Challenge n°17 – Texte n°5

MFT

La montagne nous faisait face, impressionnante et moqueuse elle semblait nous défier depuis maintenant bien dix minutes, mon petit groupe et moi. A présent qu’il fallait agir, voilà qu’à la première difficulté tous les autres se mettaient à paniquer.

– T’avise pas d’rentrer là-dedans, n’avorton, parce que sinon j’t’éclate ta tête comme une pastèque !

Ca c’était signé Bobby Sullivan, une brute de Sergent qui aurait put passer pour une grosse outre pleine d’air ou de vanité si la place n’avait pas été déjà prise par ses kilos en trop. Et quand je dis kilos. Sans doute aurais-je dû parler quintal… A se demander comment ce gros tas pouvait encore tenir son rang dans la Garde de l’Empereur…

Présentement Sullivan tentait de m’interdire l’entrée du réfectoire. Il paraîtrait qu’à l’intérieur se trouvent des danseuses aussi jolies que dévêtue. Visiblement elles ont demandé au gros Bobby de jouer les molosses de garde. Mal leur en a pris, elle sont tombées dans un piège. Y’a pas plus vicelard que Bobby Sullivan à au moins deux bornes à la ronde. Et ptet même pas plus cruel non plus. Ni même vénal ou mal intentionné. En tous cas plus stupide ça, ça fait pas l’ombre d’un doute. Dans tous les cas, les quelques gars que j’avais réussi à motiver pour venir me filer un coup de main s’étaient évanouis dans la nature… ne restait plus que moi et mon honneur…

– Allez dégage guignol, sinon je te renvoie en pièces détachées au pieu ce soir.

Et comme pour m’intimider, il fit craquer ses gros doigts boudinés. Un son lamentable en sortit mais qu’importe, ça avait l’air de bien lui convenir.

Moi je savais bien comment toute cette histoire allait se terminer. D’abord Bobby allait laisser entrer uniquement des amis à lui, tous des têtes brûlées, des fiers à bras et qui ont la morale quelque part entre le testicule de droite et celui de gauche. Ensuite il allait soigneusement fermer la porte et ça finirait forcément dans une orgie, et là, ça m’étonnerait bien que les filles aient été prévenues. En tous cas ça n’avait pas été le cas pour les deux autres fois précédentes. Un ramassis de salauds. Et de beaux salauds. Mais le plus beaux d’entre tous c’était encore le capitaine. Celui-là… ah celui-là c’était le pire de tous. Sous des couverts affables et beaux parleurs il embobinait comme pas deux, et finissait toujours par convaincre une troupe de danseuses que se produire ici était aussi sûr que le palais de l’Empereur. Jusqu’à ce qu’il finisse au milieu des jambes lui aussi. Et forcément on pouvait compter sur lui pour étouffer ces sales histoires.

Dans cet avant poste loin de tout contrôle du GQG, que ni les prêches de l’écclésiarchie ni l’inflexibilité morale d’un commissaire n’atteignaient, un brave Lieutenant comme votre serviteur en était réduit, que dis-je, ravalé, au rang de troufion de seconde classe par un Sergent, parce que la moitié de la compagnie était corrompue et son capitaine avec elle.

– Sergent Sullivan, vous avez le choix entre me laisser passer et être mis aux arrêts de rigueur pour trois semaines.

Que pouvais-je dire d’autre ? Ce tas de graisse me tenait par le colbac. Je n’étais soutenu par personne ou peu s’en faut, et la hiérarchie tout comme ses bourrelets pouvaient me broyer autant qu’ils le souhaitaient. Pourtant cette fois-ci c’était la fois de trop, il fallait que je fasse quelque chose !

En guise de réponse Sullivan ferma la porte d’où je commençais déjà à entendre des gémissements diffus. Il avançait à présent vers moi, les bras ouvert comme s’il voulait m’enlacer et m’ensevelir sous cette avalanche de chair.

Plus le choix !
– Sergent Sullivan, vous dépassez les bornes ! Je vais vous mettre au pas !

– Et moi j’vais t’mettre en pièce, n’avorton ! Allez viens t’battre !

Je mis la main sur la garde de mon épée cérémonielle sans la sortir du fourreau. Je n’allais pas tuer un de mes hommes aussi abject soit-il ! L’autre se rua sur moi. D’une esquive je le laissai passer et lui assenai un fort coup sur le crâne. Peine perdue, même pas sonné ! Il revint à la charge armé d’un bâton qui se trouvait là. Je n’eu pas plutôt paré une première attaque de mon sabre toujours au fourreau qu’un formidable coup de poing m’envoyait dans la boue. Je me relevai avec peine, la joue droite très endolorie quand un énorme coup de genou m’estomaqua. Courbé en deux, le souffle coupé, je sentis ma dernière heure arrivée quand un uppercut peu amène me cueillit sous le menton. Mon sabre m’échappa des mains au loin alors que je me retrouvais une nouvelle fois dans la boue, et en piteux état. La masse humaine se jeta sur moi, le genou en avant. La douleur fut telle que je lâchai un cri. Ecrasé par son poids, je ne pouvais pas me relever. Et je sus tout de suite que mes côtes en avaient pris pour leur grade. Sullivan, s’il n’avait rien entre les deux oreilles, pouvaient se vanter d’en avoir autre part. Et je ne parle pas que de son abdomen sur-dimensionné.
A présent Sullivan contractait ses doigts autour de mon cou. Il n’allait tout de même pas osé ?

– Et ben qu’est-ce que j’t’avais dit, crétin ? Tu crois qu’ce sont tes galons qui vont m’empêcher d’te tuer ? Ben c’est raté, comme toi-même t’es qu’un raté, une couille molle qu’a toujours préféré se planquer derrière sa barrette plutôt qu’d’montrer c’qu’il avait dans les tripes. Et maintenant qu’tu peux plus sauver ces traînées, qui va t’sauver toi hm ?

-Moi.

L’espace d’un instant je vis la tête du gros Bobby se retourner avant qu’elle ne s’envola trois mètres plus loin. Décollée de son gros tronc par mon sabre, qu’une gracieuse nymphe tenait à la main. Une gracieuse nymphe complètement nue…

Ma sauveuse me dégagea en faisant rouler du pied le corps gras qui me recouvrait de sang. La taille de l’abdomen de feu le Sergent Sullivan était telle que son mouvement me découvrit quelques secondes ses charmes, dans lesquels mes yeux noyés par le sang du décapité se perdirent…

– Allons debout, Lieutenant.

Elle me tendit sa main. Elle avait l’air si délicate que je ne comprit pas par quel prodige elle en était arrivée là. Ce ne fut qu’en en touchant les cals que j’ai saisit.

-Sœur Marie-Angélique, du couvent de l’Aigle d’Obsidienne. Mes sœurs et moi enquêtions depuis plusieurs semaines sur une infiltration hérétique et plus largement la corruption et les mœurs divergentes au sein de votre régiment. A ce que je vois Lieutenant vous êtes un peu l’exception qui confirme la règle.

Je crachais du sang, mes côtes me faisaient horriblement mal, et je dut me tenir plié en deux, la main sur le ventre, pour tenter de paraître le moins piteux.

Marie-Angélique me sourit.

– Je ne vous montre pas l’intérieur, c’est une vraie boucherie. Venez, asseyez-vous là et patientez le temps que nous nous apprêtions. Compte tenu de votre conduite pour le moins… héroïque, fi-elle avec un petit sourire en coin, je crois que vous aurez gagné le droit de prendre le commandement après avoir été soigné dans notre couvent. Ne bougez pas, nous revenons.

J’en aurai été bien incapable…

Et dire que je devais les sauver !

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