Challenge d’écriture n°24 – Texte n°9

Kali

“ La rue entière puait la mort et la chair calcinée. Je tombais à terre et sentis mon sang s’écouler de mes entrailles, souillant les dalles de pierre. Je n’avais pas vu ce qui m’avait déchiré en deux. Je n’avais que sentis les griffes me faucher au niveau des reins, en dessous de ma cuirasse légère, et brisé ma colone vertébrale. Je me souviens aussi de cette chaleur, presque brûlante, que faisait la lumière des hautes flammes sur mon visage, à travers la visière de mon casque. Et cette odeur, oui… cette atroce odeur de chair calcinée qui nous soulevait le coeur.

– Il y a eu un incendit ? C’est étrange, vous êtes le premier, ce soir.

– Oui, j’ai dut être le premier à tomber. Je ne sais pas trop comment les autres s’en sont tirés, avec le feu. Tout est allé si vite… Hmm… Si vite…” répetta le milicien, perdu dans ses pensées.

Le vieil homme, vêtu d’un long peplum blanc, feuilletait le dossier qu’il avait entre les mains, et marmonait dans sa barbe argentée et touffue.

“Treize années de service… Discipliné, magnanime… Ah… une veuve et un orphelin… Moui, allez-y, entrez. Il y a un puit astral, dans l’atrium, à droite derrière l’accueil. Vous pouvez suivre la suite des évènements en attendant les autres. Je vous en prie ; bonne éternité, au revoir.”

Le torse du milicien, marchant sur les mains, passa le grand portail d’or, suivit de ses jambes, qui ne portaient plus que son bassin. Le vénérable vieillard ferma la porte derrière lui et accueillit le suivant. Une armure de conscrit entra dans la pièce ; aux cliquetis creux qu’elle faisait en marchant, il ne devait plus rester grand-chose dedans.

“Bonjour. Asseyez-vous, je vous en prie.” fit le vieil homme tandis qu’il parcourait rapidement les nouvelles feuilles qu’il tenait dans ses mains noueuses. Son front dégarnit se plissait de rides soucieuses.

“Alors, racontez-moi tout.

– Tout ? C’est à dire ?

– Hé bien… comment vous êtes arrivé ici.

– Ah… Ben un ange est arrivé et m’a indiqué…

– Non, je veux dire “comment êtes-vous mort ?”

– Ah, oui !”

L’homme releva machinalement la visière de son casque, révélant les restes d’un visage ravagé par les flammes.

“Alors voilà. Nous étions à la caserne, la nuit tombait et nous n’allions pas tarder à rentrer. C’est alors que le chef arriva. Il était visiblement nerveux et nous ordonna séchement de nous équiper. Les copains disent qu’il est comme ça à cause de sa femme, mais…

– Venons-en au faits, voulez-vous ? C’est qu’on a pas toute la nuit et qu’il y a du monde qui attend.

– Oui-oui, bien sûr. Donc nous nous équipâmes et nous sortîmes. Tout ce que nous pûmes apprendre du chef, c’est que l’inquisition avait de forts soupçons sur un alchimiste, à Salem, et que nous devions l’empècher de fuir avant l’arrivée de l’inquisiteur. Nous trouvâmes la demeure indiquée : une très vieille bâtisse de grosses pierres, dans le vieux quartier de la ville. Le chef tambourina une bonne minute à la porte, et nous nous préparions à l’enfoncer. C’est alors qu’elle vola en éclats, comme si on avait fait sauter un bon tonneau de poudre juste derrière. J’étais au premier rang et la vague de feu qui avait soufflé la porte nous embrasa, Ruthër et moi. Je me souviens que, pendant que je me consumais, derrière nos hurlements, j’ai entendu une voix gutturale prononcer des mots incompréhensibles audelà des flammes, et des cris de terreur derrière nous. Et aprés avoir été longtemps rongé par les flammes, j’ai enfin rendu l’âme.

– Mmm, acquiesça le vieillard, le visage encore plus soucieux, plongé dans ses feuillets. Envie, avarice, tendance au blasphème et au parjure… Paul ! Apporte-moi la ballance, veux-tu ?” Un autre vieillard vénérable, lui aussi drapé d’un long peplum, arriva avec une vieille ballance en or.

“Merci bien. Reste dans le coin, je sens qu’on est pas couchés. (puis, se tournant vers le milicien) Vous avez votre coeur ?” L’interrogé fouilla dans sa cage thoracique et présenta son organe à moitié brûlé. Le vieil homme le posa sur un plateau de la ballance, et aussitôt celui portant la plume s’éleva.

“Hé bien vous allez me faire quelques années de purgatoire, dit-il. Tennez, prenez ce formulaire et présentez-vous à l’accueil. Suivant !”

Une autre armure carbonisée passa la porte d’entrée et avant qu’elleait pu prononcer un mot, , le vieillard barbu lui dit :

“Bonjours ; toutes mes condoléances. Votre collègue m’a tout raconté et j’ai déjà étudié votre dossier.Allez-y, rentrez.” L’armure le remercia fort civilement et passa le grand portail.

Dans la soirée et jusqu’à très tard pendant la nuit, quelques autres miliciens ponctuèrent les habituels assassinats nocturnes. Parmi les conscrits, beaucoup étaient brûlés ou affreusement mutilés, parfois les deux à la fois. Ils ne purent pas raconter grand-chose, ayant tous était pris en traitre. Cependant, le vieillard pouvait presque suivre en temps réel l’assaut des braves miliciens face à cet hérétique dont ils ne savaient absolument rien. Les premiers brûlés n’avaient pas racontés grand-chose, mais les suivants portaient de nombreux et très profonds coups de griffe, révélant unne sauvagerie inouie. Certains avaient même quelques membres arachés. Ils racontèrent que la première créature, qu’ils n’avaient même pas eu le temps d’apercevoir, avait taillé l’un des leurs en pièce sans qu’ils puissent réagir. Elle avait disparut comme elle était arrivée.

Harangués et exhortés par leur capitaine, ils avaient franchis la porte défoncée aux montants en feu. Ils étaient préts à affronter tous les démons de l’enfer ; et ils furent servis. Les dallages des salles qu’ils avaient traversées étaient gravés de symboles géométriques et parsemés d’encensoirs et de bougies fondues. Ils étaient tombés dans une salle entièrement noire dont ils n’étaient pas ressortis. Dans les ténèbres opaques, ils avaient été attaqués par plusieurs créatures. Seuls leurs propres corps déchiquetés permettaient d’imaginer quels monstres les avaient tués.

Les suivants arrivèrent bien plus tard, au creux de la nuit. Leurs visages, pour ceux qui l’avaient relativement intacte, exprimaient un profond soulagement. Ils avaient réussit à occire quelques monstres dans la salle ténébreuse et à mettre les autres en fuite. Ils avaient alors put appercevoir, à la lueur des torches, les cadavres de ces démons aux longues griffes parmi ceux de leurs compagnons.Aucun n’eut le courage de décrire ces êtres infernaux dont la monstruosité défiait le sens commun.

N’étant plus très nombreux, ils commençaient à avoir peur. Les corps des démons les avaient profondément troublés, voire même ébranlés pour les plus impressionnables. Ils demeurèrent un temps qui leur parut interminable dans la salle au pentagramme, qui était à peine plus supportable que l’autre, plongée dans les ténèbres surnaturelles. Ils n’osaient s’aventurer plus loin dans la vieille demeure, à présent qu’ils savaient ce qui pouvait y roder et s’y cacher dans les moindres recoins. Des pas à l’étage enflammaient leur imagination et une litanie grâve et lancinante résonnait plus loin, étouffée par les épais murs de pierre. Ils priaient Dieu de toute la foi que leur donnait la terreur, le suppliant d’hâter le pas de l’inquisition. Mais ce furent les démons qui vinrent mettre fin à leur supplice. A part les rares qui restèrent en bas pour affronter les rejetons des enfers, ceux qui montèrent furent profondément soulagés. Celui qui écopa de plusieurs mois de purgatoire aurait même fait un sourire à l’ange de l’accueil, auquel il donna son formulaire bleu ciel, si sa machoire n’avait pas était en si piteux état.

Un seul homme vint raconter à Saint Pierre la fin de l’histoire. Il arriva peu avant les premières lueurs de l’aube. Il raconta la résistance acharnée du Capitaine Srevar et de ses hommes, et le sauvetage héroïque de l’inquisition.

Le démon bailla et s’étira, grattant le bout de son menton pointu avec son ongle fin. La nuit avait été longue, et il s’apprétait à aller se reposer. Les premiers rayons du Soleil ensanglentaient déjà le ciel bleu pâle, là-haut, à la surface.

Alors qu’il se levit pour partir, le téléphonne sonna. Contrarié, il décrocha et récita laconiquement

“Récéption d’Adés bonjour.

– Allo, c’est Saint Pierre. On a récupéré un hérétique que l’inquisition a enfin excomunié. On vous l’envoit ?”

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