Opération Golems

+ PARIS – 23 AVRIL 2116 – 0915 +

– Pilotes ! Estimation du point de saut ?

La question du commandant Struct couvrit un instant le bruit des moteurs du multi-jet.

– Dans quinze minutes commandant.

Le réseau com diffusa l’information mais Struct ne put s’empêcher de leur beugler l’information aux six membres du commando, tous prêts à s’élancer dans le vide, leur paquetage de vol AS28 sur le dos.

A côté de la porte de saut, le sergent-chef Kear rangea un vieux cigare mâchonné dans une poche intérieure. Puis, après un rapide coup d’œil à son fusil d’assaut AC-IV modifié RA5 il passa dans les rangs inspecter les soldats sous ses ordres.

– Eh Bodine, c’est ma tronche qui te revient pas ? lança le soldat Natcha, une brune pulpeuse dont les formes généreuses débordaient de sa combinaison de saut entrouverte.

Le soldat Bodine, le bleu du groupe, rougit un instant sous la pique de sa partenaire assise en face lui. Confinés comme ils étaient, il lui était difficile d’ignorer l’anatomie avantageuse de la guerrière.

– Non, non, c’est que…
– Alors remonte d’un cran et regarde-moi dans les yeux quand tu me parles.
– Natcha, ferme ta grande bouche et cette fermeture éclair, tu vas attraper froid aux miches, la coupa Kear.
– A vos ordres chef, répondit la jeune femme avec amusement.

La bonne vieille blague marchait toujours et Bodine n’était que le dernier de la liste des victimes. Il s’efforça cependant de regarder ailleurs pour le reste du voyage.

Le soldat Natcha était l’artificier un commando, ses missions l’avaient conduite sur de nombreux terrains d’opération. Une de ces missions lui avait coûté une partie du côté gauche du visage, qu’une plaque chromée venait remplacer. Tous les nouveaux en étaient impressionnés et préféraient le plus souvent plonger leurs regards dans son décolleté provocateur.

Krevel et Aaron avaient eux aussi fait les frais de ce bizutage et compatissait gaiement à la mine déconfite de Bodine. Remontant le petit compartiment, Kear arriva à son extrémité où le dernier membre du commando s’échinait sur un harnais de fixation. Le sergent-chef vint lui prêter main-forte et le paquetage fut sanglé et immobilisé en quelques secondes.

– Merci chef, j’ai toujours du mal avec mes sangles.
– Pas de problème prof, je suis là aussi pour ça.

Le professeur Shank était un universitaire et faisait office de tête pensante du groupe. Il avait la charge de collecter les informations et de les analyser en temps réel pour le groupe afin de neutraliser les menaces qu’ils rencontraient.

– On va voir quoi cette fois prof ?
– Apparemment ça se passe en plein cœur de Paris, les Res Animae…
– Les golems !
– Pour être exact, non, ce ne sont pas des golems car ils n’ont pas été construits dans ce but. Ce sont des choses inanimées qui sont devenues animées. Leur “vie” ne vient que de cette succession d’éruptions solaires qui, en conjonction avec les cycles lunaires et l’affaiblissement des champs stasiques terrestres, ont provoqué ces phénomènes.
– Je préfère golem et puis c’est comme ça qu’ils disent aux infos.
– Certes sergent-chef mais le terme exact vient…
– … On s’en cogne prof. Ça va ressembler à quoi et comment les bousiller c’est tout ce qui nous intéresse.
– Bien, dans ce cas et pour faire simple, je vous dirai que ce sont les gargouilles de Notre-Dame qui font les quatre cent coups sur le parvis. C’est bourré de touristes et la mairie voit cette agitation d’un mauvais œil. Les Re… Les golems sont maintenus sur l’ile où est construite la cathédrale pour le moment mais ça ne va pas durer. Ils sont en pierre mais rien qui ne saurait résister à vos armes sergent-chef.
– Parfait ! Vous avez entendu vous autres, on saute, on se pose et on les bute. Dans cet ordre si possible.
– Oui chef ! rugit un quatuor de voix.

Puis se tournant vers Struct :

– Mon commandant, le commando est prêt et à vos ordres.
– Merci Kear. Je veux un travail impeccable, pas d’amateurisme comme la dernière fois à Bruxelles où on s’est fait balader par ce Manneken Pis. Du sérieux et de l’efficace. On se retrouve en bas.

+ 0930 +

La lumière au-dessus de la porte de saut passa au rouge et les membres du commando abaissèrent la visière des casques qu’ils venaient d’enfiler. Les visages étaient graves et concentrés comme avant chaque mission. Le vert inonda la cabine et la porte s’abaissa lentement et l’air extérieur s’engouffra violemment dans l’habitacle. Kear s’élança le premier suivi par intervalle de trois secondes du reste de ses hommes.

La descente fut vertigineuse, l’appareil les avait largué à deux kilomètres du sol et ils n’allumèrent les réacteurs de leurs ailes de saut que cinq cent mètres avant de s’écraser. Les pilotes automatiques des AS28 prirent le relai pour leur assurer un atterrissage en douceur. Ces petites merveilles de technologie, dernières productions des usines tibétaines, les posèrent à moins d’un mètre de leurs positions préprogrammées.

+ 0933 +

– Regroupement ! hurla Kear pour la forme en allant chercher son cigare au fond de sa poche pour se le visser au coin de la bouche.

Autour de lui les cinq autres membres du commando finissaient de se déharnacher et il prit le temps de détailler leur lieu d’atterrissage : la place de l’ancien palais de justice depuis longtemps tombé en ruine après les émeutes de 2104. Depuis la mairie avait décidé, avec succès, d’en faire un nouveau lieu de tourisme.

– Quel pied ! lança Natcha en faisant glisser sa fermeture éclair plus bas que nécessaire.
– Tu l’as dit soldat, renchérit Aaron. C’est le moment que je préfère dans ces missions.
– Puis-je suggérer que le meilleur moment c’est quand ça s’arrête, émis Shank encore en train de se battre avec un harnais.

Des rires complices accompagnèrent cette dernière remarque avant que le commandant n’intervienne pour casser l’ambiance.

– Déploiement standard, surveillez les arbres, ces golems sont capables de décoller sur quelques mètres mais ne peuvent pas voler longtemps. Ils ont tendance à se planquer sur les toits pour vous tomber dessus. Ils doivent peser près de cent cinquante kilos pièce, je vous fais pas un dessin sur le résultat de la rencontre. Les forces locales se sont repliées et nous laissent le champ libre et Il ne devrait plus y avoir de civils. Mais faites gaffe aux petits malins et aux journalistes, il y en a forcément qui ont réussi à passer le cordon de sécurité. D’un autre côté ils ont été prévenu.
Shank, Bodine avec moi. Chef : ouvrez le bal.
– Krevel : flanc gauche, Aaron : flanc droit, Natcha : t’es ma cavalière, en avant !
– Vous savez que c’est quand vous voulez chef, répliqua-t-elle avec un petit sourire qui se voulait coquin mais qui, déformé par sa plaque faciale, se transforma en rictus de prédatrice, depuis le temps que vous me la promettez cette danse.
– Ferme ton clapet et bouge-toi ou je vais te faire danser autrement.
– Des promesses, toujours des promesses…

Le commando avança lentement en direction de la cathédrale. Shank scannait les rues environnantes à la recherche du moindre écho sur son écran. Les Res Animae étaient facilement repérables grâce à leur haut niveau radioactif. Le scanner de Shank était configuré pour cela et bien d’autres choses encore comme toute une gamme d’analyseurs de densité et d’enregistreurs acoustiques, électrique et lumineux. Si la civilisation s’était fait surprendre un an plus tôt par l’apparition de ces créatures, elle avait depuis développé toute une panoplie d’armes et d’appareils leur permettant de reprendre le dessus. En conséquence, les commandos étaient parfois comparés à des équipes de dératiseurs. Les Res Animae restaient cependant bien plus dangereux que le plus gros des ”Cricetomys gambianus” enragé.

+ 0935 +

Le commando progressa en direction des quais au sud de l’ile par l’ancien “boulevard du palais” rebaptisé “boulevard des insurgés”. Le sol était jonché de branches, arrachées lors des affrontement entre les forces de l’ordre et les gargouilles. Ils virent ainsi leur premier adversaire dont les restes étaient encastrés dans le mur de l’ancienne préfecture de police (bâtiment ayant également subi les outrages de 2104 mais qui servait encore de dépôts de matériel). Un tir direct de lance missile avait été nécessaire pour venir à bout de la créature.

+ 0938 +

En arrivant au pont Saint-Michel, le commando eut la surprise de voir un attroupement de curieux, maintenus de l’autre côté de la Seine, dont les pancartes hostiles clamaient des “Laissez-les vivre”, “Ce sont des êtres humains comme nous” et autre “I love Golems”. Les forces de police avaient visiblement du mal à contenir tous ces manifestants utopiques.

Poursuivant sa progression sur le quai, le commando surveilla les toits sur leur gauche, la Seine à leur droite leur assurant une relative sécurité. Par contre, malheur à celui qui y serait tombé, les eaux noires souillées regorgeaient de dangers tout aussi mortels comme les anguilles géantes venimeuses, les rats aquatiques pestiférés ou, plus simplement, les composés chimiques rejetés en amont par le méga-complexe des centrales chimiques d’Évry.

– Contact à onze heure, cinquante mètres, annonça Shank.

Deux paires de fusil se braquèrent dans la direction indiquée, les viseurs laser balayèrent la façade du bâtiment et trouvèrent leur cible perchée au bord du toit, douze mètres plus haut. Le faciès de pierre leur renvoya tout le dédain que le golem semblait éprouver pour les humains en contrebas. Son bec acéré s’ouvrit grand et la gargouille poussa un cri aigu. Mais celui-ci s’éteint aussitôt quand les AC-IV de Krevel et Aaron crachèrent leurs projectiles enrichis à haute vélocité. Le monstre éclata en mille morceaux.

– Passage clair et dégagé, confirma Shank.
– On continue, renchérit Kear.

Ils poursuivirent leur avancée mais l’ambiance avait changé sur l’ile, bientôt une cacophonie de cris inhumains poussés par des gosiers de pierre envahit les lieux, comme si un signal venait d’être donné après la destruction de la première gargouille. Natcha arriva en vue de la cathédrale et put voir quelques golems descendre les murs du lieu saint afin de rejoindre ceux déjà sur le parvis, il devait y en avoir une bonne trentaine, il allait y avoir du sport.

– Grosse concentration à cent vingt mètres, annonça Shank.
– Non, tu crois ! lui lança Natcha.
– Prenez vos positions et arrosez-les, ordonna Kear en forçant l’allure, grouillez-vous avant qu’ils s’organisent !

+ 0941 +

Les soldats se mirent rapidement en position et bientôt les premiers tirs partirent faucher les gargouilles sur le parvis. Les AC-IV crachèrent leurs projectiles pendant que Natcha utilisait son lance-grenades pour regrouper les gargouilles au centre du parvis. La tactique fonctionna parfaitement et bientôt le commando commença à avancer sur la place pour éradiquer les derniers golems.

Les cris et les bruits des armes cessèrent enfin et la poussière commença à retomber au sol pour recouvrir, tel un linceul, les débris des gargouilles.

+ 0948 +

– C’était pas si compliqué que ça finalement, osa Bodine.
– Ouais, pour ton baptême t’as du bol, mais crois pas que c’est toujours comme ça, lui répondit Aaron.
– Shank, vous confirmez, demanda le commandant, plus de golems ?
– Oui mon commandant, les dernières traces s’évaporent, mais c’est bizarre.
– Bizarre comment, demanda Kear.
– Bizarre comme pas normal sergent-chef.
– On se replie doucement mes cailles et on ouvre l’œil, ordonna Kear en donnant l’exemple.
– C’est la façade, on dirait que les radiations s’y agglutinent au lieu de se dissiper, ajouta Shank.
– Mais il n’y a pas de gargouilles sur la façade, avança Krevel.
– Oh bordel, lança Natcha, y’a pas de gargouilles, crétin, mais regarde un peu mieux.

Se faisant, elle arma son lance grenade d’un geste sec et tous firent de même avec leurs armes, même Shank sortit le pistolet automatique qu’il prenait “au cas où”.

La poussière finit de se dissiper pour dévoiler aux yeux des commandos les dizaines de statues qui commençaient à s’extirper de leurs prisons de pierre en leur lançant des regards noirs, promesses d’un véritable enfer sur terre. Les anges, chérubins, prêtres, vierges, rois, diacres et démons lancèrent leur cri de défi sous un déluge de feu et d’acier. Tous les gigantesques linteaux sculptés de la cathédrale semblaient s’être mis en marche pour envahir la place.

+ PARIS – 23 AVRIL 2116 – 0955 +

Commentaires des votants

La chute de l’histoire est assez bien vue.
Cependant, je regrette que le reste ne soit qu’une péripetie, qui semble finalement à peine mettre en danger les personnages.
J’ai beaucoup aimé l’anecdote du Manneken Pis, et d’autres du même genre auraient été vraiment sympas.

+++

Un bon texte entrainant et sans temps morts avec un poil d’humour (grosses références au jargon militaire, numéros de série plus vrais que nature…), des personnages avec de vrais morceaux de testostérone et des mâchoires carrées et une pinup bombastic, pour un mythe des gargouilles revisité façon film à gros budget s’achevant sur une chute bien rock n’roll.

+++

ça me gratte,
1) le positif de mon pt de vue =
– le tempo rend la lecture agréable (description/dialogue-blague et background s’alternant rapidement à la même vitesse que l’action);
– et l’histoire m’a fait penser à un mélange (entre autre) du film Aliens, Gostbuster, et de la série les « Gargouilles »,
– utiliser 1 Paris futuriste sans oublier ses manifs était une bonne idée

2) Le négatif de mon pt de vue :
– des images à améliorer (par ex. prq le 1ère Gargouille est encastrée dans 1 mur si elle s’est prise 1 missile en pleine tronche…?)
– la manif : « ils sont des êtres humains comme nous! » … je pense que tu voulais plutot dire « être vivants »
– attention à la formulation : « Si la civilisation s’était fait surprendre » -> ici le mot civilisation est impropre

Ce qui me gène le plus n’est pas tant le texte lui-même que son lien avec le sujet : le commando est bien plus décrit et est au centre de l’histoire, tandis que les Res Animae aux formes très variées reste 1 peu « au loin »; et du coup on reste 1 peu sur sa faim = comment vivent ces bestioles quand ils ne servent pas de carton-cibles à 1 commando à la chasse au canards?

Pourquoi ce commando est envoyé (en dehors de supers armes?) et pas les forces de sécurité?

+++

« Struct ne put s’empêcher de leur beugler l’information aux six membres du commando » Mal dit.
Il y a pas mal d’incohérences de situations, ou de relation entre les personnages.
Le style est agréable, c’est le seul texte avec de l’action, le background est sympa. Je regrette que la fin n’en soit pas vraiment une.

+++

De très bonnes idées alourdies par des clichés à répétition loin d’êtres indispensables. Le coup du Manneke Pis m’à bien fais marrer et te fais gagner un point (Non, je rigole, je ne suis pas aussi aisément corruptible… Quoi que… ^^)

On sent également une recherche dans l’univers futuriste dont tu nous gratifie et qui pourrait sans problèmes faire l’objet d’une extension de texte. Les éléments connus auxquels tu nous rapportes aident à l’immersion mais je n’ai pas vraiment accroché au type d’écriture ni à la division en chapitres malvenus quand à outrance dans une ‘simple’ nouvelle. Question de goût je suppose…

+++

Très voire trop classique, mais style bien maitrisé.

+++

Ça manque de passion, le lecteur est très passif face à ces descriptions d’actions s’enchainant à un rythme soutenu.
Des maladresses dans le style un peu saccadé, haché et manquant de lien. Quelques petites fautes de frappes et de relecture également.
Une histoire bien ancrée dans son univers qu’on aimerait bien découvrir finalement, ce qui est une réussite pour ma part.

+++

Mon commentaire

Paris, ville éternelle ! Là les cartes postale de Notre-Dame en prennent un coup.

Un texte que je me suis bien amusé à écrire en suivant le parcours de groupe sur une carte pour essayer de rester cohérent quant à l’unité de temps et d’espace. Un monde post-apocalyptique qui mériterait d’être développé.

Au niveau du texte ça manque de relecture, manque d’implication du lecteur et mes petits clins d’oeils sont passé totalement inaperçus pour la plupart des lecteurs.


Texte écrit pour le challenge d’écriture n°33

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