Challenge d’écriture n°44 – Rendar


Rendar
14.6/20 ?????
1er

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Aether

Le nairvire l’attendait en bout de quai, retenu par d’épais câbles métalliques qu’Asmodia commençait déjà à défaire avec enthousiasme. Le cycle diurne venait à peine de débuter sur le port spatial 2-1B mais de nombreux paircheurs étaient déjà levés, affairés à se préparer pour une nouvelle journée de labeur.

Balthazar sourit tendrement à sa fille tout en admirant son bien aimé nairvire. L’homme, d’un âge déjà avancé, descendait d’une très ancienne famille de paircheurs qui se transmettaient leur savoir et leur outil de travail de père en fils. Avant chaque envol, il avait une pensée pour ses ancêtres l’ayant précédé à la barre. Malgré qu’il ait eu Asmodia sur le tard, il n’avait jamais blâmé le Panthéon de lui avoir donné une fille plutôt qu’un garçon, elle reprendrait le flambeau avec talent. Du haut de ses treize ans, elle était une disciple des plus attentives et démontrait déjà de grandes qualités de navigatrice.

Le nairvire de Balthazar avait été baptisé deux siècles auparavant ‘Chevaucheur du Zéphyr’ mais tout comme son père, et son grand père avant lui, il l’appelait simplement ‘Zéphyr’. C’était un esquif dont la coque fuselée faisait une vingtaine de mètres. La peinture décorant les arches crantées et la figure de proue s’était élimée depuis bien longtemps. Les sédiments de gaz solidifié collés à la coque avaient donné au métal une couleur oscillant selon la lumière entre l’ocre et le magenta.

Objectivement, Balthazar le savait, son nairvire était l’un des plus anciens et des plus laids de la flotte de 2-1B. Ses amis comparaient souvent l’esquif à une pièce de musée mais, à ses yeux et à ceux d’Asmodia, il était simplement magnifique. En dépit de son obsolescence technique et de sa fabrication archaïque, jamais Zéphyr n’avait jamais fait défaut à sa famille, ce qui le rendait beau au-delà de son aspect physique.

Au delà du quai apparaissait la forme massive et courbée d’Aether, la gigantesque planète gazeuse sur laquelle il naviguait chaque jour. Emplissant les trois quarts de l’embarcadère, son bleu azur aux nuances infinies miroitait sous les rayons du lointain soleil.

D’un geste leste en dépit ses cinquante ans plus qu’accomplis, Balthazar sauta à bord de Zéphyr et activa les répulseurs qui se mirent à bourdonner. Sans un mot, Asmodia le rejoignit après avoir défait le dernier câble les reliant à l’appontement. Elle tendit à son père un masque à oxygène qu’il fixa sur son épaisse barbe grise. Il vérifia ensuite les sangles de sa fille, car le masque était encore trop grand pour son visage fin et juvénile. Tout en lui adressant un clin d’œil, il passa la main dans ses longs cheveux blonds, c’était leur petit rituel avant chaque pêche… Il était maintenant temps de partir.

Le port 2-1B se trouvait en orbite basse de la planète Kratos, à quelques kilomètres à peine du sol. Bien qu’elle soit désolée et faite de rocs et de plaines arides, cette planète possédait une particularité unique : Non seulement elle abritait une atmosphère propice à la colonisation humaine, mais elle était également reliée à Aether. Les champs magnétiques des deux corps célestes se chevauchaient, créant un vortex permettant aux humains d’accéder depuis Kratos à la surface d’Aether. L’accès ainsi facilité à des ressources gazières extrêmement rares dont l’exploitation spatiale était habituellement astronomiquement coûteuse, avait fait de 2-1B une colonie très prisée et un gagne pain assuré pour Balthazar et les autres paircheurs. A condition bien sûr de prendre quelques risques : la navigation sur Aether n’était pas toujours une partie de plaisir.

De ses mains expérimentées, le capitaine, assis devant la console de commande, fit doucement glisser Zéphyr vers la sortie du quai. Un champ de force bourdonnant généra automatiquement une bulle de protection autour du nairvire, afin de protéger les passagers de la différence de pression entre Kratos et Aether. De la sorte, ils n’avaient pas besoin de lourdes et encombrantes combinaisons pressurisées, juste d’un masque à oxygène, l’air étant raréfié à cette haute altitude. Malgré ses moteurs vieillots, le nairvire atteignit le vortex en quelques minutes. Nonobstant l’heure matinale, de nombreux autres esquifs faisaient déjà la file afin d’emprunter l’étroite brèche marquant le passage vers la planète gazeuse.

Balthazar profita de l’attente pour faire répéter à sa fille les cinq plaies de l’Aether. D’une voix assurée, cette dernière énuméra de mémoire les dangers les plus fréquemment rencontrés par les paircheurs :

« La séparation, quand la terre et l’air s’éloignent l’un de l’autre et que le vortex se referme.
Les tempêtes, quand les éclairs tonnent et qu’il fait nuit en plein jour.
Les tourbillons, quand la mer bleue s’affaisse et renverse le nairvire.
La profondeur, quand la descente est trop basse et que la pression aspire toute chose. »

D’un geste de la main, Balthazar encouragea la petite à continuer. Il savait qu’elle ne voulait pas nommer la cinquième plaie, la légende racontant que cela porte malheur avant un départ, mais il fallait qu’Asmodia exorcise ses angoisses.

« La cinquième plaie, les Kragazen, mangeurs de vaisseaux. »

« Tu vois, ça n’était pas si difficile » plaisanta Balthazar en lui faisant un clin d’oeil. « File donc à la proue matelot, notre tour est venu. »

Zéphyr franchit le vortex entre les deux planètes avec à peine un frémissement. L’immensité céruléenne des océans d’Aether sembla alors leur ouvrir ses bras. La légère perturbation électromagnétique consécutive au franchissement de la brèche se dissipa rapidement., elle ne laissa que quelques éclairs statiques sur la coque et une forte odeur d’ozone caractéristique qui fit sourire Balthazar. Cette fragrance signifiait à la fois pour lui ‘travail’ et ‘liberté’.

Le paircheur et sa fille étaient réputés sur le port. Contrairement à la majorité des autres nairvires parcourant les flots aériens d’Aether, ils ne récoltaient pas uniquement du gaz volatil mais pêchaient également un joyau extrêmement rare nommé ‘Larmes de la Déesse’. Ces concrétions de gaz cristallisées avaient la particularité de briller d’un feu intérieur bleuté et pouvaient être taillées pour devenir des bijoux d’une grande rareté.

Mais leur récolte était difficile, les larmes ne se créaient que dans la couche inférieure d’Aether, là où la pression du noyau gazeux était la plus considérable. De temps à autre, certaines étaient rejetées vers les couches médianes et on pouvait, avec beaucoup de chance, les récolter. Nombreux avaient été les paircheurs audacieux, descendus trop bas et qui s’étaient abîmés corps et biens, réduits en miettes dans le cœur planétaire.

Un œil toujours fixé sur le pressurimètre mais surtout focalisé sur les sensations de son corps qui avait apprit au fil des ans à connaître la zone idéale, Balthazar entama sa plongée. Zéphyr s’enfonça lentement à travers les couches atmosphériques pendant qu’Asmodia, placée à la poupe, préparait l’immense filet de pêche. Les Dieux étaient avec eux, il y avait très peu de courant ce jour là. Stabilisant son embarcation au milieu d’un nuage d’épaisses brumes, Batlhazar se retourna et leva le pouce à l’intention de sa fille.

Telle une immense voile aux couleurs miroitantes, le filet finement tressé se déploya sur une centaine de mètres carrés, à l’arrière de Zéphyr. Les mailles de ce filet devaient être assez fines pour capturer les joyaux, même les plus petits ne dépassant pas la taille d’un ongle, mais ne pouvaient pas ralentir le nairvire ni en gêner la navigation. Balthazar considérait le sien comme une véritable œuvre d’art, élégamment réalisé par les mains de ses ancêtres.

La récolte débuta, comme tous les jours, par une prière à Hélios, le Chevaucheur des Vents et Père de toutes choses. Même s’il n’en montrait rien à sa fille, Balthazar était soucieux. Ces derniers mois les Larmes s’étaient faites rares. Même si à chaque sortie il récupérait dans les énormes citernes sous la coque assez de gaz pour subsister, sans les revenus tirés des Larmes, il ne pourrait continuer à payer les traites d’accostage et de son habiplex dans les beaux quartiers du port.

Levant les yeux vers la droite, il siffla un avertissement à sa fille. Cinq cent mètres à tribord, de lourds transporteurs les dépassaient et s’élançaient vers le cœur d’Aether. Ces derniers ressemblaient plus à des cubes de métal difformes pourvus de moteurs qu’à des vaisseaux. Ils étaient conçus pour descendre terriblement proche du noyau pour y aspirer les gaz les plus rares. Il s’agissait là d’une entreprise encore plus dangereuse que la navigation à laquelle se livraient les praicheurs. L’équipage de ces mastodontes était souvent constitué de prisonniers en réhabilitation, ou de malchanceux n’ayant rien à perdre suite à la contraction de dettes de jeux ou encore la perte de leur moyen de subsistance.

Amusée, Asmodia fit sonner la trompe de brume pour saluer leur passage et leur porter fortune dans leur pêche. Les trois récolteurs firent miroiter en retour leurs puissants projecteurs de lumière qui découpèrent des cônes incandescents dans le bleu sombre du brouillard gazeux. Un sourire de ravissement, visible à travers le masque qu’elle était obligée de porter, illumina le visage de la jeune fille.

Plusieurs heures passèrent sans incidents majeurs, une légère perturbation dans le courant força cependant les deux paircheurs à s’arrimer quelques minutes aux barres de sécurité situées le long du nairvire. Ils croisèrent également un grand banc de ptéroraies, créatures inoffensives et craintives qui s’éloignèrent rapidement. Balthazar en profita pour continuer à initier Asmodia à la navigation et lui laissa la barre une large partie du voyage. Dès qu’il le pouvait, il lui enseignait la lecture et l’analyse des instruments de bord ainsi que l’art de prévoir les mouvements de courant en fonction de la couleur du gaz et des informations du presurimètre.

Les citernes de gaz furent bientôt remplies. De ce côté-là, la pêche avait été bonne. Mais, au grand dam de Balthazar qui scrutait le filet, il n’observa aucune lueur scintillante indiquant la prise d’une Larme de taille suffisante pour être revendue.

Le crépitement soudain du sonar extirpa le vieil homme de ses pensées. Pensant pouvoir profiter de cet écho radar pour faire un nouvel exercice, Asmodia s’approcha, prête à contrôler l’appareil. La mine renfrognée de son père la fit hésiter. Ce dernier se leva du fauteuil de pilotage et se dirigea vers le bastingage, Asmodia l’accompagna et ils se penchèrent prudemment de concert pour regarder vers les profondeurs de la planète.

À quelques kilomètres d’eux, juste en dessous de leur nairvire, une tempête d’éclairs était en train de se former. Les tourbillons sombres parcourus d’électricité étaient caractéristiques et la vitesse des vents ne laissaient aucun doute : ça allait cogner fort.

« Rétracte le filet » ordonna Balthazar. « Nous allons remonter. Je n’ai pas envie d’être dans les parages quand les arcs électriques vont commencer à se déchaîner »

Hochant la tête, la jeune fille se dirigea vers la proue pour actionner l’habile jeu de poulie permettant de refermer la nasse sur elle même, emprisonnant leur maigre récolte, et de la faire glisser directement dans la soute de Zéphyr. Elle s’affairait également à fermer les conduites de collecte de gaz quand le sonar se remit à siffler, de manière beaucoup plus inquiétante.

Au dessus de la console de contrôle, Balthazar eut le sentiment de sentir le sang de son visage refluer à l’intérieur de son corps. Une série d’échos venaient d’apparaître, sortant des éclairs de la tempête en formation, pour se diriger droit vers eux à une vitesse extrêmement rapide.

Au fond de lui, il espérait de toutes ses forces que ce n’était pas ce à quoi il pensait. Empoignant des électrojumelles, il se pencha à nouveau au dessus de la rambarde de sécurité et scruta l’étendue en dessous d’eux.

Comme il le craignait, ils étaient là, majestueux et mortels. Une demi-douzaine de Kragazen traversaient tranquillement les puissants éclairs de la tempête pour glisser vers eux avec l’agilité des prédateurs qu’ils étaient. Étouffant un juron, Balthazar posa les yeux sur sa fille, toujours occupée à s’affairer pour préparer le nairvire à la remontée. Leurs regards se croisèrent et Asmodia se raidit.

Les Kragazen étaient des créatures de légende. Peu de gens au fil des siècles en avaient déjà croisés et encore moins avaient survécu pour le raconter. La rumeur voulait que ces mastodontes effilés se nourrissent d’électricité et vécussent dans les couches inférieures d’Aether, là où les tempêtes étaient les plus fréquentes.

De nombreuses personnes se vantaient d’avoir aperçu, au loin, l’ombre de l’un d’entre eux et, à chaque fois qu’un équipage ne revenait pas au port, la faute était bien souvent attribuée aux Kragazen. Le codex des paircheurs en parle comme de vampires, suçant l’énergie des nairvires et les laissant ensuite à la merci des éléments ou les broyant entre leur puissante mâchoire. Il n’était nulle part fait mention de conseils pour leur échapper, la seule chose à faire quand on croisait leur route étant de prier pour son salut.

Les moteurs de Zéphyr étaient puissants pour un nairvire si petit mais certainement pas assez pour distancer ces montres dont la large nageoire caudale était capable de propulser l’animal à des vitesses ahurissantes. La fuite était exclue, le combat tout autant. Zéphyr n’était équipé que d’un modeste harpon dont la seule utilité aurait été un éventuel arrimage avec un autre nairvire. Balthazar doutait même que les vaisseaux de surveillance de la fédération, pourtant lourdement armés, puissent faire le poids face à une meute de Kragazen comme celle qui fondait sur eux.

« Papa ? » murmura la petite voix d’Asmodia venue se placer à sa droite. « Le filet est rentré, les conduites sont fermées. » Un lourd silence plana entre eux avant que la jeune fille reprenne. »Qu’est… Qu’est ce qu’on fait ? »

Balthazar se sentit soudain très vieux et très las. Depuis qu’il naviguait il n’avait jamais ressenti une telle impuissance. Il refusait de se l’avouer, encore moins de le dire à sa fille mais il ne savait pas quoi faire. Une idée germa néanmoins dans son esprit. On prétendait les Kragazen aveugles, se repérant grâce à leurs tentacules pour trouver de quoi se nourrir. Peut-être que si…

« Chérie ! » lança-t-il d’une voix remplie d’une confiance qu’il était loin de ressentir. « Va t’arrimer au bastingage tribord et resserre bien ton masque, je vais nous sortir de là » Il s’élança vers le gouvernail avant de se figer et de se tourner à nouveau vers sa fille.

« Quoi qu’il arrive, n’oublie jamais que je t’aime ma puce. »

– « Je t’aime aussi Papa » répondit la jeune fille avant de courir s’accrocher comme son père le lui avait ordonné.

Balthazar s’assit au poste de contrôle, glissa son harnais dans la glissière de sécurité et effleura du bout des doigts un des boutons du tableau de bord. C’était une idée folle mais s’il ne faisait rien, ils étaient de toute façon perdus. Prenant une grande inspiration, l’homme appuya sur le bouton commandant l’arrêt total de tous les systèmes de Zéphyr.

Instantanément, il ressentit la pression se refermer sur lui suite à la disparition de la bulle de protection et la température chuta énormément, lui agressant la peau de milliers d’aiguilles glaciales. Mais le plus terrifiant fut la réaction de son nairvire. Privé de ses moteurs antigravité, Zéphyr chuta comme une flèche, droit vers le noyau, la tempête et les prédateurs maintenant très proches.

Il entendit sa fille hurler avant de se rendre compte qu’il hurlait lui aussi. Le vent cinglant fouettait son visage et, au fur et à mesure des secondes, il sentait la pression augmenter de plus en plus. Il se força à cesser de crier pour réciter le psaume d’Hélios : ‘Notre Air qui êtes gazeux, que ton courant soit sanctifié que ta pêche…’

Une énorme silhouette les dépassa soudain à bâbord, puis une autre à tribord et encore une troisième juste au dessus d’eux.

Les Kragazen étaient énormes. Encore plus que les histoires le laissaient supposer. Leurs corps gris étaient faits d’une sorte de cuir piqué de petites excroissances osseuses et ils possédaient de nombreuses nageoires directrices. Leurs énormes nageoires caudale pouvaient sans efforts broyer un navire du gabarit de Zéphyr mais le plus terrifiant était leurs gueules. Dépourvues d’yeux et effilées comme un javelot, elles évoquaient le profil d’un nairvire de combat conçu pour fendre les vents, promettant une destruction inéluctable.

Cependant ce n’était pas les nombreuses dents pointues qui garnissaient cette bouche qui attirèrent le regard médusé de Balthazar mais les dizaines de tentacules qui en sortaient. Chacun battait l’air comme animé d’une vie propre. De couleur violacée, ils étaient terminés par des excroissances dont la forme rappelait celle de la gueule de l’animal et semblaient humer l’air comme un sonar naturel.

Balthazar, terrorisé alors que son nairvire vrillait, hors de contrôle vers les couches profondes d’Aether ne pu s’empêcher d’admirer la brutalité que ces animaux exsudaient.

Le vieil homme compta sept Kragazen qui les dépassèrent sans leur prêter attention. Contre toute attente, son idée avait fonctionné. En coupant les systèmes électriques, il avait rendu Zéphyr énergétiquement indétectable et, par chance, aucune des bêtes ne les avait heurtés. Il les voyait maintenant s’éloigner, remontant majestueusement vers les couches supérieures sans doute guidées par leurs tentacules vers un repas bien plus intéressant qu’un bout de fer à la dérive.

Luttant contre la force centrifuge générée par la chute de son nairvire et la pression de plus en plus forte qui lui compressait la poitrine, Balthazar se redressa avec grand peine sur le fauteuil de commandement. Tendre la main jusqu’au pupitre lui paru être un effort surhumain mais il réussi à poser les doigts sur le bouton de réactivation des systèmes et appuya de toutes ses forces.

Le nairvire se mit instantanément à ralentir, gîtant dangereusement de droite à gauche, ses moteurs antigravité se heurtant aux forts courants d’air. La bulle protectrice s’était remise en place allégeant le poids qui comprimait la poitrine de Balthazar. Mais la pression était toujours bien trop forte, synonyme d’une stabilisation proche du point de non retour, limite fatidique où son nairvire ne pourrait jamais plus remonter vers la surface. Alors qu’il se battait avec le gouvernail de son appareil afin d’éviter qu’il ne se retourne et les précipite à nouveau vers le noyau, il se rendit compte également du mal qu’il avait à respirer malgré son masque à oxygène.

Zéphyr fini par stopper sa course folle et Balthazar, qui n’avait jamais été autant secoué de sa longue vie, dut se faire violence pour ne pas rendre le contenu de son estomac. Se détachant du fauteuil de commandement, il se jeta vers Asmodia, inanimée à l’avant du nairvire et toujours attachée au bastingage. Le masque de la jeune fille avait glissé de son visage au cours de la terrifiante chute et elle ne respirait plus que très faiblement. Balthazar le lui repositionna sur le nez et la bouche d’une main tremblante et la prit dans ses bras. Sans violence mais avec suffisamment de force, il se mit à la secouer, lui donnant de temps en temps une petite claque sur les joues. Il fallut plusieurs secondes, qui semblèrent une éternité pour le vieil homme, avant qu’Asmodia ouvre les yeux.

« Ils sont partis ? » demanda l’adolescente dans un soupir.

Balthazar hocha la tête.

« On peut rentrer maintenant, Papa ? »

« Oui ma puce, on retourne à la maison » répondit son père, un léger sourire aux lèvres.

Ils se redressèrent ensemble, Bathazar tenant sa fille, encore faible suite à son évanouissement, fermement dans ses bras. Le spectacle qu’ils contemplèrent alors était le plus beau qu’ils n’avaient jamais vu.

Dans le sillage des Kragazen, miroitantes comme des flammes dans la nuit, des centaines de Larmes de la Déesse flottaient. Elles semblaient sortir de la tempête, entraînées depuis le noyau par le remous provoqué par le passage des prédateurs.

Un large sourire illumina le visage de Balthazar qui se tourna vers sa fille.

« Ma chérie » dit il. « J’espère que tu ne verras pas d’inconvénients à ce que l’on reste encore un petit peu »

Asmodia, les yeux écarquillés de stupeur, éclata de rire, à la grande surprise de son père

« File déployer le filet ma puce, en avant toutes » tonna-t-il de sa grosse voix.

Sentant l’adrénaline se répandre dans son corps, Balthazar dirigea son nairvire droit sur le nuage de gemmes, le rire de sa fille résonnait encore dans son esprit comme la plus belle des musiques. Ce ne sera pas une si mauvaise journée finalement.

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