Challenge d’écriture n°35 – Texte n°3

Adeline

Les Zombies

D’après une histoire vraie.

Ce vendredi d’automne, il fait doux, la nuit tombe sur une petite ville, et les zombies déambulent dans la rue. Les sorcières, les monstres et les vampires aussi. C’est Halloween et tout le monde joue à se faire peur en mangeant des sucreries.

Une fille et son père ne sont pas en train de faire la fête. Chercheurs tous les deux, enfermés dans leur labo depuis des heures, ils sont sur le point de faire une découverte capitale. Cette expérience inédite devrait leur permettre de révolutionner la science. Ce soir, ils vont tester leur nouvelle molécule, c’est la dernière ligne droite. En tenue de protection, ils positionnent leurs masques et ajustent leurs gants en silence. Ils ont répétés tous les gestes des centaines de fois et savent exactement ce qu’ils ont à faire.

Dans une pièce hermétiquement fermée, ils positionnent une petite boite cylindrique au centre d’une table, devant un accélérateur de particules.

Le père s’exprime d’une voix éraillée :

– Nous allons enfin savoir si cette expérience est viable. Nous serons alors les plus grands scientifiques du monde. Mais je veux que le fruit de notre travail te revienne entièrement. Je suis à la fin de ma vie, et toi, tu n’es pas à la moitié de la tienne. Notre nom de famille restera gravé dans l’histoire, et c’est tout ce qui m’importe. C’est toi qui déposeras le brevet.

Ils abaissent le levier ensemble, ce qui les rendra effectivement célèbres…

La réaction attendue ne se produit pas. Ils ne distinguent aucun changement dans la pièce stérile dont ils sont sortis. Ils se tournent alors l’un vers l’autre. Dans le regard de la jeune femme, l’incrédulité fait place à la colère.

– Je le savais ! S’exclame-t-elle. Tu as tout fait rater, tu es diminué, jamais je n’aurais dû te faire confiance !

Le père se prend la tête entre les mains. Il reste prostré un moment, puis se redresse, l’œil mauvais.

– Comment oses-tu, fille indigne ? Je te cède tous les bénéfices de notre invention, et tu m’accuses d’être trop gâteux pour mener à bien l’expérience ? C’est toi, j’en suis sûr, tu l’as fais exprès, tu as saboté l’échantillon, tu voulais attendre ma mort, avoue-le !

– Et alors ? Je sais pertinemment que tu m’as fait cette proposition pour enfin soulager ta conscience, pour m’acheter !

– Je t’en prie, de quoi parles-tu ?

– Papa, tu as toujours été un sale pédophile, tu m’as touchée quand j’étais petite et je suis parfaitement au courant, je m’en souviens. Rien ne pourra jamais te faire pardonner !

– Parce que tu crois que j’ai le moindre regret ?

– Si maman était encore en vie, tu…

– … C’est moi qui ai tué ta mère ! Elle avait tout découvert et je l’ai tuée, je l’ai tuée, tu entends !

Alors la fille se jette sur son père pour essayer de l’étrangler.

Au-dessus d’eux, un nuage invisible se répand petit à petit, traversant tous les obstacles, et touche un petit diablotin qui passait à ce moment là près de la maison des scientifiques.

Dehors, les jeux innocents d’Halloween prennent une tournure un peu étrange. Un vampire s’en prend à une sorcière et le petit diablotin attaque un Frankenstein.

Voilà comment tout a commencé, ce soir d’halloween.

Moi, pendant ce temps, je m’étais enfermée dans les toilettes. J’ai entendu des cris et des coups dans l’appartement. Au bout d’un moment, le silence est revenu, mais je n’ai pas osé sortir avant plusieurs heures. Quand j’ai fini par ouvrir la porte, je n’ai vu que du rouge. Les corps de ma famille gisaient dans le salon, tous les objets et les meubles étaient renversés et cassés. Mon chat était « éparpillé » un peu partout… J’ai eu honte parce que j’ai vomi et que je suis partie sans nettoyer.

Je me suis réfugiée dans la cave de l’immeuble.

Je distingue à peine la rue par le soupirail. Aucune voiture ne passe, j’entends des hurlements horribles et je vois des jambes qui passent en courant devant ma cachette. J’ai de la nourriture avec moi, que j’ai prise dans un appartement du deuxième étage dont la porte était ouverte. Il était vide, contrairement au premier que j’avais visité, où un homme avait l’air de s’être auto-poignardé. Il devait être seul au moment de… Sa crise, et n’a pu reporter sa haine sur autre chose que lui-même.

Au bout de quelques jours, tout est redevenu calme. Presque plus personne ne marchait dans la rue, et les rares passants trainaient des pieds. Je me suis décidée à quitter mon refuge parce que je n’avais plus rien à manger et que je sentais mauvais. Je suis retournée là où j’avais trouvé la nourriture et j’ai pris une très longue douche dans la salle de bain. L’électricité marchait encore, je me demande bien qui payerait la facture maintenant !

En fin d’après-midi, je sors dans la rue, et je me rends compte un peu trop tard que je n’ai pas pensé à prendre une arme quelconque pour me protéger. Une silhouette surgit de derrière une benne à ordure et semble m’observer. Je distingue des dizaines de cadavres qui traînent un peu partout par terre…

Le garçon, immobile jusqu’à présent, avance maintenant vers moi en me criant dessus. Il m’insulte en agitant une écharpe verte. Je ne comprends pas ce qu’il me veut, pourquoi il fait ça, et les larmes me montent aux yeux. Il arrive en face de moi, tout près. Je peux presque compter les quelques poils qui se baladent sur son menton.

– Je suis désolé mais il fallait que je sois sûr que tu n’es pas un zombie toi aussi… Tu comprends ?

J’acquiesce en hochant la tête. Il me demande de le suivre et on va se réfugier dans une maison toute blanche. Il y a d’autres personnes, dont un homme bedonnant d’une cinquantaine d’années qui m’explique la situation.

– Il s’est passé quelque chose de grave, tu le sais. Les gens sont devenus très agressifs tout à coup et se sont entretués. On dirait une maladie, un virus qui évolue. Au bout de quelques jours de contamination, les survivants deviennent des zombies, ils sont lents et attirés par la couleur verte. Nous, on essaie de survivre et de nous organiser. Mais on doit être très prudents… La maladie peut nous atteindre.

Je compris que je ne devais pas m’énerver, hausser le ton ou piquer une crise de nerf, sous peine de me faire soupçonner de contamination.

La vie s’organisa dans cette grande maison moderne, je faisais tout ce que je pouvais pour m’intégrer et rendre service. Mais la surveillance permanente dont nous faisions tous l’objet était éprouvante. Tout le monde faisait attention à ce qu’il disait, et les rapports étaient rarement amicaux. On sortait de temps en temps pour chercher de la nourriture, toujours muni d’une arme en cas d’attaque de zombies. Mais généralement, ils nous laissaient tranquilles. La plupart du temps, ils étaient simplement regroupés sur les pelouses et près de tout ce qui était vert.

On avait peint un grand cercle vert au centre de l’entrée. Si l’un de nous y était attiré, il serait immédiatement isolé dans une pièce aveugle fermée de l’extérieur… Avec un grand couteau à portée de main.

Le pire arriva le jour où j’ai découvert un gros pot de guacamole. J’ai toujours adoré ça, alors je l’ai rapporté à la maison pour en parler avec les autres et essayer d’avoir leur autorisation d’en prendre ne serais-ce qu’une petite bouchée.

– Les zombies ont sûrement mangé toutes les réserves de guacamole ! Je n’en aurais plus jamais ! C’est vrai que c’est vert, mais je me sens très bien, je ne suis pas agressive du tout, je suis juste gourmande…

Mais ils n’ont rien voulu entendre, et ont commencé à me regarder d’un drôle d’air en se rapprochant de moi. L’un d’eux cachait quelque chose derrière son dos. La tension devenait de plus en plus palpable.

– Non, vous vous trompez, je ne suis pas contaminée ! Je ne vous insulte pas, vous voyez ! Arrêtez… Je voulais juste manger un peu de guacamole…

Ils se rapprochaient de moi, et je reculais, en m’éloignant du guacamole. Soudainement, leurs gestes sont devenus plus agressifs, leurs regards plus durs.

Sans m’en rendre compte, pour leur parler, j’avais marché sur le rond de peinture !

Ils se jetèrent sur moi.

C’est à ce moment que je me suis réveillée, affolée. Le pire souvenir que je garderai de cet horrible cauchemar, c’est cette idée terrible de la disparition du guacamole dans le monde.

Fin.

Note : Ce rêve est reporté ici selon mes souvenirs, je l’ai fait il y a quelques mois. La narration en est étrange, mais je souhaitais respecter le déroulement des évènements tel qu’il s’est produits sous mes paupières closes…

Le 15 Décembre 2010, par Raïssa.

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