Le Sanctum

Je suis persuadé que tous ceux qui pratiquent le jeu de rôles ont à un moment donné essayé d’imaginer les caractéristiques de leurs personnages dans leur jeu préféré.

Par exemple, pour mon roman Conflux, il n’y a pas si longtemps, j’ai tenté de créer la fiche de personnage de l’agent Dopple pour le jeu Mega III.

Bon, c’était pour le fun, après avoir achevé le roman et je ne vais pas en faire grand chose (sauf peut être conserver une idée de background qui m’est venue à ce moment là).

De toute façon, n’importe quel site d’écriture vous le dira : créer ses personnages de roman à partir d’un jeu de rôle est un exercice hautement périlleux. On en vient à créer des stéréotypes sans âmes (guerrier niveau 1 : pas folichon) ou à dénaturer l’originalité de son histoire en y incluant des éléments d’un autre monde déjà existant.

Cependant, la nouvelle vague d’auteur propose des jeux qui n’ont plus grand chose à voir avec les sempiternels Donjons et Dragons et autres Appels de Cthulhu. Dans ces jeux, dits indépendants, il est moins question de jeu que de narration. Maître du jeu (quand il y en a) et joueurs sont mobilisés autour d’un objectif commun : construire une histoire.

Cordes sensibles

Dans la multitude de ces jeux, l’un d’eux a retenu mon attention : Il s’agit du jeu « Cordes Sensibles » de Frédéric et Magali Sintès.

Le jeu peut être téléchargé ici : Les cordes sensibles

En voici le « contrat social », tel qu’exposé en première page du livre :

Les Cordes Sensibles vous propose d’explorer la psyché humaine, le sens des actes de chacun, d’une façon proche des films, romans et autres fictions qui explorent l’humain dans sa complexité.

Attendez-vous à sortir de votre zone de confort : vous pourriez appréhender vos séances de manière purement divertissante, en caressant les participants dans le sens du poil et en ne prenant pas de risque. Si c’est ce que vous désirez, passez votre chemin, ici vous allez vous exposer, vous dévoiler ; toutes les émotions font partie du drame.

Il ne s’agit pas de gagner ou de perdre, mais de vivre ensemble une histoire riche en émotions ; ce sont les questions morales qui seront au cœur de vos parties. Tout le monde gagne en vivant un grand moment.

N’est-on pas en train de sérieusement dériver de la thématique du Sanctum et de l’écriture de fictions fantastiques ?

Et bien, non, justement ! Je faisais remarquer lors des mes commentaires du challenge 41 que les textes des scribes avaient une grande qualité en terme de scénario et d’univers, mais que certains textes présentaient des personnages trop fades. Pas de problèmes existentiels, de doutes, de complexes, de cicatrices enfouies…

Précisément, Les Cordes sensibles ne se focalise que sur la psychologie des personnages.

Le principe est simple : Le personnage est définit par un Problème (ex : ma fiancée est sur le point d’accepter un boulot au Japon). On associe à ce problème, un Enjeu (ex : trouver une solution pour rester ensemble). Tout serait trop simple s’il n’y avait pas un Obstacle (ex : je suis mortellement allergique au soja).

La description du personnage se poursuit en lui donnant des Traits. Mais ici, pas de caractéristiques de force. Il s’agit de définir :

• Les deux croyances fondamentales de son personnage :
  • La première concerne l’idée qu’il se fait de lui-même (ex : personne ne m’apprécie à ma juste valeur)
  • La seconde celle qu’il se fait des autres en général, ou d’un groupe en particulier (ex : Les gens sont prêts à tout sacrifier pour réussir).
• Les liens du personnage avec au moins au autre joueur :
  • Êtes-vous un soutien pour lui ?
  • Son Problème vous affecte-t-il ?
  • Êtes-vous responsable, ne serait-ce qu’en partie, de son Problème ?
  • Cherchez-vous à tirer parti de ce Problème ?

Avec ces quelques étapes, le personnage est fin prêt.

Selon moi, cette méthode à la fois simple et très riche de possibilités offre un moyen d’enrichir considérablement les personnages de nos histoires.

On peut lui reprocher son côté noir : à la lecture du pdf du jeu, il ne m’est venu que des tragédies diverses. Heureusement, tout ceci reste de la fiction, et les auteurs sont libres de torturer leurs personnages.

 Mise en application

Faisons l’exercice sur le personnage de Jaonas, de ma nouvelle du challenge 41.

Le pitch pour mémoire : depuis près d’un siècle, les derniers humains sont confinés dans un dôme par une race d’extra terrestre à l’origine de la destruction de la terre. Jaonas est un jeune homme fougueux d’une vingtaine d’années.

Jaonas :

• Problème : il craint de ne pas s’accomplir à force de tourner en rond dans le dôme
• Enjeux : il veut réaliser une action d’éclat
• Obstacle : il ne peut compter sur personne, puisque tous semblent s’être résignés à leur sort.
• Croyance :
  • Lui : Il a un destin, il est voué à faire de grandes choses.
  • Les autres : personne ne mérite la compassion, pas même moi

Avec ce moyen, j’aurai pu dans mon histoire ajouter du cachet au personnage de Jaonas, en lui donnant un caractère irascible. Dans le dôme où il tourne en rond à planter des légumes, il provoquerait perpétuellement les autres humains, dont l’apathie ne lui inspire que du mépris. Une remarque bien sentie de Lotar, le vieux chef du village, pourrait le remettre à sa place et lui rappeler qu’on peut avoir un destin sans pour autant prendre de haut ses congénères.

Et vous, que pensez vous du jeu de rôle comme moyen de créer un personnage ? On en parle sur les forums.