Challenge n°17 – Texte n°3

Daredevil

La montagne nous faisait face, impressionnante et moqueuse elle semblait nous défier.
Tous les atouts étaient de son coté : le froid, le vent et la neige.
La température qui oscillait autour de zéro degrés dans la plaine n’était pas de bon augure. Elle nous laissait présager un froid extrême sur les hauteurs mais après cinq jours de mauvais temps, nous ne pouvions plus reculer notre départ. L’actuelle accalmie était notre dernière chance de nous lancer à l’assaut de cette masse rocheuse blanchie par l’épaisse couche de neige tombée ces derniers jours. Cette masse molle et instable allait rendre notre périple encore plus périlleux qu’il ne l’était. De plus, notre ascension allait forcément être ralentie et de ce fait, un départ aux aurores s’imposait.

Après un réveil rapide dicté par les bips de nos montres, nous nous levons tous en silence. Après une collation rapide, nous enfilons nos tenues et harnachons notre paquetage. Notre cortège se mettait en route dans le crépuscule vers l’immense masse discernable dans l’horizon bleu nuit.
Nous hâtions le pas sur ce faux plat nous amenant au pied de la paroi sud car le temps prévu pour la gravir allait être quasiment doublé. L’approche ne devait pas prendre plus d’une heure pour nous laisser l’espoir d’atteindre la cime. Cette impératif était dans toutes les têtes et le rythme ne marche ne baissait pas.

Au bout de cinquante deux minutes nous attendions le bas des pentes.
Je lançais un « C’est parti ! » énergique.
La réaction de mes camarades ne se faisait pas attendre. Raquettes, piolets, cordes et autres ustensiles nécessaires étaient extraits des paquetages sans un mot. Tous encordés les uns aux autres, nous avancions sur premiers les sentiers abrupts et sinueux cheminant au travers des blocs de glace. Le vent nous gratifiait de morceaux de glace arrachés des amas de neige bordant notre route par les bourrasques et projetés sur nos jambes endolories par le froid.

Après deux heures de marche, un premier arrêt était observé pour se restaurer.
La nudité du décor donnait à la montagne toute sa majesté.
La désertification du paysage donnait toute sa force au vent polaire chargé de cristaux cinglant les quelques parties apparentes de nos corps.

Les visages violacés s’enfonçaient dans les capuches et disparaissaient derrières les cagoules pour reprendre notre marche silencieuse. Le poids de nos sacs à dos commençait à faire son effet dans l’épaisse couche neigeuse créée par ces derniers jours de tempête et les raquettes ne suffisaient plus.
Elles ne seraient bientôt plus utiles car le dernier obstacle commençait à être visible : un aplomb rocheux d’une centaine de mètre.

Je regardais ma montre pour me rassurer. Nous étions dans les temps.

Arrivés au pied de la paroi, les raquettes cédaient leurs places aux semelles équipées de pointes acérées permettant d’accrocher au relief gelé. Un de nos compagnons sujet au vertige restait au pied de la falaise avec nos sacs pour faciliter notre montée.
Le spécialiste de l’escalade prenait place en tête de file. Il avait toute notre confiance et sans lui cette sortie n’avait pas lieu d’exister.
Alourdi par les pitons, mousquetons et autres coinceurs pendant autour de sa taille, il grimpait lentement et surement les premiers mètres. Nos doigts tétanisés par le froid avaient du mal à assurer les prises sur les roches acérées et gelées. Chaque mètre gravit faisait augmenter notre taux d’adrénaline, nous donnant la force nécessaire pour rester accrocher à cette falaise. Jamais notre camarade premier de cordée n’avait posé autant de pitons. Notre sécurité passait avant tout et nous étions d’accord avec cette démarche.
Le plateau était atteint après deux heures d’efforts.
Une deuxième pause nous permettait de reprendre des forces grâce aux rations tirées de nos sacs, arrivés sans encombre sur le plateau.
Après cette halte bénéfique, nous entamions la dernière partie de notre parcours : une crête menant au sommet.
De nouveau encordés, nous avancions prudemment, arque boutés pour résister aux rafales chargées de flocons enflammant nos yeux et réduisant la vue à quelques mètres.
Plus que quelques pas et nous y sommes.

Enfin le sommet !

A l’abri d’une crête en léger contrebas, positionnés sur une bâche, nous défaisons notre paquetage et commençons à remonter minutieusement notre matériel en prenant soin de ne pas perdre la moindre petite pièce dans la poudreuse sous peine de voir tout nos efforts réduits à néant.
Le responsable technique de l’expédition effectue une dernière vérification, une bonne tape sur l’épaule donner par ce dernier pour dire que tout est OK et nous sommes prêts.

Cote à cote, nous observons la pente vertigineuse se présentant à nos pieds et conduisant au pied du versant sud de ce mont.
Quelques secondes encore et un « PRET ! » signifiant le départ imminent.

Enfourchant nos montures, nous attendons le signal.

« GO !»

Nous nous élançons un à un dans la pente enneigée.

Notre expédition était une réussite !

La première descente en VTT du Mont Erebus sans assistance mécanique venait d’être réalisée.

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