Challenge n°17 – Texte n°2

Baal-Moloch

La montagne nous faisait face, impressionnante et moqueuse elle semblait nous défier. Et je n’en menais pas large. Je ne suis pourtant pas du genre froussard, ça non ! Mais force m’est d’avouer que ce périple relevait plus de la folie que du courage, aussi vrai que je me nomme Torin Briseroche.

Tout était de la faute de Kanter Kronenbrau. Il avait réussi à me convaincre, à grands coups de chopines, de l’accompagner jusqu’à la Passe de Grungni où une vingtaine de nains assuraient une surveillance de tous les instants contre la moindre incursion de ses satanées peaux-vertes. Les pauvres bougres allaient bientôt être à court de poudre noire et il était impératif de les réapprovisionner au plus vite.

L’endroit était à mi-chemin entre Zhufbar et la forteresse de Karak Varn, quasiment inaccessible. Aussi, l’idée d’escorter un poney tirant laborieusement une charrue contenant six gros tonneaux ne m’enchantait guère. Mais avais-je le choix ? J’étais redevable envers Kanter et, par ma barbe, je ne souhaitais pas qu’il m’inscrive dans son propre livre des rancunes.

Nous étions donc partis dès l’aube et il nous fallut d’abord remonter une piste cahoteuse et zigzagante pour accéder au Lac Noir. Tantôt nous tirions sur les mors du poney, tantôt nous poussâmes la lourde chariote. Et tout ceci dans le vacarme assourdissant de la cataracte qui se déversait à gros bouillons dans le gouffre en contrebas. L’atmosphère était noyée de vapeur d’eau et je n’avais plus un poil de sec lorsque nous atteignîmes enfin les rives du lac.

Après une pause bien méritée faîte de pain noir, de fromage de chèvre et d’une bonne pipe, nous repartîmes de plus bel, empruntant un sentier escarpé où personne ne passait jamais. Kronenbrau était persuadé qu’il s’agissait là d’un raccourci plus pratique que la route principale, évitant ainsi les impressionnants convois miniers en provenance de Karak Varn qui n’auraient fait que nous ralentir.

Par Grimnir, quel raccourci ! Nous tombâmes en premier lieu nez à nez avec un dent-de-sabre chafouin qui n’appréciait guère notre présence sur son territoire de chasse. Ce félin avait des crocs aussi longs et aiguisés que des dagues, sans parler de ses griffes. Nous en vînmes finalement à bout, mais le gros chat me laissa une belle estafilade sur le torse en guise de souvenir. J’ai encore sa peau chez moi, elle me sert de dessus de lit.

Un peu tard, l’essieu de la charrue se brisa net. Nous perdîmes une bonne heure à réparer les dégâts, puis à récupérer le poney qui avait profité de l’occasion pour improviser une promenade. Une ruade de l’animal mécontent faillit d’ailleurs précipiter dans le vide Kanter que je rattrapais juste à temps par la peau du cou.

Enfin, une petite bande d’orques en maraude nous tendit un grossier guet-apens en barrant la route de rondins de bois. Heureusement, le passage était tellement étroit que nous parvînmes à les contenir à nous deux et les mettre finalement en déroute. Ma fidèle hache était toute dégoulinante du sang de ces idiots. Nous nous en étions bien sortis, bien que mon ami s’était tout de même fait croquer l’index gauche durant l’empoignade.

C’est en nage et extenués que nous atteignîmes le camp sous les acclamations. “Hardi les gars ! Nous sommes sauvés !”

Kronenbrau eut l’honneur de percer le premier fût et il me versa une bonne rasade de poudre noire. Ah la poudre noire ! La meilleure bière des maîtres-brasseurs de Zhufbar…

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