonçait des milliers d’aiguilles dans le corps.

Elle ne sentait plus ses jambes, voyait trouble, hurlait et souffrait le martyre.

De l’autre côté de la route, la voiture désormais éventrée avait terminé ses tonneaux dans la terre meuble, soulevant un épais rideau de terre fine et de débris.

Par de petits bonds, une forme blanche s’approcha du corps de la petite. Le lapin, comme curieux du spectacle, était sorti du couvert des bois pour venir renifler le corps brisé et agité de spasmes de la petite fille qui l’avait suivi toute l’après-midi.

La dernière pensée de la fillette avant de sombrer dans une inconscience providentielle était qu’elle n’avait pas le souvenir que ce lapin était aussi grand, que ses yeux étaient si rouge sang et que ses dents n’avaient pas la forme effilée de crocs.

L’animal au pelage immaculé se rapprocha de sa gorge alors qu’au loin, la poussière retombait doucement.

Note finale : 2,66/5

Une réponse le “Challenge Flash n°2 – Rendar

  1. Atorgael dans

    Ils ont commenté :


    J’avoue que ce texte me laisse sur ma faim. La chute est bien, mais le début est long….
    Il faut sans doute le fusionner avec le texte précédent en raccourcissant le début, car on obtient ainsi une ultime surprise.


    La suite des aventures d’Alice ! On retrouve la fillette et son lapin blanc avec frissons et curiosité, même si, à mon sens, le premier texte se suffisait à lui-même.
    L’écriture m’a parue plus inégale, malgré de bons moments ( J’ai trouvé très prenante la description de l’accident).
    Je regrette que l’enfant se fasse renverser finalement. Je l’aurai bien vu survivre à la traversée de l’enfer autoroutier et se faire dévorer ensuite par son lapin maléfique. Cela dit, c’était plus difficile de coller au sujet et à la poussière 😉


    La suite, la suite !!