Challenge n°15 – Texte n°1

Hellspawn

Débarquement sur une planète forcément hostile. Je l’imagine encore gangrenée de renégats et autres infidèles. Peut-être même encore ces sempiternels Night Lords. Sans doute pullulent-ils dans ce secteur car nous avons déjà bien des fois eu maille à partir avec eux.
Mes deux pieds foulent à nouveau un sol inconnu. Pourtant, étrangement, toutes les planètes du coin se ressemblent. Toujours ces larges plaines verdoyantes et ces montagnes faites de strates horizontales inégales et parcourues d’inscriptions étranges… Mon armure énergétique terne et sans éclat ne prend même pas la peine de refléter la lumière d’un des nombreux soleils baignant le champ de bataille d’une sourde lueur orangée. Mon équipement entier semble aussi las que son porteur et son poids inerte écrase mes épaules et ralentit mon pas comme le ferait un fardeau.
La voix de l’Empereur résonne dans les cieux : « Fiers Marines de l’Empereur, on va casser du Chaoteux ! ».

Nous avançons à tâtons. Tantôt intelligemment, en profitant des couverts tantôt comme d’inconscientes cibles vivantes en terrain dégagé. Lors d’un de ces imprudents mouvements, nous nous arrêtons même au beau milieu de la plaine, parfaite proie pour tous les tirs ennemis… Sans doute l’Empereur a-t-il décidé pour nous d’une fonction particulière dans son plan d’assaut et nous protège-t-il de Sa Bienveillance. Pourquoi douter de Lui ?
Une seconde voix retentit telle un tonnerre, sans doute celle d’une entité démoniaque aux pouvoirs terribles : « Ouais, c’est ça, bonne idée, Ducon, tu veux pas accrocher une cible sur les tronches de tes gars, non plus ? »

Face à nous, l’entrée en surface d’une base souterraine ressemblant à mille autres et bêtement visible à des lieues à la ronde. Portes ouvertes, elle nous offre, comme en guise d’invitation au massacre, une vue imprenable sur une poignée de Marines du Chaos à casques ailés. Un membre de mon escouade est projeté dans les airs par une rafale ennemie, comme emporté par une main géante. « Et pan dans ta gueule, scande la voix honnie, first strike pour bibi ! »
En ripostant, nous éradiquons le petit groupe de ces traîtres à l’Empereur.
« Tu ramènes moins ta fraise, hein, mon pote ? » rugit l’Empereur à l’encontre du démon.

Avancée en ligne droite pour aller nous réfugier sous le couvert providentiel offert par ces lieux maintenant dégagés. Autour de moi, plusieurs frères périssent encore sous les tirs de l’armée adverse et la mort de chacun d’entre eux est accompagnée d’un soupir de notre Seigneur et Maître et d’un rire malsain de son opposant.

Arrivée dans le sas au sol jonché de cadavres d’ennemis tombés dans des positions ridicules, comme figés en pleine action. Le même éternel constat : cette entrée est un leurre dont tous les mécanismes sont comme peints en trompe l’œil. De plus, cette pseudo entrée ne donne sur rien…

C’est alors que je reçus la révélation : c’est alors que je connus le nom de notre Empereur Dieu. Car en ce moment béni, une troisième voix gronda : « Kévin ! Je t’ai demandé trois fois de te secouer ton gros cul et de venir manger avec Fabien. Qu’est-ce que tu fabriques ? Encore en train de jouer avec tes bonshommes à la con comme un gamin attardé ? »

C’est alors que je compris que nous n’étions que des pions dont le destin était manipulé par un être supérieur du nom de… Kévin. Être qui, selon toute vraisemblance, nous faisait l’honneur de s’intéresser à notre devenir malgré le danger personnel que cela impliquait pour lui dans la dimension à laquelle il appartenait.

« Ouais, ça va, p’pa » hurla l’Empereur d’un ton las.
Je crus même entendre le démon chuchoter : « Attardé toi-même… Il fait chier, ton paternel, Kev’ ».

Le temps se figea. Plus rien de bougeait, comme lorsque l’on rentre dans la chambre de stase communautaire rouge après chaque mission et que la grande porte noire se referme sur nous. Mon regard se porta à l’extérieur. Au ciel, un des soleils crépita avant de rétablir sa luminosité. La vaste plaine verte d’une horizontalité parfaite n’était troublée que par ces étranges collines sur lesquelles couraient d’énigmatiques maximes. Comme souvent, je les relus, tâchant d’y trouver un sens : « Manuel de grammaire, Précis d’orthographe, Marcel Pagnol-La gloire de mon père, Warhammer 40,000-Livre de règles, Titeuf-Le guide du zizi sexuel, Larousse 2007-Dictionnaire orthographique… ».

Tiens… J’ai ramené de l’herbe du dehors avec moi à l’intérieur du sas… elle forme autour de mes pieds un rond parfait. Marrant, ces petits détails qui sont autant de signes que l’univers ne peut être compris par de pauvres êtres tels que nous…

Les voies de l’Empereur Kévin sont décidément impénétrables. Gloire à Kévin.

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