Nagash

A l’extérieur, le vent se déchainait. Ides éclairs déchiraient le ciel. Une tête reptilienne perça la surface luisante de la mer de Fiel. A l’intérieur de la forteresse de Nagashizzar les morts vivants vaquaient à leurs occupations, indifférents à la morsure du vent glacé, ils n’étaient attentifs qu’aux taches éternelles que leur maître leur avait attribués il y avait bien longtemps.

Assis sur son tronc de crânes humains, Nagash maugréait. Il sentait vagueraient qu’une tempête faisait rage. Cela perturbait son esprit, connue le bourdonnement d’un moucheron, le tirant de ses sombres rêveries pour le plonger dans la réalité.

Lentement, il prit conscience de l’immense salle du trône dont le sol était jonché des os des courtisans qui lui avaient déplu. Il reconnut les tapisseries en lambeaux qui retraçaient des scènes dont lui seul, de tous les êtres vivants, pouvaient se souvenir.

Progressivement, il prit conscience des petits scintillements de pouvoir maléfique qui animaient les dizaines de milliers de créatures qui l’entouraient.

Pour le regard surnaturel du Grand Nécromancien, ces petites lueurs étaient visibles même à travers les kilomètres de rocs entourant sa citadelle. Il réalisa alors qu’une de ces flammes ne présentait pas constamment des reflets ténébreux. Elle était vive et scintillait de nombreuses couleurs : le rouge de la colère, le jaune vif de la peur et le violet intense de l’avidité.

Si le Grand Nécromancien avait pu rire il l’aurait fait. Il y avait bien longtemps qu’un mortel n’avait pas osé pénétrer son royaume. il se demandait pourquoi il était venu. Bien sûr, l’Abime Maudit était plein de ces joyaux que les hommes prisaient tant. Après plus de, quatre mille ans, Nagash ne parvenait plus à comprendre ce qui pouvait intéresser les hommes dans de telles futilités car gemmes et Lingots duraient bien plus longtemps que la vie de ceux qui désiraient les posséder. Le souvenir de ce que la richesse représentait pour les mortels lui revint vaguement : il se rappela du luxe de son palais de Khemri et du désir qu’il avait alors de combler ses sens. Mais, même a l’époque, il était différent de la majorité des mortels. 11 n’avait jamais véritablement compris cette attirance pour les trésors de ce monde. Il savait déjà trop bien combien étaient éphémères la richesse et la gloire. Il savait que la mort était la plus grande des voleuses et qu’à la fin, elle vous prenait tout ce que vous possédiez. Nagash avait juré de tromper la mort, de voler la plus grande des voleuses, et il avait réussi, même si le prix en était lourd.

Les souvenirs se mélangeaient dans son esprit comme. dans un rêve de lotus. Des images illuminaient brusquement son esprit comme les éclairs, puis disparaissaient. Il avait vu et fait tant de choses qu’il ne pouvait s’en rappeler ne serait-ce que le dixième. Trop d’expositions à la malepierre et trop de retour depuis l’au-delà avaient nécrosé son cerveau. Il savait qu’il y avait des lacunes dans ses connaissances et dans sa mémoire. Il n’était d’ailleurs pas sûr de vouloir se rappeler de tout. II y avait aussi bien des triomphes que des défaites tout au long de sa non-vie.

Le voleur était tout prêt à présent Il avait pénétré dans le grand hall et se tenait devant le pas de la porte à plus d’une lieue, abasourdi par la taille de ce qu’il voyait. Nagash regarda son aura vaciller et vit le bleu de sa résolution prendre le dessus sur le jaune incandescent de la terreur. L’homme avançait, inconscient du fait que son destin était tout proche.

La mémoire: revenait à Nagash. Il se rappelait un autre réveil. Il se revoyait émergeant d’une terrible torpeur due à la drogue afin d’affronter son vieil ennemi Alcadizaar. Cela aurait dû être sa grande heure de gloire. Il venait tout juste de réussir à réanimer tout un royaume. Il commandait à la plus grande armée que le monde avait jamais vu. La puissance absolue était à portée de sa main griffue: Au lieu de cela, il se réveillait pour affronter une terrible épée qui lui déchirait les chairs et torturait son âme. Le triomphe s’était avéré éphémère comme tant d`autres rues choses vivantes. Il plia sa main métallique, se rappelant qu’elle avait été autrefois faite de chair et d’os. Parfois, il ressentait des élancements douloureux à l’endroit ou elle avait été tranchée, car les victimes de mutilations ont souvent l’impression de toujours souffrir de leur membre amputé.

Le cliquetis du métal sur la pierre résonna dans toute la pièce. Nagash se réjouissait de l’intrusion de la terreur dans l’esprit de l’homme. Il se demanda brièvement comment la créature avait pu échapper aux sentinelles de la tour. Il l’étudia de plus près et s’aperçut que l’intrus était entouré par champ de force complexe. Il possédait un sortilège à même de tromper la plupart de ses serviteurs. Ils ne pouvaient tout simplement pas le voir. L’humain dégaina une lame redoutable, selon les nonnes humaines. Mais comparée à celle du Grand Nécromancien ce n’était guère plus qu’un pitoyable jouet. Satisfait que l’humain ne porte rien qui puisse mettre son existence en péril, Nagash décida de le laisser vivre quelques instants encore. Après tout, qu’est-ce que cela pouvait changer à l’enchaînement des évènements.

Pendant de longues minutes, l’homme attendit, immobile, comme le lapin devant le serpent, convaincu que l’immobilité va lui sauver la vie. Nagash avait presque pitié de lui, si ce n’est que la pitié, comme toute autre émotion humaine n’était rien de plus qu’un vague souvenir depuis longtemps enfoui. Après plusieurs minutes, l’impatience trahit le voleur qui se remit à avancer. Avec précaution, lentement, il traversa la salle jusqu’au pied du trône de Nagash. 11 s’arrêta et, retenant son souffle, leva les yeux dans un mélange de terreur et de curiosité. Nagash se demanda quelques instants à quoi il pouvait bien ressembler aux yeux de l’homme. Ce n’était que simple curiosité. Il était depuis longtemps au-dessus de la vanité des hommes. Sa forme cadrait à ses buts, qui étaient d’inspirer la terreur et de vivre éternellement. En fin de compte c’était pour ça qu’il avait voulu apporter la non-vie dans le monde. Une fois que toutes les créatures vivantes seraient mortes, sa vie éternelle ne serait plus menacée et il serait à l’abri de la Grande Voleuse.

Lentement, marche après marche, l’intrus commença à gravir les degrés du trône. Sous chacun de ses pas se trouvait un crâne. Nagash pouvait à présent voir l’homme qui, bien qu’ayant toutes les peines du monde à contrôler sa peur, continuait d’avancer tant son avidité était immense.

A présent, le Voleur se tenait devant Nagash, contemplant la silhouette qui le surplombait d’au moins deux fois sa hauteur. Il s’arrêta à nouveau,comme étonné par sa propre témérité puis se hissa jusqu’au trône, tentant d’arracher un joyau d’une des griffes du Grand Nécromancien. Nagash ouvrit les yeux et regarda le visage de l’homme terrifié. Celui-ci hurla et tomba à la renverse, dévalant les escaliers. Le voleur était remarquablement agile et malgré la chute, ne s’était fait aucun mal. Il se remit sur ses pieds et dégaina fébrilement son épée.

Nagash ricana doucement. Le son qui sortait de sa gorge faisait penser à celui d’un serpent à sonnette.

“Sigmar me préserve,” murmura l’homme. C’était la dernière chose à dire. Des souvenirs amers affluèrent dans les pensées de Nagash. Les souvenirs de sa plus cruelle défaite, infligée par le soit-disant homme-dieu appelé Sigmar, au cours d’un combat qui lui avait coûté l’essentiel de son pouvoir et lui avait valu une autre longue et douloureuse période de résurrection. Nagash décida de ne pas épargner l’homme un instant de plus. Il tourna son regard ténébreux vers lui.

Des éclairs de pure Magie Noire jaillirent soudain des orbites du nécromancien et embrasèrent la silhouette pantelante qui se tenait devant lui. Lorsque les éclairs atteignirent l’homme, sa peau se noircit instantanément, se consuma et commença à se décomposer jusqu’à ce que la blancheur des os apparaisse. La pourriture se répandit rapidement et les sons que l’homme tentait désespérément d’émettre ne donnèrent que des gargouillis et des bulles dans la matière liquéfiée qui commençait à former une flaque sur le sol souillé. Bientôt il ne resta de l’homme que son squelette. Comme dans un ultime et dérisoire effort de volonté, ce dernier tint debout encore quelques instants, tel un pantin désarticulé, avant de s’écrouler et de se perdre au milieu des autres ossements.

L’espace d’un moment, le Grand Nécromancien se demanda s’il n’allait pas replonger dans ses rêveries, mais soudain lui vint la pensée qu’il avait somnolé trop longtemps. Il avait recouvré l’essentiel de son pouvoir et il lui restait encore mille choses a faire. Lentement, comme un vieil homme se levant de son lit de mort le Grand Nécromancien se leva de son trône. Accumulant de nouvelles forces à chaque pas qu’il faisait, il descendit lentement les marches de son trône et sortit de l’immense salle en broyant les os de ses victimes à chacun de ses pas.

Compilé par Kragor
Source : Livre d'armée Mort-vivants - GW 1997
Retranscrit en octobre 2007 pour Le Sanctum

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