Challenge d’écriture n°32 – Texte n°3

Rendar

Gravité zéro

La lumière des étoiles suffisait pour refléter sur la carlingue de son chasseur une infinité de lueurs iridescentes. Moteurs, répulseurs et éclairage extérieur coupés, il n’y avait que l’éclat des astres lointains pour illuminer son cockpit.

S’accordant un bref moment d’introspection, Wedge Antilles soupira. Le conflit entre la toute récente « Nouvelle République » et le reste des forces Impériales chassées de Coruscant depuis la mort de l’Empereur Palpatine s’éternisait et le repos était depuis longtemps un luxe dont il fallait profiter à chaque occasion. Bien qu’il commençait, selon les standards de la flotte, à se faire un peu vieux pour traîner ses guêtres dans l’habitacle d’un intercepteur stellaire aile-X, il savait que sa présence et ses conseils pouvaient faire une différence essentielle. Celle entre la vie d’un pilote sous ses ordres et une lettre de condoléance de plus à écrire à une famille éplorée.

C’était pour ça qu’il choisissait de rester au poste humble de leader d’un escadron. Lui qui était vétéran des assauts contre les étoiles de la mort à Yavin et Endor, de l’évacuation de Hoth, et de bien trop de conflits qu’il ne pouvait compter. Et ce alors qu’on lui avait à de nombreuses reprises proposé le grade de général et une affectation loin des zones de combat.

Son vaisseau stationnait à la limite du système de Pyria, un monde verdoyant ayant requit l’assistance de l’armée républicaine suite à plusieurs raids éclairs de pirates très organisés. Ils attaquaient les stations de ravitaillement en orbite haute de la planète, volant ce qu’ils pouvaient et repartant avant que les quelques forces de défense puissent réagir.

Un bip aigu retentit dans son cockpit, le tirant de ses réflexions. Son droïde astromécano devait avoir détecté quelque chose. D’un geste assuré, il réactiva l’alimentation de son appareil. Le bourdonnement des systèmes revenant à la vie était comme une symphonie entendue des milliers de fois et dont il connaissait les moindres accords. Se penchant sur l’écran de traduction, il lu ce que Gate – Son unité R5 – avait essayé de lui communiquer quelques instants auparavant.

– On se réveille les Rogues, lança-t-il sur la fréquence de l’escadron. Je détecte des fluctuations graviques indiquant une sortie de l’hy…

Juste devant lui, à quelques milliers de kilomètres, le noir de l’espace se déchira un bref instant pour laisser apparaître un appareil de tonnage moyen qui se rapprochait à vitesse rapide. Il termina néanmoins sa phrase, conscient d’énoncer une évidence.

– …perespace, droit devant. Il activa ses propulseurs à pleine puissance. Allons jeter un coup d’œil.

Autour de lui, le reste de son escadron, une dizaine d’autres ailes-X, s’animèrent. C’était comme voir une nuée d’insectes s’envoler brutalement. Le spectacle du rougeoiement des tuyères de ses coéquipiers éjectant des flammes de plasma avait quelque chose de réconfortant pour Antilles.

– Vol Un, avec moi pour une petite tournée d’inspection. Vol Deux et Trois, vous restez en arrière histoire de nous couvrir si quelque chose devait clocher.

– Reçu leader, accusèrent Tycho Chelchu et Wes Janson, respectivement aux commandes des vols Deux et Trois.

D’un coup de pouce sur son panneau de commande, Wedge activa la fréquence principale de communication.

– Cargo non identifié, vous êtes entré dans un espace républicain, veuillez décliner vos intentions, provenance et cargaison immédiatement.

Le vol Un suivait une trajectoire d’interception qui l’amènerait à portée de l’appareil dans quelques minutes seulement.

– Je répète vaisseau non identifié, veuillez…

– Chasseurs de la nouvelle république, je suis le capitaine Abagh, commandant du transporteur indépendant « Pur Sabbac ». Nous avons été attaqués et requérons votre assistance.

Wedge soupira. « Transporteur indépendant » était une appellation raffinée pour désigner les contrebandiers. Et ces gens causaient généralement plus de soucis qu’autre chose.

– Bien reçu « Pur Sabbac ». Maintenez une vitesse de croisière minimale et attendez instruction. Par qui avez-vous été agressés ? Quels sont les dégâts ?

– Nous faisions partie d’un convoi plus important mandaté par la République pour convoyer des vivres et des réfugiés sur une planète d’accueil dans le secteur de Kuat. Ils nous sont tombés dessus à la sortie de l’hyperespace, notre vaisseau n’a pas subi de dommages importants mais j’ignore ce qu’il est advenu du reste de la flotte.

– Votre identité vient d’être confirmée par le contrôle, capitaine Abagh, répondit Antilles après avoir lu le rapport transmis par ses supérieurs. Une frégate médicale est en route pour porter assistance aux éventuels blessés, placez-vous sur le vecteur 12-28 pour inspection et…

Gate bipa à nouveau, interrompant à nouveau la phrase de Wedge qui n’eut, cette fois, pas besoin de lire son écran pour comprendre la signification des trilles électroniques. Dans le sillage du cargo venaient de sortir de l’hyperespace plusieurs appareils en formation d’attaque dont une canonnière à l’allure menaçante de plus de deux cent mètres de long.

« Non mais je rêve » pensa Wedge, amusé, « c’est quoi cette manie de ne pas me laisser terminer mes phrases ? Et dire que j’espérais une journée calme… »

Il repassa sur la fréquence de l’escadron.

– Les Rogues, au boulot, ailerons en position d’attaque. Les vols Un et Deux s’occuperont des chasseurs. Vol Trois, la canonnière est à vous.

– Leader, pourquoi est-ce que c’est toujours moi qui doit attaquer les vaisseaux qui ont les plus gros turbolasers ?

Wedge sourit sous son casque en entendant le ton faussement vexé de Wes Janson, un de ses fidèles amis de longue date. Ce dernier ne ratait jamais une occasion de se plaindre.

– C’est parce que c’est ce que tu fais de mieux Wes. On fait pas la tête, on fait risette, exécution.

Avant de couper la communication, Wedge aurait juré entendre murmurer un « C’est pas juste » mais il n’avait pas vraiment le temps de plaisanter avec ses coéquipiers. Abaissant la manette de stabilisation, il fit basculer ses ailes en position de combat, donnant à son chasseur la forme en X caractéristique dont il tenait le nom.

Une nouvelle voix s’éleva sur le canal principal, clairement non humaine d’après le chuintement humide qui accompagnait chaque syllabe qu’elle prononçait.

– Chasseurrrrrrrs stellairrrrrrres, écarrrrrrtez vous. Ceci est une histoirrrre prrrrrivée, ne vous interrrrposez pas ou vous serrrrrrrrez détrrrrruits.

– Vaisseaux non identifiés, répondit Wedge, cela vaut-il la peine que je vous signale que vous êtes dans un espace contrôlé par la Nouvelle République et qu’il est hors de question que nous nous écartions d’un seul centimètre tant que vous n’aurez pas coupé vos moteurs et désactivé votre armement ?

– Alorrrrrrrrs prrrrrréparrrrrrez vous à mourrrrrrrrrrrrrrrrrrirrrrrrr

La communication cessa abruptement. « Ben tiens, quelle surprise », entendit Wedge sur le canal privé du vol Deux. Il n’eut pas le temps de demander à Tycho d’éviter d’occuper une fréquence pour rien que les premiers traits de laser déchirèrent l’espace. Alors qu’ils n’étaient pas encore à portée, les chasseurs ennemis – Une dizaine d’antiques Z-95 et une paire d’ailes-Y – ouvraient le feu sur l’escadron Rogue.

Ces assaillants étaient sans doute une partie du groupe de pirates ayant attaqués le convoi et devaient être désireux de s’emparer de ce qui dormait dans les soutes du « Pur Sabbac ». Sans réfléchir, la distance entre les deux factions se réduisant rapidement, Antilles laissa parler ses réflexes et se jeta dans la mêlée.

Trop lente pour éviter ses tirs, une des ailes-Y explosa en quelques salves, ses boucliers saturés par les tirs précis du leader des Rogues. La formation ennemie sembla alors s’ouvrir comme une fleur, chaque chasseur prenant une trajectoire différente.

– Escadron Rogue, feu à volonté. Choisissez votre cible, détruisez-la et passez à la suivante. Ne faites pas les idiots, même si ce ne sont que des pirates, leurs lasers restent tout aussi mortels que les vôtres. Bonne chasse.

Ce faisant, il choisit un des Z-95 et lui colla au train. Doté de boucliers peu performants et d’un armement basique, cet engin était néanmoins un chasseur très maniable et, piloté avec agilité, pouvait se révéler un adversaire coriace. Mais la personne aux commandes de celui que Wedge poursuivait devait être un novice et fut bientôt transformé en boule de feu.

– Leader, à gauche, vite.

Ayant appris à se fier à ses coéquipiers, Antilles lança immédiatement son chasseur en vrille. Un trait de laser traversa l’espace vide où il se trouvait quelques instants auparavant. Tournant la tête, il repéra son adversaire, un autre Z-95 peint en noir mat et qui se fondait sur l’obscurité étoilée. Entamant un virage serré à droite, il sentit son corps encaisser la poussée formidable à laquelle l’appareil était soumis malgré le compensateur d’inertie. Enchaînant sur un looping, il se retrouva derrière le chasseur noir et déclencha la mise à feu de ses quatre lasers. Son adversaire évita avec brio la bordée et tenta une manœuvre échappatoire. Les années d’expérience de Wedge lui permirent de rester collé au train du petit vaisseau tout en continuant à décocher salves sur salves.

Dans son communicateur, un double clic caractéristique retentit et Wedge arrêta de tirer pour dégager son chasseur dans un brusque piqué. Au même moment, Darvin, son ailier, arriva face au chasseur noir, faisant feu de tous ses lasers. Pris par surprise alors qu’il était concentré sur l’adversaire qu’il avait derrière lui, le Z-95 ne pu éviter les traits d’énergie qui vaporisèrent son vaisseau.

S’octroyant un moment de répit, Wedge consulta son écran tactique. La majorité des chasseurs ennemis étaient détruits ou hors service à l’exception de deux Z-95 et, étonnamment, de la seconde aile-Y. Ceux-ci se retiraient hors de la zone de combat, vers la canonnière qui était aux prises avec le vol Trois. Beaucoup trop agiles pour ses lourds turbolasers, les chasseurs de la Nouvelle République passaient entre les salves mortelles pour pilonner les boucliers de l’appareil. Wedge constata que de nombreuses brèches avaient fait leur apparition sur le fuselage de l’imposant appareil, preuve s’il en fallait de l’efficacité des hommes sous ses ordres.

La voix non humaine retentit à nouveau sur la fréquence principale alors que les pirates manoeuvraient rapidement vers la bordure du système pour prendre la fuite en hyperespace.

– Escadrrrrrron Rrrrrrrrrrogue, nous nous reverrrrrrrrrrons, vous me le payerrrrrrrrrrez.

– Laissez-les partir les Rogues, ordonna Wedge sur le canal de l’escadron avant de basculer à nouveau sur la fréquence générale.

– Ho mais j’y compte bien capitaine pirrrrrrrrrate, railla Wedge alors que la canonnière disparaissait hors d’atteinte, dans la relative sécurité de la vitesse lumière. Bien joué les Rogues, continua-t-il. Allons escorter le « Pur Sabbac » jusqu’à la base. Vous serez tous ravis d’apprendre que, pour fêter son incroyable talent à éviter les lasers des vilains gros vaisseaux qui essayent sans cesse de le descendre, c’est Wes Janson qui payera sa tournée ce soir.

Les protestations de l’intéressé moururent dans les « hourras » de ses camarades. Un nouvel engagement sans pertes, se félicita Wedge. Mais même si aujourd’hui, c’était avec le sourire qu’il rentrait au bercail, il savait que la chance ne pouvait pas durer éternellement et que la prochaine fois qu’il regarderait les étoiles pourrait aussi être la dernière.

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