Challenge n°19 – Texte n°2

Son of Khaine

Où pouvait-il bien se trouver ? Des bruits hachés et des couleurs confuses lui parvenaient, sans qu’il ne puisse les identifier de quelque manière que ce soit. Sa vision chaotique s’assombrit encore, comme si un voile noir l’avait enlacée. Son ouïe rejoignit sa vue et son esprit dans le néant de l’inconscience.

Il reprit vaguement connaissance. Sa vue était brouillée, il n’arrivait toujours pas à savoir où il était. Une silhouette floue déambulait dans la pièce. Il referma les yeux. Les bruits de pas eux-mêmes étaient distordus. Il tourna la tête et regarda à nouveau. Une seconde personne se trouvait là. Il plissa les yeux afin d’essayer de la distinguer. Elle portait de longs cheveux noirs, qui descendaient jusqu’au hanches avant de se mêler avec ses habits sombres. Ses avant-bras nus étaient délicatement bronzés, ornés de tatouages d’un rose vif. Le captif tenta de les observer avant de sombrer à nouveau.

« Triomphe cramoisi… Sont les lèvres de sang rougies… »

Ces mots le tirèrent des brumes qui l’enveloppaient. Il rouvrit les yeux et les tourna vers la jeune femme. Il se souvenait vaguement l’avoir déjà vue, mais ne pouvait se souvenir où. Il ne pouvait se souvenir de rien. Il avait sans douté été drogué.

« … Délectable chagrin… Est l’âme du mortel qui s’éteint… »

La femme était en train de psalmodier de sa voix sensuelle. Il était sous le charme de ses intonations virevoltantes. Ou peut-être de sa grâce divine. Les produits qu’on lui avait administrés n’y étaient certainement pas pour rien non plus.

« … Danse des lames, envoûtante et exquise… »

Un jeune homme s’était approché d’Elle. Il portait des vêtements de cuir sombre et de nombreuses cicatrices, certaines encore fraîches. Son crâne chauve était tatoué sur toute sa surface, de la même encre colorée que celle qui avait servi pour les décorations corporelles de la femme. Son regard était effrayant, semblable à une meurtrière ouvrant sur le donjon où étaient emprisonnés tous les noirs secrets de l’âme humaine. Il frissonna et reporta son attention sur Elle. Il discerna un éclat métallique provenant de ses mains. Elle avait rejeté sa tête en arrière, découvrant sa gorge.

« … Douleur n’est que partie remise… »

Elle avait encore retroussé ses manches courtes, laissant voir des sillons qui remontaient jusqu’à ses épaules nues. La pointe de la dague glissait lentement, presque langoureusement, le long de sa peau bronzée, tout en évitant les symboles étranges qui étaient gravés dans sa chair. Il lui sembla que les motifs roses se tordaient et ondoyaient doucement à l’approche de la lame et au contact du sang, mais ce n’était sans doute qu’une illusion, due aux drogues qu’on lui avait administrées. Le liquide carmin coulait lentement entre ses doigts fins.

« … Héraut hurlant qui proclame… »

Il s’arracha à cette sinistre contemplation. Il lui semblait se souvenir qu’il avait une femme. Non, il en avait eu une. Ils s’étaient séparés. Il ne parvenait pas à se souvenir de son nom ou même de son visage. Cela n’avait pas réellement d’importance. Il La regardait, et rien d’autre n’avait d’importance.

« … L’ultime et éternelle victoire… »

Il se rendit soudain compte qu’il allait mourir ici. Quelle que soit la longueur du rituel entrepris, il n’avait certainement pas été emmené et drogué pour rien. Il tenta de se relever, et se rendit compte qu’il avait été solidement attaché à la table sur laquelle il se trouvait. Aucun espoir n’était possible. Il était célibataire et sans emploi. Nul ne s’inquièterait avant sa prochaine convocation à l’ANPE, pour lui proposer un quelconque intérim qui ne lui ferait guère gagner plus que ses allocations au chômage s’il avait été en état de l’accepter. Il aurait bien aimé pouvoir la décliner et remplir la case « Motif de refuse » d’un ironique « Décès prématuré ». Même si la police réussissait à retrouver ses assassins, cela ne lui serait d’aucune utilité. Et encore fallait-il qu’ils les retrouvent, car il n’y avait que dans les séries que les enquêteurs élucidaient toujours tous les mystères.

« … Dans Son étreinte, laisse-toi choir… »

Oui, que dans les séries américaines devant lesquelles il avait pu s’abrutir, avachi sur son canapé, enfermé plus de la moitié de la journée dans son deux-pièces miteux. Sans rien avoir à faire d’autre que de regarder ses maudites séries. Ces séries où se pavanaient les actrices toutes plus idiotes les unes que les autres… Aucune n’était aussi belle que la détentrice ce ces longs ongles noirs entre lesquels dégoulinaient le sang avant de s’écraser au sol dans un bruit presque imperceptible.

« … Car il est notre Sombre Amour… »

La dague à la poignée d’argent était presque en haut de Son autre bras. Il reporta son regard sur Son visage ambré. Il distinguait à présent parfaitement Ses traits divins, le sourire d’extase qui s’imprimait sur Ses lèvres roses, et Ses yeux sombres. La pupille, dilatée à l’extrême, occupait quasiment tout l’oeil. Son regard l’hypnotisait, l’emmenait lentement vers les terres inconnues où se trouvait sa tombe. Car il allait périr. Alors, puisqu’il avait la chance d’être condamné, lutter était inutile. Il n’avait plus qu’à se délecter de Sa beauté inimaginable, en attendant qu’elle décide d’en finir avec lui et sa misérable existence.

« … Notre Seigneur Noir. »

Le second homme était revenu. Il portait une seringue, qui contenait sans doute sa seconde dose de drogues. Le captif en profita pour regarder une dernière fois la pièce. Il s’agissait d’une cave quelconque, semblable à tant d’autres. Ses murs gris étaient éclairés par une unique ampoule, appuyée par la lueur de nombreuses bougies, disposées sur des tabourets, loin des quelques tentures violettes aux motifs noirs. La pointe s’était fichée dans une veine de son bras. Le liquide se répandait dans son système sanguin. D’ici moins d’une minute, il allait de nouveau perdre connaissance. Il cessa de regarder le sinistre individu pour reporter son attention sur Elle, qui s’approchait lentement de lui. Ses lèvres fines se rapprochèrent délicatement de son oreille. Ses yeux, rivés sur Sa poitrine, se fermèrent, tandis que sa vision se brouillait.

« Il est Slaanesh… »

Son ouïe rejoignit sa vue et son esprit dans le néant de l’inconscience.

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