Challenge n°13 – Texte n°3

Baal-Moloch

Je ne comprends pas ; il était là devant moi et soudain, il a disparu, comme avalé par cette purée de pois fétide qui baigne si souvent les égouts de Necromunda.

“Psst… Hé, petit !?”

Nibe. Je tire un peu sur la corde attachée autour de ma taille et qui me relie à notre guide, y’a du mou. J’insiste plus franchement et elle me revient facilement dans les pognes, sectionnée. Okay… Alors soit le gosse s’est fait choppé par quelqu’un ou quelque chose, et c’est la merde. Soit il nous a faussé compagnie parce qu’on nous tend un piège aux alentours, et c’est la merde.

Une main s’abat sur mon épaule. Je me retourne brusquement, le doigt crispé sur la gâchette et braque mon fusil d’assaut juste sous le nez de Lawrence, le chef de Lamias Noirs, notre gang Orlock.

“Un problème, Cecil ?
– Ben ouaip. On a perdu le mouflet.
– Merde !
– C’est bien ce que je m’disais aussi…
– Bon. D’abord, t’orientes ton gun de l’aut’côté plutôt que dans ma tronche et tu restes sur tes gardes. Ensuite, moi je rebrousse chemin prévenir les potes qu’ça sent l’embrouille.”

Lawrence perd jamais son sang-froid, ni le nord d’ailleurs. Le pauvre vieux avait été enrôlé de force dans le 8ème Necromundien et s’y était couvert de gloire parait-il. Il avait alors obtenu une permission exceptionnelle et en avait aussitôt profité pour mettre les bouts. Bien sûr, il a bien de temps en temps un chasseur de primes aux trousses, mais il s’en tamponne et nous, on est prêt à le suivre jusqu’en enfer. De toute façon, Necromunda en est déjà un bel avant-goût, on est rodé.

C’est Dominic qui nous avait dégoté ce plan, ce sale plan. C’est pas un mauvais bougre et je l’aime plutôt bien le Dominic quoique je sois totalement incapable de soutenir son regard : suite à une rixe dans un bar avec ces catins d’Esher, le gars s’était pris un gros coup de masse en plein dans la gueule, défonçant son crâne et enfonçant profondément l’œil gauche dans son orbite. Il raconte à qui veut l’entendre qu’il y voit encore très bien, je veux bien le croire, cependant moi, dès que ça touche aux yeux, ça m’hérisse le poil et me fout mal à l’aise. Brrr…

Enfin bref, il nous avait ramené ce môme qui disait être tombé par hasard sur une distillerie clandestine de Whiskar, abandonnée. Quelle aubaine ! Ce nectar allait nous changer du Torboyo habituel. Le gamin voulait bien nous montrer la voie à suivre contre une part raisonnable du magot. Voilà qui exclut donc tout guet-apens organisé par ces abrutis de Goliath : trop subtil pour eux.

Tout d’un coup, je perçois le cliquetis caractéristique d’un lasgun que l’on arme. Instinctivement, je plonge dans les eaux croupies de l’égout alors que des tirs sifflent à mes oreilles. Ouf ! De justesse… Par contre, je bois la tasse et c’est pas franchement ragoûtant, je suis à deux doigts de dégobiller. Je surgis subitement de la fange et, à mon tour, ouvre le feu au jugé, par courtes salves afin que ma position ne soit pas clairement repérée. Je progresse péniblement dans une boue nauséabonde à hauteur des fesses, tandis que j’entends derrière moi mes petites camarades qui rappliquent dard-dard à la rescousse.

Slick, le balaise, fonce tête baissée, bifurque à droite et lâche illico une énorme rafale de son autocanon, tout en essayant de couvrir le vacarme d’un cri amusé et tonitruant. Si il y avait un mec dans ce conduit, il doit plus en rester grand-chose maintenant.

Chris vient lui prêter main forte et son instrument de mort, un lance-plasma fauché à ces vaniteux de Van Saar, entre en parfaite harmonie dans ce concert pyrotechnique. Au même instant, Dominic et Sacha, eux, tracent en avant et font parler la poudre derechef. Zéro, notre seul kid, est à la traîne, pour par changer.

Dans mon dos, Lawrence s’époumone tant qu’il peut : “Cessez le feu bande de cons ! Vous tirez à l’aveugle et gaspillez vos munitions. Et qui couvre nos arrières, hein ?”

Comme pour donner plus de poids à sa question, une bastos vient s’écraser, à quelques centimètres de lui à peine, dans une tuyère qui libère immédiatement un jet de vapeur jaunâtre. Ils nous ont contournés. Pour être aussi vicieux, ça doit être ces débiles de Cawdor. Sans hésiter, je balance une volée de pruneaux.

Un des gus se découvre pour riposter, je lui fais mordre la poussière d’une seule balle bien ajustée. Les copains me font écho, libérant un véritable barrage de feu et d’acier, tandis que Dominic et Slick protègent nos culs ce coup-ci. Ça défouraille grave. Sacha est atteint à la cuisse droite et s’écroule de tout son long, ce qui ne l’empêche pas de continuer à mitrailler bien que sa blessure pisse le sang.

Lawrence se range à ma hauteur. “J’te parie que ce sont ces rancuniers de Delaque. Ils peuvent pas nous blairer depuis l’contrat Ulanti et ça commence à m’gonfler méchamment.” Accompagnant le geste à la parole, il balance deux grenades à manche sur nos assaillants.

BRAOOOM !

Voilà comment faire le ménage vite fait, bien fait. On se rapproche prudemment, prêt à repasser la seconde couche si nécessaire, quoiqu’il n’y a plus rien craindre : on a fait place nette. Je me penche sur ce qu’il reste d’un des cadavres fumants, histoire de mater l’écusson dessiné sur sa veste.

“Ah ben ça ! Des Orlock du gang des Dents de Fer ! Nan mais à qui peut-on faire confiance, j’vous jure ?”

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