Challenge n°20 – Texte n°7

Rendar

Les derniers rayons du soleil éclairaient d’une lueur dansante le sourire éclatant de Kol qui descendait, protégeant ses yeux de la luminosité déclinante, d’un des escaliers d’accès du ‘Hope’, le vaisseau type colonie II qui les avait emmenés jusqu’ici.

Il pouvait enfin souffler un peu après cette dure journée de labeur sous une chaleur écrasante tout en se sentant très satisfait du travail accompli. Peu à peu, l’ébauche de ce qui, il l’espérait, deviendrait au fil des années une petite ville, prenait forme sous ses yeux. Ils revenaient tous de loin, les cent vingt humains survivants qui l’avaient accompagnés jusqu’ici et, malgré les efforts pour décharger les caisses d’équipement et bâtir les modules d’habitation standard, ils étaient enfin heureux d’avoir trouvés une terre où se réfugier.

Ils faisaient tous partie du Grand Exode, une gigantesque flotte de dizaines vaisseaux d’exploration et de colonisation partie plusieurs centaines d’années auparavant de la Terre, alors mourante pour trouver par delà les étoiles, un nouveau foyer pour accueillir la race humaine. Chaque appareil avait été envoyé vers une destination différente, éparpillant des milliers d’êtres dans le cosmos afin d’optimiser les chances de trouver une nouvelle planète où l’Homme pourrait vivre en paix et en harmonie avec les éléments, évitant de répéter les erreurs qui avaient causées le déclin de leur berceau d’origine.

Pourtant, leur périple était loin d’avoir été sans dangers. Une attaque pirate à la sortie du système solaire avait failli les réduire à néant s’il n’y avait pas eu l’intervention providentielle des patrouilles militaire et il avait cessé de compter les nombreuses pannes de moteur ou de l’ordinateur de navigation.

Le pire avait été l’explosion du générateur de cryogénisation. Celui-ci avait entraîné le réveil non contrôlé de cent cinquante de leurs compagnons, entraînant leur décès inéluctable après plusieurs semaines de fièvre et de délire. Ils avaient ainsi perdus plus de la moitié des colons.

Mais tout cela appartenait au passé. Kol respira à pleins poumons l’air de son nouveau chez lui, chassant les sombres pensées qui lui revenaient en mémoire. Il retrouvait dans les fragrances portées par le vent un arrière goût très agréable de caramel, sans doute charrié par les immenses conifères fleuris qui bordaient le Nord de la plaine.

Suivant ses conseils, ils avaient ensemble construits le campement au pied d’une haute falaise, l’abritant ainsi d’un éventuel vent froid l’hiver. Non loin s’écoulait paisiblement une rivière d’eau potable et ils avaient également trouvés des baies comestibles ainsi que du gibier en grande quantité.

L’obscurité tombait rapidement sur cette planète, soulignant les nombreux feux allumés par ses amis pour préparer le repas et il se dirigea vers un groupe d’hommes, les saluant tout en échangeant avec eux quelques mots. Il les rassura. Oui, il venait d’envoyer un important message vers la Terre mais il ignorait cependant combien de temps la transmission prendrait pour arriver jusque là.

Il se garda bien de leur dire qu’il ignorait s’il y avait encore quelqu’un là bas pour recevoir l’annonce de la découverte de ce nouvel Eden mais il suffisait parfois de peu pour faire renaître l’espoir dans le cœur de tout un peuple. Quelques notes de musique commençaient à s’élever dans le crépuscule et, un large sourire toujours sur ses lèvres, il entendit la voix forte de Kyle entonner une chanson à boire bientôt reprise par plusieurs autres de ses compagnons.

Il s’apprêtait à rentrer dans son module pour se débarbouiller avant le repas lorsqu’un cri d’alarme le fit sursauter. Instantanément, les chants se turent et il se mit à courir vers l’origine de l’avertissement. Il y trouva la dépouille mutilée de Bjorn, une des sentinelles dispersées autour du campement. De nombreux hurlements se faisaient maintenant entendre, parfois ponctués de jurons et les premiers coups de feu retentirent.

Il se précipita vers le centre de la petite colonie tout en dégainant sa propre arme, un pistolet à balles à fragmentation. Il pensa d’abord à un prédateur sauvage mais rien ne l’avait préparé au carnage qu’il découvrit alors.

Campé sur deux pattes puissantes, une énorme silhouette féline virevoltait dans les airs, abattant sur les malheureux qui étaient à sa portée deux énormes lames. Il vit Flotin se faire trancher en deux alors qu’il essayait de protéger sa femme avec un tison ardent. La pauvre Fléa n’eut pas le temps de pleurer son mari, la bête lui réserva presque instantanément le même sort.

Il se mit à crier, apostrophant une jeune fille qui s’enfuyait de ce massacre les yeux pleins de terreur et lui ordonna de rassembler les enfants et de les mener le plus rapidement possible dans le module de communication. Ce dernier était bien mieux protégé que les modules d’habitation normaux et les petits seraient en sécurité derrière l’épais blindage du bâtiment.

N’écoutant que son courage, il se mit à courir après leur assaillant qui lui faisait furieusement penser à un immense chat de cauchemar. Plusieurs hommes se joignirent à lui et ils firent feu à de nombreuses reprises. Diable, que cette créature était agile et difficile à ajuster, il avait l’impression de voir une ombre danser. Cela aurait été superbe si, à chaque mouvement, le danseur ne laissait pas derrière lui le cadavre ensanglanté d’un de ses amis.

Ils débouchèrent sur un espace dégagé où ils trouvèrent la bête, appuyée sur ses quatre pattes, semblant les attendre en grognant, le poil hérissé comme sous l’effet d’une décharge électrique. Ils tirèrent dans un fracas assourdissant. Kol était persuadé de l’avoir touché mais cela ne ralentit en rien sa charge et, d’un saut puissant, le prédateur se propulsa au contact des humains.

Ycark se fit projeter au sol, les tripes déchiquetées et Kol préféra ne pas se demander si c’était les lames ou les griffes qui avaient faits ses dégâts Juste à sa droite, Sinoun se fit trancher la gorge, l’éclaboussant de sang dans un horrible râle. La chose se déplaça vers lui en sifflant et il tira droit sur elle, l’atteignant à l’épaule et lui arrachant un gémissement de douleur. La bête sembla avoir un moment d’hésitation qui permit au robuste Kyle, brandissant une hache, de se jeter sur la créature.

Kol ne vit pas arriver le coup de patte qui le projeta violement au sol après avoir heurté une caisse d’équipement. Complètement sonné, il vit, sans pouvoir réagir, Kyle échanger quelques passes d’arme avec son adversaire mais ce dernier semblait être très versé dans l’art de combattre et Kyle perdit sa hache en même temps que son bras ce qui ne l’empêcha pas de charger vainement la créature à mains nues. Son corps agité de spasmes alla rejoindre son membre amputé très peu de temps après.

Kol avait la vue brouillée et un mal atroce au ventre. Il avait certainement plusieurs côtes cassées et, au vu de sa respiration sifflante, un poumon perforé. Il vit néanmoins avec horreur l’animal se diriger vers le bunker de communication où il avait lui-même ordonné qu’on y enferme tous les enfants. Le désespoir lui donna la force de se lever sur des jambes chancelante. Même s’il n’aurait certainement pas la force d’empêcher la bête féline de massacrer les jeunes, il pouvait encore prévenir les éventuelles personnes qui auraient captées son message signalant une belle planète à habiter que celle-ci comportait des formes de vie extrêmement hostile.

Titubant au milieu de ce qui était maintenant un charnier et où des feux incontrôlés commençaient à calciner certains bâtiments, il marcha aussi vite que ses faibles forces lui permettaient essayant de ne pas prêter attention aux hurlements d’agonie provenant de l’intérieur du centre de communication.

Au moment ou il passa la porte, il ressentit un choc suivit d’une sensation de brûlure à l’abdomen. Il baissa les yeux vers son torse pour y voir la garde d’une lame dépasser de son sternum. Ses jambes défaillirent, le faisant tomber à genoux en haletant. De l’intérieur, il pouvait entendre les enfants hurler et pleurer alors que sa vie le quittait, à l’image des flots de sang qui se répandaient à ses pieds. Sa vue se brouilla et son visage toucha lourdement le sol. La dernière sensation qu’il eu fut celle des fleurs de la prairie lui chatouillant la joue.

L’herbe grasse s’offrait à lui et il s’y étala de tout son long.

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