Challenge n°16 – Texte n°7

Léviathan

« Les étoiles. J’ai toujours été fascinée par ces petites étincelles dans me ciel.
-moi aussi, qui sait un jour peut être connaîtrons nous leur secret et le nom de chacune d’entre elles…
-oui, nous irons dans le ciel, comme papa le faisait! »

Ces propos chargés de naïveté étaient ceux de deux enfants, un frère et une soeur qui, captivés par le spectacle qui s’offrait à eux se rêvaient un avenir parmi ces astres flamboyants.

Le ciel, parfaitement dégagé laissait les deux lunes de leur monde, Erodus Prime, baigner de leur pâle lueur ce paisible paysage ; un petit groupement d’habitations, au côté duquel se dressait une éminence de terre, là même où se trouvaient les bambins. Vierge des cicatrices que les guerres du 41ème millénaire avaient laissé sur tant de planètes, ce monde semblait demeurer un havre de tranquillité, isolé des conflits meurtriers qui secouaient l’univers….

Une larme qu’elle ne pouvait retenir roula le long de sa joue. Elle brilla quelques instants, éclairée par la flamme vacillante d’une bougie avant de s’écraser sur le rebord de la fenêtre.
Ces enfants qu’elle chérissait tant, devraient ils donc fatalement suivre un jour le chemin qu’avait emprunté leur père?
Un héros de l’Imperium… comment à ces mots ne pas réprimer un rire sarcastique?
Veuve depuis maintenant plus de dix ans, elle n’était pas dupe et savait qu’il n’était qu’un parmi tant d’autres, partis rejoindre les Forces de Défense Planétaires ou les rangs de la Garde Impériale et jamais revenus. Elle avait toujours tout fait pour éloigner sa progéniture de tout cela, pour préserver leur innocence et leur naïveté, si chères a ses yeux au vu de l’avenir sombre qui leur était destiné.

En haut de la colline, la conversation reprit:

« -maman voudra jamais, elle dit que c’est pas bien, et qu’il pourrait nous arriver du mal.
-c’est pas ça qui m’arrêtera! Je te promet qu’on ira un jour, toi et moi, et on suivra les traces de papa… ».

Interrompant les perspectives rêveuses de son rejeton par un tonitruant « c’est l’heure! », leur mère les rappela à l’ordre. Une comète se détacha de la voûte céleste; a sa vue, le petit garçon ne pût réprimer un superstitieux « fais un voeu petite soeur! ».
S’empressant de satisfaire à sa demande, elle ferma les yeux, rêvant certainement à un avenir loin de sa planète natale.
Puis il prirent le chemin qui menait à leur habitation, oubliant leurs rêves pour revenir a leur existence quotidienne, certes beaucoup moins exaltante.
Levant les yeux au ciel, ils auraient pu apercevoir ce qui ressemblait à un météore tomber vers leur planète, puis un second, et un troisième, bientôt rejointes par une multitude d’autres…

Ignorants de la terrible menace qui pesait sur eux, ils s’attelèrent à leur prière quotidienne psalmodiant tour à tour des écrits de Sébastian Thor, particulièrement prisés dans leur communauté. Leur mère approuvait peu ces pratiques mais s’y pliait volontiers, consciente que le moindre écart la rendait passible de mort, dans une société pieuse comme celle d’Erodus Prime.

Elle avait cessé de croire en tous ces rites le jour où elle avait appris la mort de son mari, dont elle savait seulement qu’il était parti « en héros », deux ans après son recrutement.
Ne lui restait plus que deux enfants à élever et la « reconnaissance » impériale. Toute joie de vivre l’avait alors quittée, seulement motivée par la volonté de faire de ses enfants des citoyens heureux mais conscients, et non influencés par la propagande du gouvernement planétaire.
8 ans après, elle venait de réaliser qu’elle avait échouée, et que l’Imperium lui avait volé ce qui lui restait. Ses propres enfants voulaient suivre la voie de leur père, et pensait-elle, rien ne pourrait être fait pour les en empêcher…

« un météore frappa le proche monticule, libérant une cascade de fluide visqueux ; une forme indistincte s’en extirpa, plusieurs paires d’yeux répandant leur lueur jaunâtre sur une face insectoïde. La chose déplia quatre longs bras effilés comme des épées, et développa une formidable carcasse, taillée pour le combat. Elle prit ensuite le chemin du village proche, dont les habitants ne se doutaient de rien… »

« -La suite! s’écrièrent en coeur les deux chérubins, impatients de connaître le dénouement d’une histoire entendue cent fois.
-Demain, mes chéris, c’est l’heure de se coucher maintenant », répondit affectueusement la conteuse.

Elle souffla alors la bougie, laissant les ténèbres envahir la chambre. Un léger courant d’air frais balaya prestement le filet de fumée, et elle ferma la porte sans bruit.
Loin de se douter a quel point le conte semblait prémonitoire, elle partit dans sa chambre, trop fatiguée pour apercevoir l’inhabituel mouvement qui balayait le ciel sombre.

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