Le duc rouge

Pour la première fois depuis un millier d’années, il pouvait enfin respirer l’air frais. Il rejeta sa tête en arrière et éclata d’un rire aux accents froids et sinistres, qui promettait la mort à quiconque l’entendait.

Il devait tout d’abord récupérer son domaine. Ensuite, la Gardienne de la Tour devrait payer pour sa forfaiture. Peut importait au Duc Rouge que la Gardienne Isabeau, qui l’avait défié naguère, soit morte depuis longtemps. Sa descendante lui suffirait pour assouvir sa vengeance. Ensuite…

“Halte, ” dit une voix de crécelle. “Tu dois m’obéir. Moi, Reynart, maître des sombres arts, te commande au nom de Nagash lui-même, heu… Seigneur Suprême des… heu… ” La voix s’éteignit lorsque le regard sombre du Duc Rouge se posa sur le personnage en grande robe qui se tenait devant lui. Puis, le duc recommença à rire, un rire qui ne disait rien de bon.

Ainsi donc, cet être ridicule était l’artisan de sa délivrance, Pathétique. Il fut à deux doigts de l’occire pour lui faire payer son incompétence, mais il se ravisa, il pourrait lui être utile. Le mortel semblait paralysé. “Maître des sombres arts, vraiment !”Il pourrait le démembrer os par os pour avoir été aussi présomptueux. Ou peut-être aurait-il l’honneur d’offrir au Duc Rouge son premier repas. Du sang. C’était vraiment tentant. Mais non, inutile de se précipiter A la place, il parla d’une voix inhumaine résonnant comme une tombe poussiéreuse. “Non, mortel. C’est toi qui va m’obéir. ”

Pendant des semaines, le Duc Rouge écuma les nuits, chassant tous ceux qui croisaient sa route et restaurant de leur sang ses forces d’autrefois. Guidé par l’ignoble Reynart, il tombait sur tous ceux qui étaient assez fous pour se promener la nuit et bientôt, les villageois furent trop effrayés pour quitter leurs demeures.

Mais pendant ses chasses, le regard fixe du Duc Rouge ne manquait rien. Il était sur ses terres, sur son domaine, et ce peuple à lui seul n’étancherait pas sa soif Il se rappelait ces heures de gloire lorsqu’il avait presque renversé le roi de Bretonnie. Ces jours seraient à nouveau et son royaume de sang renaîtrait lui aussi. Il serait alors le seul maître et règnerait tel un dieu-roi immortel, servi par des chevaliers morts vivants à la loyauté éternelle. Un jour, tous ceux qui avaient osé le défier seraient à ses pieds. Mais il devait pour l’instant satisfaire une soif qui le tenaillait depuis un millier d’années.

Plusieurs semaines passèrent, jusqu’à ce que le Duc Rouge sentit que ses forces étaient revenues. Sa vengeance ne pouvait plus attendre. Il retourna sur les ruines éparpillées de son ancien château et là, entre les murs renversés et aux heures les plus sombres de la nuit du solstice d’hiver, il entama le Grand Sortilège des Morts.

Par delà les années écoulées, enfouis dans des strates de terre décomposée, les morts entendirent la force de ses mots. Il les appelait, remémorant à ses chevaliers qu’il y avait une éternité de cela, ils avaient juré de le servir.

Un à un, ils arrivèrent et se placèrent à ses côtés. Les ossements de ses compagnons repoussèrent leurs pierres tombales, ramassèrent les armes qui avaient été ensevelies avec eux et marchèrent d’un pas chancelant pour se joindre à lui et grossir son armée. Nuit après nuit, les morts d Aquitanie marchaient vers les ruines du château, jusqu’à ce qu’une horde forte de plusieurs milliers de morts vivants soit sous les ordres de son maître. Il était maintenant prêt. Il n’allait pas laisser plus de temps au duc Gilon, cet usurpateur de son domaine. Il devait frapper sans prévenir et sans laisser aux mortels la chance de rassembler leurs forces.

Il allait attaquer en trois endroits à la fois et tomber par surprise sur ses ennemis dispersés. Les éléments les plus rapides de ses forces devraient raser la Tour de Sorcellerie, assouvissant sa vengeance en tuant la Gardienne. Son avant-garde chevaucherait devant le reste de son armée, détruisant les villages et s’emparant du pont qui enjambait le fleuve Morteseaux. Lui-même resterait avec le gros de ses troupes pour écraser toute armée que ces fous de bretonniens oseraient lever contre lui.

Cette fois, il serait sans pitié.

Compilé par Kragor
Source : Livret de campagne “le cercle de sang” - GW 1997
Retranscrit en juillet 2007 pour Le Sanctum

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