La horde du contrevent
1ère mise en ligne le 27/01/2012
Imaginez une Terre poncée, avec en son centre une bande de cinq mille kilomètres de large et sur ses franges un miroir de glace à peine rayable, inhabité. Imaginez qu’un vent féroce en rince la surface. Que les villages qui s’y sont accrochés, avec leurs maisons en goutte d’eau, les chars à voile qui la strient, les airpailleurs debout en plein flot, tous résistent.
Imaginez qu’en Extrême-Aval ait été formé un bloc d’élite d’une vingtaine d’enfants aptes à remonter au cran, rafale en gueules, leur vie durant, le vent jusqu’à sa source, à ce jour jamais atteinte : l’Extrême-Amont. Mon nom est Sov Strochnis, scribe. Mon nom est Caracole le troubadour et Oroshi Melicerte, aéromaître. Je m’appelle aussi Golgoth, traceur de la Horde, Arval l’éclaireur et parfois même Larco lorsque je braconne l’azur à la cage volante. Ensemble, nous formons la Horde du Contrevent.
Il en a existé trente-trois en huit siècles, toutes infructueuses. Je vous parle au nom de la trente-quatrième : sans doute l’ultime.
La horde du contrevent Auteur : Alain Damasio Éditeur : 2004 - La Volte / 2007 - Gallimard - FolioSF
Commentaire d’Atorgael
Un livre unique que j’ai bien failli loupé !
Explication : Voila maintenant quelques années que je possède ce livre (cadeau de ma petite sœur qui a le chic pour me faire découvrir des livres à côté desquels je passe sans me retourner – il y en a tellement !), j’avais commencé à le lire mais le sujet et la façon dont il est écrit m’avaient rebutés et j »en avais stoppé la lecture. C’est à la suite d’une conversation sur le net avec Alice et d’autres que je me suis finalement laissé faire en redonnant une chance à ce livre. Heureusement !
L’histoire est assez simple : un groupe part de l’aval et remonte en amont. Que remonte-t-il ? Le vent. On entre dans le sujet 30 ans après leur départ et on les trouve en but avec tous les obstacles que le monde va mettre sur leur trace. On découvre avec eux que ce qu’on leur avait dit au départ n’est plus forcément encore d’actualité, certains voudraient-ils que les hordes échouent ? la question se posera rapidement. Y-a-t-il quelque chose là-haut ? Et c’est quoi cet extrême-amont, et après, il y a quoi ?
Les personnages sont tous bien distincts et distinguables par le biais de caractères typographiques que l’auteur utilise tout au long du livre pour indiquer qui est en train de parler. Ça donne des tonalités et des écritures différentes selon qu’il s’agit du traceur ou de la feuleuse qui parle. Car oui, chacun à son rôle dans la horde et l’auteur s’amuse beaucoup à nous les faire découvrir au fil des pages. Du coup on se retrouve avec énormément de vocabulaire propre à l’univers qu’il faut digérer et intégrer pour réellement prendre plaisir à la lecture. C’est sans doute ce qui m’a fait lâcher le livre au départ. je ne devais pas être prêt.
Est-ce de la SF, de la Fantasy, difficile de le dire au premier abord, mais je le classerai plus en Fantasy de part le présence de la magie (qui n’est pas appelée ainsi, ce serait trop simple) et l’absence de technologie très avancé même si sur la fin on en frôle les limites. Au final, on dira que c’est un pur récit de l’imaginaire.
Autre point intéressant dans ce livre, les thèmes abordés. Classiquement, on est confronté à la vie et à la mort et à l’étroite frontière que sépare un hordeur d’une de l’autre, à peine plus épais que souffle de vent. Les vents, parlons-en d’ailleurs, il en existe 9 formes et toutes doivent être rencontrées au cours de cette quête de l’extrême-amont. Le vent semble tout régir, tout façonner sur cette terre, il est presque le personnage principal de ce roman.
Le vocabulaire utilisé dans tout le livre pioche dans beaucoup de nos références mais semble avoir été modifié, comme déformé par le passage du temps et des vents sur ce morceau de terre. On en arrive à une musique agréable à la lecture que les personnalités de chaque hordeur vient faire tinter de ses propres résonances. On passe ainsi de la gouaille rustique du Golgoth au phrasé musical de Caracole en quelques ligne pour notre plus grand bonheur de lecteur.
Difficile de raconter ce livre tellement il est riche et complexe, c’est vraiment à découvrir.
La fin peut décevoir mais c’est celle que j’avais imaginé au fil du compte à rebours des pages (oui, la numérotation des pages est inversée, au moins on sait quand arrive la fin !).
Pas forcément le premier livre à lire pour qui se lance dans le genre, mais une belle découverte pour ma part. Je lirai sûrement les autres livres de cet auteur.
Commentaire de Rendar
Sur un monde où le vent domine la vie des hommes, un groupe d’individus élevés dès leur plus jeune âge forment une Horde tentant de remonter le vent pour atteindre l’Extrême Amont, le bout du monde.
Nombreuses ont été les Hordes précédentes à tenter de réussir cet exploit périlleux mais le neuvième Golgoth entends bien mener ses Hordiers jusqu’à la fin de leur quête. Ils devront affronter les mortelles neuf formes du vent, les Poursuiveurs, la faune de dangereux et instables Chrones et surtout, s’affronter eux même et rester un bloc uni et volontaire face à l’adversité.
Mêlant poésie, magie, univers fantastique, construction des personnages et de l’univers brillante, ce récit à tout pour plaire. Même sa taille conséquente, son système de numérotation des pages, de marquer chaque hordier par un symbole ne rebute pas.
Le style est excellent, adapté à chaque point de vue. Car oui, l’auteur nous fait vivre l’histoire par les yeux de ses personnages et vole sans cesse de l’un à l’autre modifiant la syntaxe, la rythmique, les expressions et la mentalité avec brio.
On se prend rapidement d’affection pour Sov, Pietro, Steppe, Caracole ou même Golgoth lui-même, personnages à la fois inhumain mais tellement humanisants.
Ce livre est une réussite à classer pour moi dans les excellents romans de Fantasy et une lecture hautement recommandée bien que longue et nécessitant un peu d’attention.
Petit bémol sur la fin qui reste vague et floue et certaines longueurs inutiles mais ça ne vient pour autant pas ternir la globalité de l’ouvrage.
A noter qu’il semblerait qu’une suite ait été éditée : ‘La Zone du dehors’ et qu’un film d’animation soit dans les cartons… Je pense aller me renseigner à ce sujet prochainement !!!
Ce livre m’aura complètement emballée. J’ai été fascinée dès les premiers mots, tant par le style d’écriture, que par les idées développées. Une grosse claque donc, avec des envolées totalement hallucinantes et des plongées de pure plaisirs dans la langue française.Un livre qui aura changé mon regard sur mes lectures, passées comme à venir.
En ce qui concerne la fin, sans être déçue, je la trouve rapide, un peu comme la chute dans une nouvelle. Mais le résultat est bien celui auquel je m’attendais depuis le début.
Un grand roman, et un auteur hors du commun !
C’est un texte que mon fils m’a fait découvrir il y a quelques temps et que j’ai vraiment trouvé intéressant, parce qu’il a quelque chose d’assez unique dans la production actuelle. Je le range un peu dans le même genre qu’Hypérion, avec un engagement littéraire assez rare. Un chapitre de jeux littéraires, c’est quand même précieux.
On peut discuter la fin, ce n’est pas mon passage préféré pour ma part, mais ce que j’ai aimé surtout c’est le montage des personnages et l’ambiance générale de la horde.
Un ou deux regrets tout de même sur le traitement un peu cavalier de certains personnages et sur des ellipses assez troublantes à la fin du récit. Cela donne l’impression d’un texte coupé.
Un grand roman au total.
A+
Le Médiko