La bataille d'Osterwald

« Le soleil se lève sur les collines, votre seigneurie.” dit le jeune chevalier Reiksguard. “Nos chevaux son prêts.”

Otto Blucher leva les yeux de la carte du champ de bataille. Dehors la,fine fleur des guerriers impériaux attendait le début de la bataille. Combien d’entre eux seront morts ce soir ? Se demanda Blucher. Le terrible poids des responsabilités pesait lourdement sur ses épaules. Inconsciemment il se redressa, dos raide comme un piquet.

Durant toute la nuit, Blucher était resté assis à sa table, étudiant la carte à la lumière des bougies, alors que ses hommes dormaient profondément. Maintenant il était las mais ne laissait paraître aucun signe de fatigue sur son visage. Aujourd’hui plus que jamais, il ne montrerait aucune indécision, aucune faiblesse. Trop de choses dépendaient de l’issue de cette bataille. Si Blucher échouait, les gobelins seraient libres de ravager les provinces orientales de l’Empire et des milliers d’innocents périraient. Blucher se força à sourire devant le jeune chevalier.

“Un moment jeune homme, un moment. Les peaux vertes ont attendu toute la nuit pour mourir. Laissons leur quelques instants de répit.”

A travers les murs de soie fine de sa tente, Blucher pouvait entendre le hennissement des chevaux et le cliquetis des armes alors que les hommes se préparaient pour la mêlée. Il y avait cette curieuse et triste atmosphère qui précédait les grandes batailles. La mort planait au-dessus du campement et tous les hommes pouvaient sentir sa présence.

Par Sigmar, il espérait que le cartographe impérial avait fait son travail, sinon, il le tuerait de ses propres mains. De nombreuses vies pouvaient être perdues pour une simple erreur de transcription. De toutes façons il était trop tard pour se préoccuper de cela, en,fait il était trop tard pour se préoccuper de quoi que ce soit. Son plan était au point. Chaque homme connaissait son rôle dans la pièce qui allait se jouer. Blucher avait paré à toutes éventualités, sachant que ses troupes mèneraient à bien les tâches qui leur avaient été assignées. Maintenant il devait avoir confiance en lui et en son plan.

Blucher se leva et retira le gobelet qui retenait la carte. En un geste de défi, le vieux soldat avala la dernière gorgée de vin aigre. Il reposa si violemment le gobelet que la table vibra. Libérée du poids du gobelet, la carte s’était enroulée. Avec une désinvolture calculée, Blucher prit le parchemin et acheva de l’enrouler de ses larges mains. Le temps d’étudier les cartes était passé. La bataille était proche.

Blucher savait qu’il avait raison d’avoir confiance. Depuis vingt ans il avait participé à toutes les guerres impériales et n’avait jamais été vaincu. Mais il y a toujours une première fois se dit-il en lui-même. Trop de confiance en soi est aussi moi-tel qu’un coup d’épée. Il secoua la tête avec regret, il se rappelait son père prononçant cette phrase vingt ans plus tôt, alors qu’il avait le même âge que le jeune Reiksguard. Il ressentit un court instant la nostalgie d’un temps où tout était plus simple.

Il n’avait alors aucune de ces angoisses, il n’y avait que l’excitation des charges héroïques et des poursuites effrénées. Sa seule anxiété était alors que les chevaliers panthères se comportent plus glorieusement que son unité de la Reiksguard. Il n’avait pas à se préoccuper des tactiques et des rapports des espions. Il n’était pas nécessaire de prendre en compte toutes ces données ; son père n’avait jamais eu besoin de placer, dans ses lignes de bataille, un tank à vapeur, un chariot de guerre ou un canon à répétition.

Comme tous les membres de la vieille aristocratie militaire, Blucher n’avait qu’une confiance relative en ces machines mais il était assez bon soldat pour reconnaître leur utilité. Son devoir était de détruire les ennemis de son Empereur en utilisant tous les moyens mis à sa disposition et le devoir était la règle de vie d’Otto Blucher.

Le heaume sous le bras, Blucher sortit calmement de sa tente pour recevoir l’acclamation de son armée. Au loin, les gobelins saluèrent l’immense acclamation par des hurlements de défi. Blucher fit le signe du marteau sur sa poitrine de son poing ganté de cuir. Il murmura une dernière prière à son dieu puis monta une fois de plus en selle. Il brandit haut son marteau de guerre et donna le signal de marche. L’heure du sang et du fer était proche.

Péniblement, Blucher nettoya le sang vert qui avait éclaboussé son armure et remercia Sigmar pour cette victoire. Devant lui s’étalaient les corps d’Azhag le Massacreur et de sa wyvern. Le grand lézard était aussi terrifiant mort que vivant et il y avait quelque chose de pathétique dans la façon dont il était allongé près de son maître. Blucher se rappela du grand chien qu’il avait étant petit. Ce chien aurait donné sa vie pour le protéger, il en était certain. Blucher n’était pas surpris. L’orque avait été un puissant ennemi et il ne doutait pas de la loyauté qu’ Azhag avait inspiré à ses serviteurs. Les amas de corps autour de lui étaient une preuve suffisante.

Alors que Blucher regardait le champ de bataille, les hallebardiers déprimés continuaient à empiler les cadavres sur des bûchers mortuaires. D’âcres nuages de.fumée s’élevaient des autres bûchers du champ de bataille. Tous les hallebardiers évitaient son regard. Blucher ne les blâmait pas mais il ne pourrait pas leur pardonner ; il n’y avait aucune honte à être effrayé, la honte était de se laisser contrôler par sa peur. Blucher était le premier à admettre qu’il avait lui-même connu des moments de terreur, mais lui n’avait pas fui comme un lapin !

Les images de l’âpre combat revenaient à l’esprit de Blucher. Son plan avait échoué, mis en échec par l’incroyable taille de la horde des gobelins et par la terrible puissance des dieux orques. Leur présence avait maintenant disparu mais il y avait eu un moment où il aurait juré avoir vu leurs immenses formes planer au-dessus du champ de bataille, géants verts émergeant des ténèbres sanglantes de la bataille. Le souvenir de cette gigantesque main, transportant au combat un flot de diables hurlants à la peau verte, le hanterait jusqu’à la fin de ses jours.

Le sorcier améthyste Wolfgang Greiss arrivait, chevauchant sa monture. Son visage était pâle et hagard. Il semblait avoir vieilli de dix ans en un seul jour. Blucher ne pouvait s’empêcher d’avoir de la sympathie pour cet homme, tout sorcier qu’il était. Greiss avait été un roc durant toute la journée, utilisant son corps comme le catalyseur d’énergies qui auraient tué ou rendu fou un autre homme que lui. Il pouvait lire sur son visage le prix que cela lui avait coûté .

“Voila la source de cette horreur.” dit Greiss, montrant la grande couronne runique qui reposait sur le front d Azhag.” “Mieux vaut la détruire maintenant” dit doucement Blucher. Le froid éclat de la couronne avait un pouvoir hypnotique et il ressentait l’irrésistible envie de la prendre comme trophée.

“De telle chose ne peuvent être détruite, juste neutralisées. Nous nous en occuperons avec le théogoniste.”

“Je vous fais confiance”, dit Blucher, menant doucement sa monture loin du cadavre du seigneur orque. “Je vous fais confiance”.

Déjà, les chevaliers commençaient à bavarder et plaisanter sur leur victoire. Ils acclamèrent Blucher qui eut un sourire,forcé en recevant cette ovation. La fatigue pesait lourdement sur ses épaules et la vue du corps dAzhag lui rappelait le destin inexorable des conquérants et de tous les hommes!

Compilé par Kragor
Source : White Dwarf n°3 avril / mai 1993
Retranscrit en septembre 2007 pour Le Sanctum

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