Challenge Flash n°7 – Anthony

Game over. Same player shoots again?

Shin Seiki Tribute & Legacy

Tout n’était que chaos et désolation sous les yeux vitreux du mécha. Le titan, créature contre-nature de chair et de métal, se releva, s’aidant de son épée encore plantée dans les entrailles du démon géant qui avait ravagé Tokyo et tourna la tête de part et d’autres. Les buildings n’étaient plus que des amas de pierre et de béton effondré, dans lesquels des éclats de verre scintillaient au hasard des incendies qui s’y reflétaient. Des tranchées, larges comme des avenues s’ouvraient dans les ruines, témoins accusateurs et silencieux de la violence de l’affrontement. Là, c’était la lame du mécha qui avait tranché le bitume, là les griffes de la bête immonde qui avaient laissé quatre traces parallèles dans les flancs d’un immeuble résidentiel encore debout.

Après la frénésie du combat, l’adrénaline refluait dans les vaisseaux et les pompes de celui censé protéger l’Humanité. Il avait accompli sa mission, mais à quel prix ?

Succédant à la vision de la carte postale apocalyptique en laquelle il avait transformé la mégalopole japonaise, lui parvinrent les effluves et les clameurs. Il recouvrait ses sens petit à petit. Il y eut d’abord les cris qui parvinrent à atteindre ses tympans malgré l’épaisseur de son heaume. Des appels au secours, des hurlements de terreur. De la douleur à l’état pur, dont il était responsable. Et derrière, en contrepoint, les sirènes des premiers secours qui arriveraient trop tard, il le pressentait, tant le combat avait rendu la ville impraticable. Il y eut ensuite l’odeur accablante. L’ichor qui suintait de la carcasse fumante du démon, le sang que le mécha avait lui-même perdu et celui plus diffus de la mort humaine semée au gré des effondrements des bâtiments ou des piétinements des protagonistes. La créature recouvra soudain le sens du toucher et lâcha aussitôt la garde de son arme, poisseuse d’humeurs. Il se tint, géant solitaire entouré de fourmis en pleurs et à l’agonie, surplombant son trophée pourrissant. La victoire avait un goût de bile.

 

 

Shinji leva la tête de sa console portable, surpris par le crépitement de la pluie contre la vitre de sa chambre. Le monologue et le scintillement de la télévision, allumée en continu, captèrent bientôt son attention. C’était l’heure des informations et le programme diffusait un flot incessant d’images plus horribles les unes que les autres.

Tout n’était que chaos et désolation dans le poste, entre les guerres civiles, les manifestations réprimées dans le sang, les reportages sur les frappes chirurgicales des armées en action quelques part dans le monde, les maladies ravageant des camps de réfugiés il ne savait plus où à force d’en voir, la famine, le manque d’eau potable. Les cyclones et les tsunamis qui se succédaient. La Mort omniprésente, comme distillée, magnifiée dans son horreur et injectée directement dans les crânes des téléspectateurs. Tout cela commenté par la voix froide et antipathique d’un présentateur sur qui ces reportages semblaient glisser sans laisser de marque.  Un humain comme il y en avait à présent des milliards, se dit Shinji. Indifférents, blasés, destructeurs. Contaminés. Mortels à plus d’un titre.

L’adolescent regarda de nouveau l’écran de son jeu vidéo. Avec le succès de sa précédente mission, la dernière du scénario principal, il avait terminé le jeu, et les crédits de fin défilaient, surmontés d’un sanglant « Game Over » clignotant. Game Over… pensa Shinji avant de prononcer les deux mots à voix haute. Oui, Game Over, redit-il avant de contempler l’étagère où il stockait toutes les cartouches de ses jeux, plus violents les uns que les autres, puis de se tourner vers la télévision où des vidéos de cratères d’obus succédaient à des photos de charniers.

Appuyé contre la fenêtre glacée, accablé par une prise de conscience macabre, Shinji se demanda s’il y avait-il quelqu’un pour éteindre la console Terre et enclencher un nouveau jeu. Un des joueurs s’était forcément fourvoyé quelque part dans la trame scénaristique. Si ce n’était pas le cas, le concepteur devrait être renvoyé.

Dehors, la pluie continua à tomber, s’écoulant  contre la vitre, accompagnée à l’intérieur par les larmes dévalant le visage du garçon. Sur le rebord de la fenêtre, les gouttes s’assemblèrent pour former quelques mots : Game Over. Continue?

Note finale : 3/5

Une réponse le “Challenge Flash n°7 – Anthony

  1. Atorgael dans

    Ils ont commenté :


    Un bel angle pour ce texte, j’attends pour bientôt « interdit au moins de 10ans pour les journaux de 20h…
    L’écriture n’est cependant pas parfaite avec parfois de trop longues phrases descriptives qui n’arrivent pas toujours à rendre la mélancolie qui sous tend de tout ça.


    Un parallèle intéressant. Presque une mise en abîme